Dix professionnels bretons du cinéma et de l’audiovisuel se sont familiarisés avec la direction de production pendant cinq semaines. Il s’agit de la première formation longue portée par Films en Bretagne, avec le soutien du Conseil régional, en partenariat avec l’INA et l’Afdas. Elle vient tout juste de s’achever.
Le directeur de production, c’est le chef de chantier d’un tournage. Autant dire que ses responsabilités sont importantes et ses compétences variées. Il définit les besoins en personnel, embauche les techniciens, négocie les contrats de travail, gère le budget et les moyens matériels tout au long de la fabrication du film. C’est un homme ou une femme de confiance, proche collaborateur du producteur, qui maîtrise les aspects juridiques, financiers et techniques d’un tournage. Bref, un mouton à cinq pattes !
En Bretagne, les directrices et directeurs de production sont souvent autodidactes. « Ce sont, pour la plupart, des jeunes gens, arrivés comme stagiaires dans les sociétés, qui ont acquis leur expérience sur le tas », explique Charlotte Avignon, coordinatrice au sein de Films en Bretagne. « Réunir l’effectif nécessaire a été un challenge. Il y avait des assistants et des directeurs de production, une comédienne, un réalisateur et un régisseur général. Ils n’avaient ni la même expérience professionnelle ni les mêmes attentes. C’est pourquoi le programme a été composé en trois parties : les fondamentaux de la direction de production visitant les aspects réglementaires, financiers et techniques, puis un module centré sur le documentaire et un autre sur la fiction ». Comme les structures régionales produisent encore peu de longs métrages de fiction, en Bretagne, la direction de production concerne actuellement surtout le court métrage et le documentaire.
L’objectif premier de cette formation était de permettre aux stagiaires de consolider leur pratique professionnelle. Mission accomplie pour Lucie Jullien. Après un master de SciencesCom, filière médias, la jeune femme de 26 ans a fait son stage de fin d’études chez .Mille et Une. Films. Depuis deux ans, elle y travaille régulièrement comme assistante de production. « J’ai eu envie de prendre davantage de responsabilités au sein de la société. Par chance, ce désir d’évolution correspond aux besoins de mon employeur principal. Jean-Philippe Lecomte, l’actuel directeur de production, va commencer à produire, et devoir me déléguer certaines tâches sur les prochains documentaires. Grâce à cette formation, je vais me sentir plus légitime au moment de prendre en main mes premiers projets en tant que dirprod ».
La formation répondait aussi à un autre objectif : accompagner la montée en puissance de certaines structures vers la production de longs métrages de fiction. « Jusqu’à présent, quand des sociétés de production extérieures – le plus souvent Parisiennes – venaient tourner en Bretagne, elles amenaient leur propre directeur de production car personne ici n’était formé à ce poste. Aujourd’hui, on peut envisager qu’un dirprod d’ici soit embauché. Pour commencer, peut-être sur un téléfilm avant de passer à un long métrage pour le cinéma. En tout cas, cette formation qui donne les premières bases le permettra », souligne Adeline Le Dantec, présidente de Films en Bretagne et elle-même productrice.
Des formations adaptées aux besoins des professionnels
Travailler sur des longs métrages de fiction : c’est bien l’ambition de Karine Charasse, 32 ans, directrice de production sur de nombreux courts métrages, notamment au sein de Paris-Brest Productions. Elle qui a aussi goûté à la régie générale espère décrocher le graal par ce biais. « Il y a un prolongement naturel entre la régie générale et la direction de production. Le régisseur général est le bras droit du dirprod. Ce sont deux métiers d’organisation très complémentaires ». Karine qui sait que, dans ce milieu, « on ne trouve du travail que si l’on est recommandé par quelqu’un », compte sur ce bouche-à-oreille pour faire son »trou ».
« On ne devient pas dirprod comme ça », confirme Eric Lionnais, régisseur général qui a 27 ans d’expérience professionnelle au compteur. « Il faut avoir une complicité avec un dirprod qui va vous transmettre son savoir et, au fur et à mesure, vous faire découvrir la réalité du terrain. Par extension, cela permet de gagner la confiance d’un producteur, qui vous confiera les rênes d’une prochaine production. A Paris, les dirprod sont embauchés au projet et peuvent faire venir leur régisseur général. Mais exerçant en région, j’ai rarement l’occasion de travailler deux fois avec le même. C’est donc plus difficile pour moi de devenir dirprod. Et même s’il y a encore peu d’occasions de travailler sur des longs métrages de fiction en Bretagne, cette formation m’a permis de faire un état des lieux de mes connaissances, de les étendre et de les structurer ». L’occasion d’une formation en Bretagne a donc fait le larron. La plupart des stagiaires s’étaient renseignés sur les possibilités de se former à la dirprod mais hors de Paris, quasiment point de salut ! « Les autres formations duraient huit semaines. Je n’ai jamais eu une telle plage de temps disponible. Ici, les sessions se sont déroulées en deux périodes de 12 jours qui correspondaient mieux à nos rythmes de travail », précise Karine.
Depuis quelque temps, Franck Beyer songeait, lui aussi, à se former. Ce réalisateur s’est déjà frotté à la direction de production au sein des Films de l’autre côté, la société qu’il a créée avec deux autres collaborateurs. « J’ai produit deux de mes films. Mais, depuis quelque temps, nous sommes sollicités par de jeunes réalisateurs. Jusqu’à présent, nous avons refusé tous les projets par crainte de ne pas savoir faire. Aujourd’hui, nous voulons développer notre société en accueillant des projets extérieurs. Ayant pratiqué ce métier empiriquement, j’avais besoin d’acquérir des outils et de la méthode. Je sors de cette formation sécurisé et en confiance. Je pense qu’il y a actuellement une réelle opportunité de développement pour une société comme la nôtre dans l’accompagnement de jeunes auteurs-réalisateurs ».
Cette formation à la direction de production s’est inscrite dans le cadre d’une Action territoriale expérimentale (ATE) mise en place en 2012, en lien avec la Région Bretagne. Depuis que Films en Bretagne est devenu un organisme de formation à part entière, plusieurs séminaires ont déjà eu lieu sur des périodes allant d’une journée à une semaine et portant sur différents thèmes comme »Dramaturgie et documentaire », »initiation au doublage », »Ecrire une bible pour l’animation », etc. Cette ATE a été reconduite sur 2013-2015. Un nouveau questionnaire vient de sonder les futurs besoins des professionnels bretons. Une nouvelle offre de formations leur sera bientôt proposée.
Nathalie Marcault