Festival Travelling : 30 ans de trajectoires cinématographiques


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Pour fêter ses trente ans d’exploration, le festival Travelling a donné rendez-vous aux spectateurs du 5 au 12 février 2019, à Rennes et dans toute la Bretagne. À travers une programmation qui affirme son mouvement de travelling – du court au long métrage, des grands classiques aux inédits contemporains, du documentaire à la fiction – les festivaliers ont été conviés à une grande traversée de cinq continents par le biais de 6 sections de programmation. Paris, Londres, Montréal, New York, Shanghai, Jérusalem… Des villes émergentes aux villes mémorielles, des villes imaginaires aux banlieues, la ville se fait monde. Rencontre avec la responsable artistique Anne Le Hénaff pour parler de ce voyage au long cours.

Comment a émergé la proposition de ville-monde pour ce trentième anniversaire ?

« Travelling est né avec la ville à l’écran. C’est la figure de proue du festival et son fil conducteur. Il s’agit d’interroger cette notion, de voir par exemple comment les jeunes générations de cinéastes s’en emparent. La ville est-elle présente à l’écran ? Quelle place occupe-t-elle dans les chemins de narration des auteurs ? Comment la ville s’inscrit-elle dans un processus de création ? La ville n’est pas le seul point d’ancrage d’une histoire et c’est aussi cela qui nous intéresse. Pour ce trentième anniversaire, nous avons choisi cette notion de ville-monde qui s’inscrit dans la section Urba[ciné] pour ne pas caractériser une ville en particulier comme c’est le cas pour les autres éditions. Nous avons souhaité ouvrir le voyage et compléter nos propositions de balades par des expositions, des installations, et ce pour être en phase avec la manière dont les arts peuvent aujourd’hui s’imbriquer. Nous sommes un festival de cinéma mais nous sommes ouverts à des propositions autres qui inscrivent la ville dans leur processus de création. On le voit par exemple avec l’exposition Mobile Churches du photographe Anton Roland Laub à la Maison des Associations de Rennes, avec l’art expérimental,  l’installation vidéo avec Shanzhai de Thomas Garnier aux Champs Libres ou autre.»

Le festival Travelling est un des événements porté par l’association Clair Obscur. Comment construisez-vous des ponts à l’année avec les autres actions de l’association, au-delà d’une date anniversaire ?

«  Le festival est là car il y a une association qui travaille à l’année, cela est certain. Et la programmation du festival se veut être en écho fort avec les propositions annuelles de l’association. L’enjeu est de dérouler nos lignes éditoriales, comme le montrent les 6 sections qui se sont étoffées au fil du temps. Toute l’année, ce sont les spectateurs qui sont au cœur de nos préoccupations. Les sections du festival sont en lien étroit avec les actions culturelles d’éducation à l’image que mène Clair Obscur à l’année, et au-delà, comme avec le réseau des médiathèques, l’Université du temps libre, sur les temps scolaires et hors scolaires. Avec la section Junior, cela est évident. Nous avons retravaillé notre proposition avec un axe particulier vers le tout jeune public, ce à quoi je tenais tout particulièrement. La demande est très forte, il s’agit du futur public. Il est important pour nous d’étoffer le lien entre l’artistique et l’accompagnement qui peut être fait. La Tortue Rouge réalisé par Michael Dudok de Wit est un très bel exemple de cette mise en relation entre un dispositif de l’association et le festival. Et c’est le musicien et  compositeur Laurent Perez Del Mar qui a accompagné la séance auprès des publics. Nous cherchons toujours à construire des ponts. La section Musique et Cinéma en est un autre bel exemple. L’écho y est fort et se prolonge avec la base de données des professionnels de Films en Bretagne, ainsi qu’avec la création musicale dans son ensemble. Les spectateurs ont pu par exemple assister au Tambour à une projection de 4 courts métrages accompagnée de l’habillage sonore de Maclarnaque

Vous placez les festivaliers au cœur de vos préoccupations. Cet anniversaire revêt-il une place particulière dans votre démarche ?

« Nous nous intéressons à toute la vie d’un film, de son écriture à la réception. Et nous nous attachons à cette réception de l’œuvre par le public. En tant que programmatrice, je m’appuie sur les comités de pré-sélection car c’est très important pour moi  d’avoir des échanges et de construire un véritable accompagnement auprès des publics, au-delà de la sélection. Nous travaillons main dans la main avec l’équipe jeune public par exemple. Les premiers pour lesquels nous travaillons ce sont les festivaliers, professionnels comme amateurs. Pour cette édition, nous nous sommes beaucoup posé la question de « comment fêter ces trente ans ? »

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Anne Le Henaff © Clara-Luce Pueyo


Nous n’avions pas envie de nous inscrire dans une vision mémorielle avec un raccourci « trente ans-trente films ». C’est là que j’ai souhaité proposer un avis de programmation, une consultation exceptionnelle. Cet anniversaire, nous l’avons fêté avec les publics, ceux qui sont là depuis les débuts du festival, les nouveaux arrivants, les futurs spectateurs. Nous avons donc proposé une sélection de films à partir des 29 éditions passées et à partir de là, 30 films ont émergé. Nous les avons soumis aux votes et remarques des spectateurs. Les 10 films qui ont récolté le plus de voix ont été programmés. Ce qui est amusant, c’est que les choix des votants reprennent bon nombre de films des premières éditions. Ces films sont devenus des classiques, que les spectateurs veulent voir ensemble, en salle. Pour Taxi Driver diffusé le lundi… la salle était remplie. Le festival a trente ans, il est toujours là, accompagné par le public. Il vit parce qu’il bouge, dans ses propositions et dans ses axes, même s’il reste ancré dans cette ville qui est son fil conducteur depuis le départ. »

On l’aura compris, l’enjeu est avant tout de créer des passerelles et des liens, de ville à ville, de spectateurs à films, de professionnels à festivaliers, d’écritures cinématographiques à arts visuels… Travelling nous invite au mouvement comme s’il s’agissait de déconstruire les barrières et d’ouvrir nos champs de vision. 

Clara-Luce Pueyo