L’un derrière l’autre, nombre de longs métrages aidés par la Région Bretagne ces trois dernières années ont commencé de déferler sur les écrans au printemps 2016. Si cette concomitance est essentiellement fortuite, fruit de contingences de production ou affaires de distribution, elle permet d’observer les effets d’une politique de soutien régionale active qui s’est élargie et affinée ces dernières années et met en perspective la diversité des œuvres désormais soutenues en région. Panorama.

 

Bien connue sous l’acronyme Facca – soit « Fonds d’aide à la création cinématographique et audiovisuelle », le dispositif de soutien du Conseil régional de Bretagne,  profondément réformé en 2005 (et dont le budget a triplé depuis) regroupe aujourd’hui trois fonds distincts, dont les aides, sélectives, sont allouées par des comités spécifiques. Première née, l’Aide à la création gratifie – tous genres confondus – des films aux stades de l’écriture, du développement ou de la réalisation.

Le FAR, « Fonds Audiovisuel Régional », anciennement connu sous l’appellation « Fonds filière », est apparu en 2011. Objectif : se donner la possibilité de soutenir des œuvres présentant un intérêt manifeste pour le territoire en les appréciant à l’aune d’autres critères que leur seule qualité artistique.

Instaurée enfin pour « adapter les soutiens à la phase délicate du passage à la production de films de cinéma de longs métrages, et soutenir le développement d’une filière en croissance en Bretagne », peut-on lire dans le règlement, la jeune Aide à la production associée  – volet du fonds dédié au développement de la filière – vit quant à elle sa troisième année.

 

Ayant bénéficié de l’une ou l’autre des aides ces trois dernières années, une foule de longs métrages semble avoir attendu les beaux jours de 2016 pour pointer sur les écrans. Une quinzaine de films sont ainsi attendus en salles dans les mois qui viennent !

Premières fleurs : Crache-cœur et Suite armoricaine, bénéficiaires chacun de l’Aide à la création, connaissent un beau destin. L’un, premier long métrage de la réalisatrice Julia Kowalski, tourné entre la Bretagne et la Pologne, est sorti le 17 février après avoir été présenté par l’Acid à Cannes en 2015. Il enchaîne aujourd’hui les sélections en festival.

Sorti à sa suite, le 9 mars, le film de Pascale Breton a été programmé pour l’heure dans plus de 100 salles et restait à l’affiche de 30 cinémas pour sa septième semaine d’exploitation. Porté par une critique souvent conquise, il dépasse aujourd’hui les 15000 entrées. Fraichement gratifié du Prix du meilleur film au 34e Festival international de cinéma d’Uruguay à Montevideo, Suite armoricaine est également sélectionné au 59e Festival international du film de San Francisco, qui aura lieu du 21 avril au 5 mai prochain.

Citons encore, tout juste découvert en sortie nationale, le 13 avril, Marie et les naufragés, 4e long métrage de Sébastien Betbeder, tourné à part égale entre Paris et Groix, aidé en 2014. Précisons que le film profitera d’un autre dispositif régional, étant accompagné par Cinéphare (Zoom Bretagne) sur une tournée bretonne de 5 dates, du 4 au 7 mai 2016, en présence du réalisateur.

 

Devraient aussi se montrer cette année, toujours soutenus par le volet création du Facca : Naufragé volontaire, une première fiction de Didier Nion, produite par Balthazar et inspirée de l’aventure maritime tentée en 1952 par Alain Bombard ; Je me tue à le dire, premier long métrage de Xavier Seron coproduit par Tobina Films, côté français, Novak Prod côté belge et presque entièrement tourné à Rennes ; Souffler plus fort que la mer de Marine Place, intégralement tourné en Bretagne et produit par Sensito Films ; Les Philosophes de Guilhem Amesland, produit par Caïman et tourné à Vitré, en Ille-et-Vilaine.

Long métrage toujours, mais documentaire cette fois, à l’automne sortira en salles Saigneurs, un film de Raphaël Girardot et Vincent Gaullier, tourné au sein de la société SVA de Vitré, coproduit par Mille et Une. Films avec Iskra. Une version 52’, récemment primée à Luchon, sera préalablement diffusée par Arte.

Mentionnons, pour finir, La Belle dormant, nouveau film du réalisateur espagnol Adolfo Arrieta, avec Mathieu Amalric, coproduit par Paraiso Production et Pomme hurlante (tourné en Ille-et-Vilaine et Côtes-d’Armor).

 

Tout proche de nous dans le temps, et attendu depuis sa présentation à Cannes par la Semaine de la Critique, Dégradé de Arab et Tarzan Nasser sortira le 27 avril prochain. A celui-ci, coproduit par la société rennaise .Mille et Une. Films, la Région a consenti un soutien original et jusqu’alors inédit. Il est en effet le premier film à avoir bénéficié de l’Aide à la production associée : le mode de soutien le plus jeune mais sans doute aussi le plus contraint dont se soit doté la collectivité. Parmi les critères d’attribution, figurent notamment, pour la société mandante, l’obligation d’avoir produit au moins un long métrage et d’agir – sur l’œuvre présentée – en tant que producteur délégué et/ou exécutif.

Avec une dotation globale plus modeste que les soutiens à la création et à la filière (dont il est une partie), il « favorise les collaborations artistiques entre des sociétés implantées sur le territoire et des sociétés hors Bretagne, et permet de faciliter les échanges, de développer les réseaux nationaux et internationaux des producteurs bretons tout en garantissant des retombées financières en Bretagne (emploi, industries sectorielles…), précise le règlement.

Jean-Philippe Lecomte, producteur chez .Mille et Une. films, témoigne du caractère décisif qu’a eu l’aide sur l’entrée en coproduction des Rennais, au côté de la société parisienne Les Films du Tambour. « Une aide qui a en outre induit que toute la postproduction soit effectuée à Rennes (AGM Factory) et qui a déclenché le soutien du Breizh Film Fund, (le fonds de dotation administré par le Groupe Ouest, ndlr).

En plus de la visibilité créée pour leurs structures, les producteurs s’accordent sur l’intérêt d’une telle intervention qui porte explicitement l’attente d’une contrepartie économique et d’un effet structurant pour le territoire. On l’estime cependant trop restrictive, compte tenu du peu de sociétés locales ayant pour l’heure du long métrage à leur catalogue.

 

Parcourant l’inventaire de nos quelque 17 œuvres de long métrage en attente de diffusion, on notera leur diversité. « Le volume de longs aidés profite de l’effet fonds filière qui soutient des films plus populaires », confirme Guillaume Esterlingot, chef du service Images et industries de la création à la Région. Taularde, de Audrey Estrougo, avec Sophie Marceau, tourné à la prison des femmes de Rennes et produit par Rouge International ou La Fille de Brest d’Emmanuelle Bercot (production Haut et court), aidés chacun grâce au FAR, en sont des exemples. « Ce type de projet est désormais plus fréquemment proposé à la collectivité du fait de la visibilité du soutien à la filière, en parallèle au soutien à la création, un temps seul à exister en Bretagne », constate-t-il.

Il rapporte encore que « presque tous les téléfilms sont orientés vers le FAR ». Mais d’autres, plutôt marqués « auteurs », « sont également envoyés vers le FAR, moins contraint que le fonds création ». Parmi ceux-là, dont la sortie est attendue dans les mois qui viennent : Fleur de tonnerre, long métrage co-écrit par Stéphanie Pillonca-Kervern et Gustave Kervern, réalisé par Stéphanie Pillonca-Kervernproduit par JPG Films et distribué par Sophie Dulac.

C’est la raison d’être de ce fonds que de laisser peser d’autres arguments, se faire jour d’autres avantages : économiques, patrimoniaux, etc. « Il apporte un peu de souplesse, permet de soutenir un spectre d’œuvres plus large (avec une enveloppe équivalant cependant au quart de celle dédiée à la création, ndlr). Il est également garant, de fait, de plus de sérénité dans les comités de sélection », ajoute Guillaume Esterlingot.

 

Création, filière et production associée : articulés ensemble, ces leviers servent une politique revendiquée par les élus comme « ambitieuse et pragmatique », et qu’on peut dire aujourd’hui mature et équilibrée, attentive à la création autant qu’à la structuration et au développement de la filière locale.

En quelques années d’existence conjointe, ils ont eu notamment l’effet de rapprocher le territoire, et sa filière professionnelle, de la fiction long métrage, une sphère encore lointaine et cloisonnée, il y a peu. En résulte un gain de confiance de la part des sociétés régionales, désormais couramment associées à des projets tiers, voire prêtes à prendre  l’initiative.

Citons cette fois Headbang Lullaby, 5e long métrage d’Hicham Lasri, aidé au titre de la création en 2015. Coproduit à part égale par la jeune société rennaise Les Films de l’Heure bleue et Pan Production au Maroc, le film a été entièrement tourné au Maroc et sera post-produit à Rennes. Un pas de géant, plutôt qu’un saut dans le vide, pour Thomas Guentch qui porte, en tant que producteur délégué, son premier long métrage, mais aussi le projet d’ « un réalisateur identifié et attendu dans les festivals », confie-t-il.

N’oublions pas, enfin, Louise en Hiver de Jean-François Laguionie, produit par JPL Films, avec Tchack, Unité Centrale (Canada) et Arte ; distribué par Gebeka Films. Le film sera présenté en sélection officielle au prochain Festival international du film d’Annecy, avant sa sortie en salle au mois de novembre.

Charlotte Avignon

Le Facca en chiffres

  • – 2, 410 millions d’euros pour l’Aide à la création
  • – 500 000 pour le FAR
  • – 100 000 pour l’Aide à la production associée

 

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