Florence Caillon est compositrice et adhérente au Collège des Auteurices, Réalisateurices et Compositeurices (ARC).
Elle a composé et enregistré la musique d’une centaine de films : longs métrages, courts métrages, unitaires et séries TV, dessins animés et documentaires. Elle compose également pour la scène, et partage sa vie entre composition musicale et chorégraphie circassienne.
En 2023, 2024 et 2025, Florence Caillon est lauréate du dispositifs Troisième Personnage au Festival international Music & Cinéma de Marseille. Au retour de l’édition 2025, elle nous raconte son expérience…
RETOUR D'EXPÉRIENCE : ENTRETIEN AVEC FLORENCE CAILLON
Films en Bretagne :
Nous sommes curieux·ses de connaitre davantage ton parcours…
Florence Caillon :
Je suis compositrice de musique de film depuis plus de vingt ans, tout en dirigeant en parallèle ma compagnie L’EOLIENNE / Cirque chorégraphié, qui tourne en France et à l’international, et pour laquelle je suis chorégraphe circassienne et je compose la musique de toutes les pièces.
Mon parcours de compositrice a commencé avec la chanson du générique Père Castor, dont je suis autrice, compositrice et interprète puis j’ai composé la musique de plusieurs unitaires pour France Télévision (j’ai notamment reçu le Prix de la musique à La Rochelle, pour Le Sang des Fraises de Manuel Poirier). J’ai également été en charge de la musique de plusieurs séries France TV, dont la série Boulevard du Palais pendant dix ans, qui a été un fabuleux terrain de jeu et d’apprentissage, avec la liberté d’apporter des sonorités décalées qui ont participé au ton de la série, et de voguer entre boites à musique, cymbalum, valses au violoncelle, guitares électriques et musique électro.
En 2019 j’ai composé la musique d’un premier long métrage pour Agat Films Qui a tué Lady Winsley d’Hiner Saleem, avec mon compagnon Xavier Demerliac (originaire de Brest et fondateur du groupe L’ATTIRAIL). Puis ont suivi de nombreux documentaires (notamment pour Arte) et plusieurs courts-métrages dont 47 Pouces de Pascale Mompez, Habibti d’Antoine Stehlé et Une Nuit Particulière d’Enzo Martinez, que j’ai rencontré au Festival Music & Cinema grâce au dispositif 3ème Personnage.
Films en Bretagne :
Peux-tu nous raconter tes débuts au dispositif du 3ème personnage du Festival Music & Cinema ?
Florence Caillon :
J’ai eu la chance d’être sélectionnée au dispositif 3ème Personnage du Festival Music & Cinema en 2023, et je n’imaginais pas à quel point ce festival allait devenir un vrai tournant pour mon travail de compositrice.
De cette première année, j’ai eu la chance de rentrer avec le long métrage documentaire Dancing With The Gods, de Luyao Zang, produit par Julien Coquet de Backstory Media, qui est en cours de mixage, le court métrage Une Nuit Particulière, d’Enzo Martinez et un long métrage de fiction qui devrait se tourner en 2026.
Les rencontres que j’ai pu y faire ont été prépondérantes, et ce festival est aussi un lieu incroyable pour se retrouver, échanger, se nourrir, voir des films et débattre.
Les séances de projection auxquelles on assiste en compagnie de collègues avec lesquel·les on peut ensuite échanger, les débats, les discussions pendant les temps de repas, les rencontres imprévues, etc., sont des temps professionnels d’une grande qualité.
Il y règne aussi un climat d’une particulière grande bienveillance et le foisonnement artistique, émotionnel et intellectuel y est vraiment très nourrissant. On ne remerciera jamais assez l’équipe de pilotage qui donne vie à cet événement et insuffle ce climat inspirant.
Prochainement, je compose la musique du prochain court métrage d’Antoine Stehlé, rencontré grâce à La Maison du Film.
Films en Bretagne :
Peux-tu nous en dire plus sur ce dispositif proposé par le Festival international Music & Cinema ?
Florence Caillon :
Ce festival existe depuis 16 ans et il est le seul à mettre en relation les compositeurices et les équipe de film, à cette échelle, avec par exemple cette année une cinquantaine de projets sélectionnés, et 176 compositeurices, c’est énorme, tellement génial !
Une fois sélectionné·es, on demande si on veut se voir attribuer 1 ou 2 projets. Trois semaines avant le festival, on reçoit les projets de film, donc ça va très vite, surtout que pendant ce temps-là la vie continue, mais c’est le laps de temps qu’on a pour avancer sur des maquettes. Personnellement, j’aime beaucoup ce temps où je peux me plonger dans les projets, laisser voyager l’imaginaire et composer plein de trucs, même si en définitive je ne fais pas tout écouter.
Ensuite deux journées pendant le festival sont consacrées au « marché », où une salle du Conservatoire est préparée avec des tables, équipées de casques et où sont indiqués le nom du film, et celui du binôme réal et prod. On est guidé·es par des membres de l’équipe du festival, super disponibles et sympathiques . On a 1h pour faire écouter nos propositions au binôme réal-prod, aux tables, et échanger un peu comme le souhaite.
On a 1h pour faire écouter nos propositions au binôme réal-prod, aux tables, et échanger un peu comme le souhaite. Même si on est plusieurs compositeurices par projet, généralement 4 ou 5, ce qui est incroyable c’est qu’on est loin du speed dating et qu’on a le temps d’une vraie rencontre, qui s’appuie vraiment sur notre travail.
Personnellement, j’aime bien venir sur la durée du festival parce que c’est aussi un temps pour voir le soleil et que les premiers jours sont plus chill et plus propices à partager des moments avec les personnes qu’on a plaisir à retrouver ou à rencontrer, à découvrir les films.
C’est une grande chance pour nous de pouvoir arriver en amont sur les projets, ce qui nous permet d’intervenir dès le scénario, à une vraie place d’auteurice. Chaque année, il y a entre 70 et 80 % des projets qui se concrétisent avec une collaboration musicale rencontrée sur le festival.
Et il y a des duos fidèles qui se sont rencontrés grâce à ce dispositif comme Lukas Dhont et Valentin Hadjadj, par exemple.
C’est aussi l’occasion de rencontrer les membres de l’équipe Musique à l’image de la Sacem qui participe et accompagne très fortement le dispositif 3ème personnage, avec notamment des aides en lien, et qui fait un super travail pour les compositeurices qu’elle soutient.
Films en Bretagne :
Comment aborde t-on cet exercice en tant que compositeurice ?
Florence Caillon :
Tout le monde ne l’aborde pas de la même façon. Il y a des compositeurices qui privilégient le temps de communication, et d’autres qui aiment faire écouter beaucoup de musique, et j’imagine qu’il y a autant de façon de l’aborder que de participant·es, mais aussi, comme dans la vie en général, cela dépend aussi de la façon dont le binôme réal/prod va l’aborder. Et il y a souvent des deux côtés un mélange entre excitation, curiosité et un peu de stress aussi sinon c’est pas marrant ahah.
Films en Bretagne :
As-tu rencontré des difficultés ? Quel est selon toi les défis de cet exercice et comment est-ce que tu présentes ton projet musical au porteur de projet ? On imagine que tout l’enjeu est la rencontre et le dialogue avec les porteurs de projet…
Florence Caillon :
Personnellement, je n’ai pas de souvenir de difficultés, hormis celles avec moi-même qui sont les même que lors d’un examen, même si bien sûr ça n’en est pas un
Arriver à l’heure, (je suis du genre à prendre beaucoup trop de marge mais j’aime bien ça), ne rien oublier de ce qu’on doit emporter (ordi, morceaux à faire écouter, notes, etc.), ne pas retoucher toute la nuit les morceaux qu’on a préparés ^^, etc.
Pour le défi, je ne sais pas trop répondre à cette question car c’est une petite aventure à chaque fois différente et il me semble qu’une rencontre ne ressemble pas à une autre. J’essaie juste d’être prête à ne pas savoir comment ça va se passer, à être au mieux disponible à l’instant, et à réajuster mon ordre d’écoute si besoin. Quoi qu’il en soit, c’est un exercice très inspirant et un moment intense chaque fois.
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Propos recueillis par Lubna Beautemps, avril 2025.
