DIMITRI DORÉ : confession d’un ogre en présence


Théâtre, opéra, cinéma, cabaret, clown, jonglage, cirque… Dimitri Doré est un comédien très curieux, touche à tout, se nourrissant et travaillant comme un forcené, tout en revendiquant son amour et son appartenance à la culture populaire.

Vincent Le Port lui offre le rôle-titre dans son premier long métrage Bruno Reidal pour lequel le comédien remporte le prix d’interprétation masculine au festival Premiers Plan d’Angers 2022 et la pré-sélection pour les Révélations aux César 2023.

J’ai eu la chance d’échanger longuement avec cet acteur atypique et généreux sur la manière dont il voit et construit ses personnages, dont il choisit ses rôles, sur sa vision de ce qu’est le Jeu et sur la manière aussi dont il cherche à évoluer, toujours, comme un « élan, une énergie vitale ».

Propos recueillis par Lubna Beautemps, janvier 2023

Après un baccalauréat option Théâtre, Dimitri Doré part en 2016 pour la Capitale et intègre l’école de théâtre l’Eponyme, dirigée par Stéphane Lainé. En 2017, il commence sa carrière professionnelle en jouant quatre personnages dans À nous deux maintenant de Jonathan Capdevielle. Le parcours est lancé et Dimitri Doré joue dans plusieurs pièces : Rémi sans famille de Jonathan Capdevielle ; La terre entière sera ton ennemie de Thomas Blanchard et Sébastien Betbeder, Retours, ou Le Père de l’enfant de la mère, mise en scène par Frédéric Bélier-Garcia, etc. Ces rôles lui valent la reconnaissance de ses pairs et le place comme « jeune prodige de la scène théâtrale » (France Culture en 1998 pour son rôle dans Rémi sans famille). En 2019, il commence sa carrière cinématographique avec le rôle de Bruno Reidal. En 2022, il joue auprès d’Isabelle Huppert dans le long métrage de Laurent Larivière À propos de Joan.


Bruno Reidal est un être qui lutte contre ses pulsions meurtrières et qui va finalement passer à l’acte. Il est à la fois très dérangeant, tout en étant sincère, provoquant ainsi de la pitié chez les spectateur·trices. Ton jeu est juste, tu ne tombes jamais d’un côté ou d’un autre, comme si tu étais sur un fil et que c’était un jeu d’équilibriste délicat… Comment as-tu construit et travaillé ce personnage ?

Avec Vincent Le Port, nous avons beaucoup échangé autour de ce personnage qui a réellement existé et nous avions un dossier anthropologique constitué à l’époque par le docteur Lacassagne (médecin et fondateur de l’anthropologie criminelle). J’ai voulu respecter Bruno Reidal comme quelqu’un qui pourrait être de ma famille ou un voisin, en tout cas, j’y ai mis beaucoup de respect pour l’incarner, sans le dénaturer, et j’ai voulu le rendre empathique.

Avec ce film, on peut dire que l’innommable est possiblement en nous et non pas relégué dans un univers de monstre. Il y a trop de « Faites entrer l’accusé »… comme si la noirceur avait un visage, comme si le projet criminel avait des traits caractéristiques. Comme si l’être humain était un seul bloc, blanc ou noir, du côté de la bonté ou de la méchanceté. Mais non, nous sommes aussi bien dans l’ombre que dans la lumière. Depuis 6 ans que je fais ce métier, je travaille mes rôles en composant avec une part d’ombre et de lumière… comme dans la vie. Nous avons ces facettes en nous, nous ne sommes pas tout blanc ou tout noir.


La voix off dans le film a une place centrale, c’est elle qui narre l’histoire, qui nous fait entrer dans l’esprit et dans les pensées de Bruno, elle donne le ton… comment l’avez-vous travaillée et comment s’est passé l’enregistrement ?

Travailler le corps, la posture, ce n’était pas difficile en soi, c’était surtout l’accent qui me faisait le plus peur. Vincent avait ses images en tête mais moi je n’avais aucune image, le film n’était pas encore monté, j’avais un micro et ces 17 pages de texte que nous avons enregistrées en 2-3 jours. C’était casse-gueule parce que la voix off prend énormément de place dans le film, et je n’ai pas du tout cet accent. On a peu répété, nous n’avions aucun coach vocal. J’ai écouté des radios du cantal et nous avions des vidéos de casting de non-professionnel·les et je m’en suis inspiré musicalement (Vincent Le Port a tout d’abord cherché un acteur non professionnel pour le rôle de B. Reidal).

Dans ce film, je considère l’acteur comme un instrument. J’ai une voix aigrelette, étrange, des fois je peux monter dans les aiguës, ou la timbrer. J’écoutais Vincent qui me disait « plus cynique, plus neutre », j’étais comme un instrument. Je jouais cette voix avec cet accent et ses silences. Il faut avoir la capacité de justifier ses silences et pas que dans la voix off d’ailleurs. Il faut savoir pourquoi tu dis cette réplique, à qui tu le dis et on va y croire. Ce sont les notions que j’ai apprises à l’école l’Éponyme par exemple.

Je considère qu’il faut écouter cette direction d’acteur et écouter ceux qui veulent raconter cette histoire, et je me suis plié volontiers à cet exercice.


L’aspect physique du personnage a une grande importance, sa tenue un peu penchée, sa démarche. Tu parles aussi beaucoup de l’importance du regard dans ta manière d’habiter un personnage…comment as-tu travaillé ce physique ?

Le jeu, c’est de réunir en un seul tenant les jambes, la voix, le corps, la diction et que tout s’engage dans la pensée, dans le mot. Au commencement ne vient pas le verbe, il vient après la pensée, quand tout a été digéré.

Le regard, c’est le plus important car c’est “la fenêtre de l’âme” comme dit Shakespeare. Ce n’est pas pour rien qu’une des plus célèbres répliques du cinéma français est “t’as de beaux yeux tu sais”, il y a un truc dans le regard très important et il ne faut pas le trahir, comme dans la vie, et comme quand on joue un personnage. Si je joue Poutine, je ne vais pas avoir le même regard que Bruno Reidal. Ce Bruno Reidal, il est incompris, il a un grand mal être, on ne lui a jamais dit un « je t’aime », il est malheureux ce gamin-là.

Le regard au cinéma me touche énormément. Le cinéma muet, Laurel et Hardy, Buster Keaton… Je trouve qu’il y a un regard qui ne changera jamais même à travers les siècles. Le regard d‘Annie Girardot ou de Louis de Funès, quand je les ai vus pour la première fois ado, cela m’a vraiment touché.

Pour le corps, j’ai voulu rendre hommage à un acteur, décédé en 2017, que j’affectionne particulièrement : Robert Hirsch. J’adore les acteurs de corps comme Harry Baur, Darry Cowl, Rowan Atkinson (Mister Bean), ou encore Pierre Richard qui est un acteur élastique. Je ne suis pas du tout souple, mais j’essaye et je tends vers !


Comment s’est passé le travail avec Vincent Le Port et plus généralement avec l’équipe du film ?

Le lien s’est fait naturellement, ça a été une merveille. Vincent est d’une nature simple, joyeuse, il a une belle personnalité avec son univers. Il met en confiance, il a son story-board dans sa tête et il est très respectueux de ses acteurs. C’était une belle rencontre, c’est la première fois que je me faisais diriger.

Je ne connaissais rien, je ne connaissais pas le jargon des technicien·nes, le staff… ça a été une formidable aventure. L’équipe a été délicieuse avec moi et je pense avoir compris quelque chose. Il faut travailler ensemble pour raconter une seule et même histoire, ce n’est pas seulement une histoire d’acteur·trices ou de technicien·nes ou du metteur·e en scène. C’est tout un travail d’équipe, par exemple quand on a les plans de mouvements. Il faut être attentif à tout, il faut écouter l’équipe son, lumière et ne pas jouer à l’acteur si j’ose dire. Ce métier peut rendre capricieux et con, alors que c’est une histoire de troupe et de collectif, une image généreuse, il faut garder ce lien.

L’éthique qu’a instaurée Stank et l’élan que m’a insufflé Vincent Le Port, c’est de rester simple. On ne fait que du cinéma, en tout cas on a le plaisir de jouer ensemble, et il y a eu beaucoup de respect et d’humanité qui se sont dégagés du tournage. C’était une très belle équipe, je les remercie pour ça, car on en a tous gardé un très bon souvenir.

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« Retours », une pièce de Fredrik Brattberg, mise en scène par Fréderic Bélier- Garcia, avec Camille Chamoux (2019) © Christophe Raynaud de Lage


J’affectionne un podcast de critique cinématographique “la gêne occasionnée » de François Bégaudeau et “L’homme sans nom” et j’aimerais te faire écouter un extrait de l’épisode sur EO de Skolimowski. Dans cet extrait, Bégaudeau parle de l’acteur qui parfois en “fait trop” en comparaison à l’animal, qui lui reste juste et sincère. J’aimerais t’entendre là-dessus.

[Extrait de la gêne occasionnée – Episode 47 – à écouter de 28:38 à 31:00]

Je comprends son discours. Et pour revenir au regard, c’est ce qu’il a de plus hypnotique. Au théâtre, il faut développer sa capacité de présence et faire du théâtre de gros plan. Si l’on veut que le spectateur ne voie qu’une chose, il faut bouger que cette chose-là, que le petit doigt par exemple et il ne faut bouger rien d’autre. Il faut avoir la capacité de justifier ses silences. C’est l’inverse du grand mime que j’affectionne aussi, comme Etienne Decroux ou Marcel Marceau. J’adore aussi les grands clowns comme les Fratellini, le trio Francesco ou Charlie Rivel par exemple, mais c’est encore une autre sphère.

Cela me fait penser à une anecdote de Louis Jouvet lorsqu’il fait passer un casting. Il reçoit un acteur qui sort vraiment le grand jeu, il pleure, pisse sur scène, se met en sang, etc, enfin bref l’horreur. Et à la fin, quand il s’arrête, Louis Jouvet lui demande “et si tu pétais ?

Il ne faut pas épuiser, ou faire ce qu’on appelle une performance. Je déteste ce mot, nous n’avons pas besoin d’être dans une compétition, à performer quelque chose, on est juste dans l’humain et c’est ce qui nous touche chez l’animal : il est vrai, il est criant de sincérité. Le regard des chimpanzés, des gorilles, est très vrai car ils ne forcent pas le trait, et je comprends tout à fait ce que veut dire Bégaudeau.

J’ai pleuré une fois dans le film de Vincent, dans le confessionnal où je craque pour mon personnage. Il est démuni, il se confie au prêtre, et il y a un retournement de situation, il lui dit “et si tu te faisais prêtre ?« . La vie n’est alors pas terminée, la vie n’est faite que de recommencement… et je n’en fais pas trop je pense, il ne faut pas en faire de trop, c’est comme ça qu’on devient intéressant. Il faut éprouver au lieu d’interpréter, il faut muscler le naturel. S’il y a quelque chose qui parle en moi et que les spectateurs entendent, cela leur parle très directement. Il y a des gens qui affectionnent ça, et c’est pour ça que ce Bruno Reidal nous touche aussi. Je suis plus pour l’instinct et le sensible, que l’esthétique et la technique, que je mets en second plan. Blague à part, je ne suis pas comme Depardieu mais j’ai sa philosophie.


Tu dis que tu travailles beaucoup en amont, que tu es assez scolaire dans ta manière d’aborder un rôle, tu te nourris aussi beaucoup. Dans le jeu du comédien, il y aussi la notion du lâcher prise… comment penses tu à la fois ce que tu appelles “cette pensée” (dûe au travail, au contrôle) et “l’instinct” ?

J’ai profité des facilités d’accès aux archives et aux documents pour me construire une culture théâtrale avec Serrault, Chereau, Regy ; cinématographique avec Lelouch, Carpenter, Haneke ; plastique ou encore sonore avec Francis Laï, Tina Turner, Mick Jagger, tout cela grâce à Internet. On ne grandit pas sans archives, j’aime le temps passé et je n’ai pas honte de mes goûts sans pour autant dire “c’était mieux avant”.

Me maquiller en clown, monter des chapiteaux à l’aide de l’armature de ma balançoire, j’ai toujours aimé me déguiser lorsque j’étais petit. J’étais en admiration de mes profs, je les imitais, jusqu’à imiter leur écriture. Je crois que j’ai compris dans l’adolescence que je passais par l’imitation. Et imiter, ça passe par le fabuleux pouvoir de la métamorphose, c’est révéler quelque chose, c’est recréer et non recopier. Comme un buvard, tous les artistes commencent par recréer ce qu’ils ont vu comme Victor Hugo avec Châteaubriand, Picasso en recopiant ses maîtres, Zouc ou De Funès en reprenant les colères de sa mère pingre, etc.

J’ai commencé à imiter ceux que j’aimais et à un moment donné ta propre nature prend le dessus et tu deviens toi-même. Le comédien débutant doit faire confiance à un être qu’il ne connaît pas encore, c’est lui-même, et je crois que c’est là toute la difficulté et le travail d’un acteur à ses débuts.

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Reprise de la mise en scène de Michel Fau, « Wozzeck » d’Alban Berg, à l’opéra de Monte-Carlo avec Matthieu Toulouse et Fabrice Alibert (2022). © Alain Hanel – OMC


Comment est-ce qu’un acteur joue-t-il mieux ? C’est quoi la notion de progrès dans ce métier ?

En Zaza BUKKAKE au cabaret de chez « Madame Arthur » avec Jérôme Marin (2018) © Grégory Augendre-Cambon alias Monsieur Gac

C’est se connaître encore mieux, faire son examen de conscience, comprendre ses défauts. C’est distinguer l’important de l’accessoire, la satisfaction immédiate de l’investissement dans une plénitude de plus long terme. Avant je croyais, de par mes amis militants, qu’il fallait changer la société et que l’individu changerait. Maintenant j’en suis de moins en moins convaincu. Je pense qu’il faut peut-être d’abord changer l’individu et c’est lui qui changera la société. C’est pour ça qu’il faut avoir conscience de ses défauts, comme quand on est en couple ou avec nos amis.

Je pense qu’il faut faire une introspection de soi-même et pouvoir se regarder sur un écran, sur les captations théâtrales, et se dire “ah là je me kiffe bien” ou “qu’est-ce que je triche putain”, ne pas tomber dans le vice de ne pas s’écouter ou se regarder, de mettre sous le tapis. Il faut au contraire se voir et apprendre à se connaître, c’est là que tu vas te comprendre et aller davantage vers les autres.

Je suis en quête de me comprendre encore plus et en tant qu’artiste… Quel bonheur de se connaître soi-même et quel plaisir de faire ce métier dans ce sens-là. Utiliser à bon escient ce métier ! Ne pas déverser ses doutes, ses peurs, “sa merde” ne pas se dire que tu es meurtri, mais accompagner les spectateurs, faire silence…

Arriver à prendre des temps de pause et se demander “où j’en suis”, “qui je suis”, “qu’est-ce que je veux” et “avec qui j’ai envie d’avancer dans ma vie”. Ce sont des questions fondamentales !


Tu te nourris autant d’une culture dite populaire que d’une culture plus élitiste en citant à la fois Bourvil, Vitez, Carpenter, Haneke. De la même manière, tu touches autant à l’opéra qu’au clown. Ce mélange des genres n’est pas si fréquent, surtout en France. Qu’est-ce que cet éclectisme t’apporte, pourquoi est-ce si précieux pour toi ?

J’aime bien le champ des possibles et au travail, comme dans la vie, je n’aime pas être catégorisé. J’ai un principe (j’en ai peu !) c’est de rester fidèle à ma légende, être raccord quoi !

Je suis un enfant de la télé et je regardais tout ce qui passait, la collection René Château, Guy Williams, le festival international du Cirque de Monte-Carlo. Ensuite, avec cette option théâtre, j’ai découvert Pommerat, Castelluci, Bresson, Haneke et puis Hostel ou Tusk, tous les films gores… tout en revenant à des émissions comme Le Plus Grand Cabaret du monde.

Création à la Reine Blanche du cabaret des « Panama Papers Show » mis en scène par Madeleine Mainier avec Marine Caillet et Carla Oberti (2016) © Brument.s (Seb Seb).

Je n’ai jamais occulté mon côté popu, je n’ai pas honte de dire que j’écoutais C. Jérôme… j’ai la même coupe des fois d’ailleurs ! Je le dis, car mélanger les genres, c’est ce qui m’a nourri… ne nous censurons pas. Bientôt, je vais donner une master-class dans mon ancien lycée et je vais dire aux étudiant·es qu’il faut venir avec sa carte de visite et que c’est ça qui va intéresser les auditeurs, les cinéastes, les metteur·es en scène. On va t’aimer pour ce que tu es et non pas pour ce que tu vas devenir. Restons tel que nous sommes, et au fur et à mesure on va se construire en tant qu’individu, qu’artiste, en tant que citoyen aussi… il ne faut pas oublier ou nier d’où tu viens.

Je déteste être étiqueté dans mon métier, je n’ai jamais voulu me spécialiser. Mais dans ce pays, l’indépendance est rare et elle se paye ! On aime la norme et il est souvent difficile de voler de ses propres ailes, d’être libre, sans image à entretenir, sans posture, sans allégeance à un genre ou une tendance. Je fais de l’opéra, du doublage, du théâtre, je donne des cours dans des collèges, je vais être jury dans un conservatoire du 16e arrondissement, j’ai mes amis cabarettistes… j’aime cette panoplie, être acteur c’est avant tout raconter une bonne, une belle histoire, et divertir, c’est mille choses le métier d’acteur !


Tu as une grande curiosité, tu veux tout essayer mais tu dis aussi que tu ne veux pas devenir boulimique, que tu ne veux pas “manger tout et n’importe quoi”. Qu’est-ce qui guide ou va guider tes choix ?

© Victoria Vinas

Le cœur. Je fonctionne au coup de cœur, nourri par les échanges avec mon agent artistique François Tessier1 (agence Aimant), avec qui la communication est facile et régulière. Et on ne fait pas de plan de carrière.

En janvier, je vais faire un film à la Femis pour un jeune cinéaste. La manière dont il m’a abordé par mail et le scénario, tout cela m’a plu alors j’ai dit oui. A l’inverse, j’ai refusé de passer des castings pour des projets avec des cinéastes plus connus car je n’avais pas envie de travailler avec ces personnes, ce n’est pas ma famille de cinéma. Il y a certaines personnalités qui sont dures et des techniques pour t’amener vers quelque chose qui sont difficiles.

Un peu de respect” comme disait Girardot chez Ardisson, parce qu’on est fragile et qu’on ne fait que du cinéma… c’est assez difficile comme ça pour ne pas s’amuser. Je choisis en fonction des histoires, que ce soit pour les films, le théâtre, le cabaret, je prends ce qui me touche. C’est ça mon libre arbitre.


Tu es au début de ta carrière théâtrale et cinématographique avec deux longs métrages et déjà un prix d’interprétation et une pré-sélection au César. On a déjà dit que tu étais “un jeune prodige de la scène théâtrale”, comment abordes-tu cela ? Est-ce qu’il y a une pression ?

Il n’y a pas de pression à avoir, on n’est pas chirurgien, on ne sauve pas des vies. Il y a juste des rencontres à faire et trouver ces chemins à arpenter dans la vie. Il n’y a pas non plus de place à avoir dans ce métier. Après, beaucoup de jeunes comédien·nes veulent avoir une reconnaissance et ne l’ont pas et ça, c’est difficile.

Mais quelle pression tu veux avoir ? Ce métier est tellement délicieux. Il y a juste à être fidèle à celles et ceux avec qui tu travailles, les remercier, mais il n’y a pas de pression, il y a juste la vie à affronter. Il faut bien sûr gagner sa vie, et si tu n’y arrives pas, tu peux te reconvertir. La vie a plus d’imagination que nous !

Si on peut faire notre métier et s’amuser, mettre nos talents au service de celui-ci et en faire bénéficier une partie du monde, et bien on est le plus heureux des hommes si j’ose dire !


Chez Films en Bretagne, nous avons un groupe de comédien·nes dynamiques… qu’est-ce que tu aimerais partager avec elleux pour ce mot de la fin ?

Puisque c’est le thème de ton interview, je termine par un adage “on ne sait pas d’où viennent les récompenses”.

On peut être populaire, mais il y a une alchimie à avoir, délicate à adopter : on peut être léger mais on ne doit jamais s’autoriser à être vulgaire et demeurer exigeant même dans la facilité. Le succès est une possibilité mais pas un but en soi.

J’ai déjà réalisé mon rêve de départ. Là, je vais à Reims le 24 janvier dans mon ancien lycée et la boucle est bouclée ! Je n’envisageais pas le métier d’acteur au départ et finalement j’aime faire ça et c’est ce que j’aime le plus dans ma vie pour l’instant. Après c’est continuer les autres rêves qui vont me permettre d’avancer dans ce métier ou pas. C’est surtout regretter le moins de chose possible, et je crois que la joie est le seul vrai bonheur de ce métier, une joie sérieuse et fragile, mais il faut la préserver, il n’y a que ça, il ne faut pas se laisser polluer par un plan de carrière, il y a juste un élan et l’énergie vitale.

 

Propos recueillis par Lubna Beautemps, janvier 2023

1▶︎ Podcast de la Cité européenne des scénaristes invitant les agents d’acteurs et d’actrices à discuter de leur rapport au scénario et aux scénaristes avec : Cédric Pourcher (Cinéart) – Brigitte Descormiers (UBBA) – François Tessier (Aimant)


BRUNO REIDAL

de Vincent Le Port – Produit par Stank, Capricci Films et ARTE.

Cantal, 1er septembre 1905. Un séminariste de 17 ans est arrêté pour le meurtre d’un enfant de 12 ans. Pour comprendre son geste, des médecins lui demandent de relater sa vie depuis son enfance jusqu’au jour du crime. D’après l’histoire vraie de Bruno Reidal, jeune paysan du Cantal qui, toute sa vie, lutta contre ses pulsions meurtrières.

Avec Dimitri Doré, Jean-Luc Vincent, Roman Villedieu, Alex Fanguin, Tino Vigier, Nelly Bruel.

Sortie nationale le 23 mars 2022