David Boisseaux-Chical a sillonné le monde pour ses films, mu par la curiosité et l’envie… C’est en Bretagne qu’il a récemment posé ses valises pour son dernier film « Morvarc’h le cheval des mers » qu’il définit lui-même comme un conte du bout du monde où les hommes sont comme les bateaux modestes et courageux.
Nous sommes allé·es à sa rencontre pour en savoir un peu plus sur lui et sur ses films… Vous pouvez aller à sa rencontre ce mois-ci, à l’occasion de plusieurs projection du film dans le cadre du Mois du Doc.
FILMS EN BRETAGNE : Vous rejoignez Films en Bretagne cette année et nous avons été ravi·es de vous accueillir aux Rencontres professionnelles à Saint-Quay-Portrieux… Pouvez vous nous parler de vos attentes et vos souhaits par rapport au collectif ?
David BOISSEAUX-CHICAL : C’était pour moi une première d’assister aux Rencontres professionnelles à Saint-Quay-Portrieux. Je tiens à exprimer ma gratitude pour l’accueil chaleureux qui régnait lors des Rencontres. C’était une expérience enrichissante, j’ai rencontré des personnes passionnantes, je suis ravi de faire partie de cette communauté dynamique et de pouvoir collaborer avec les professionnels de l’audiovisuel en Bretagne. J’ai vécu dans différents pays et à chaque fois j’ai été porté par la force des collectifs.
FILMS EN BRETAGNE : Parlez-nous de vos documentaires et dites-nous en plus sur ces personnages qui vous inspirent. Avec vous on voyage d’un continent à l’autre entre (De Cuba au Népal en passant par Camaret sur Mer), ce sont des rencontres au hasard de vos voyages qui ont inspirées vos histoires ?
David BOISSEAUX-CHICAL : C’est souvent des rencontres au hasard qui vont déterminer mes envies de films, c’est très instinctif, je ressens soudainement quand les ingrédients sont réunis pour raconter une histoire forte. J’aime faire des portraits documentaires de personnages qui m’inspirent de révéler leurs lumières intérieures, découvrir leur sagesse et philosophie de vie. Mes films documentaires sont là pour interroger, questionner, pas spécialement pour apporter des réponses, mais pour mettre en lumière, ouvrir des chemins de réflexion, parler de la vie, de la magie de chaque être humain. J’aime les personnages porteurs d’espoir, qui se lancent des défis, qui croient en la vie. Il y a dans tous mes documentaires cette énergie similaire qui laisse une sensation de « Feel good », peu importe l’âge des personnages, de Ramesh Lama jeune dessinateur prodige sourd que j’ai filmé au Népal, à Herman Puig l’artiste cubain de 80 ans qui à marquer le septième art et la photographie, ou le web-documentaire We Speak Hip-Hop tous portent l’espoir d’un avenir meilleur plus humain, solidaire et positif.
Je suis autodidacte, après une maîtrise de philosophie à la Sorbonne, mention très bien, et un DESS de Coopération Artistique Internationale dirigé par Jean Digne. J’ai réalisé de nombreux reportages sur le continent africain pour TV5 Monde et pour l’émission Code de Trace Tv. J’ai ensuite sillonné l’Asie et le Moyen-Orient à la recherche d’histoires singulières pour l’émission Tracks d’Arte, le journal de la Culture d’Arte, et pour de nombreux programmes de France télévision. De Tokyo à Ouagadougou en passant par Berlin ou Camaret-sur-Mer, j’ai beaucoup appris de la diversité des cultures que j’ai rencontrées. C’est par le film documentaire que j’aime transmettre les visions du monde qui m’inspire, voici quelques-uns de mes films documentaires et web-documentaires qui représentent cette diversité culturelle.
Par exemple dans le web-documentaire We Speak Hip Hop, je mets en avant l’espoir d’une jeunesse aux quatre coins du monde qui veut faire changer les choses et qui a comme arme un micro et le Rap pour faire plier les régimes totalitaires et repousser les inégalités. Diffusé par le Courrier International, Radio France, Mouv’, et soutenu par le CNC et le Centre culturel Hip Hop La Place, We Speak Hip Hop est le résultat de dix ans de tournages, sur quatre continents et dans quinze langues. Le message du pionnier Afrika Bambaataa, fondateur du mouvement pacifiste new yorkais Zulu Nation, colonise le Bronx des années 1970, à contre courant de la violence des gangs. Une nouvelle culture est née. Son manifeste artistique et son mode d’expression : le Hip-Hop. Cinquante ans plus tard, le Rap sa dimension musicale a pris la planète d’assaut en devenant la musique la plus écoutée au monde. C’est vers l’Afrique, l’Europe, le Moyen-Orient et l’Asie qu’il faut à présent tendre l’oreille pour retrouver l’âme originelle du mouvement. « Transformer ses énergies négatives en énergies positives, réveiller les consciences. » Les ambassadeurs du Hip-Hop mondial ont repris à leur compte les idéaux originels du mouvement. La créatrice de mode Agnès b c’est associé au projet en sortant le t-shirt Agnès b – We Speak Hip-Hop. C’est ensuite au Philharmonie de Paris, au sein de l’exposition HipHop360 que le web doc sera exposé durant 6 mois sur un écran tactile géant.
Mon second web-documentaire, Le Sens de la Terre a été diffusé sur France 3 : en pleine épidémie de la Covid, avec la réalisatrice Vina Hiridjee, nous avons voulu donner un visage à celles et ceux qui ont continué à nous nourrir sainement alors que le monde semblait à l’arrêt. Nous avons fait la rencontre de paysans respectueux de leurs parcelles. Ceux-ci ne veulent pas de chimie dans leurs terres, mais de la biodiversité dans les champs. Pour cela, ils privilégient les méthodes de l’agriculture biologique et vendent leurs produits localement. Ces paysans ne sont pas motivés par le profit, ils sont amoureux du Vivant. On pourrait les appeler les résistants du XXIème siècle, héros et héroïnes de notre temps. Car celles et ceux qui pratiquent une agriculture à échelle humaine sont indispensables à notre survie heureuse. Ils sont les gardiens de la terre.
Un autre résistant à découvir dans le film Ma Vie Mon Nu Mental c’est le portrait d’Herman Puig le Fondateur de la première Cinemathèque de Cuba en 1951 avec Henri Langlois. Herman Puig est également un pionnier dans la photographie du nu masculin. Je suis un dinausaure, aime plaisanter Herman, j’ai presque un siècle. Son parcours nous plonge dans les tumultes du siècle. Né dans les années 1920, Herman Puig a vécu à Cuba à l’époque de Batista, puis en Espagne sous le régime Franquiste. Menacé d’emprisonnement en Espagne à cause de son travail photographique, il part s’installer à Paris et ne reviendra à Barcelone qu’après la mort de Franco. J’ai rencontré cet artiste cubain anticonformiste et défenseur de l’art pour l’art à 80 ans à Barcelone au moment où il préparait une rétrospective de son oeuvre photographique pour la photothèque de la Havane. Le retour potentiel à Cuba, après un exil de 50 ans, est l’occasion de révéler le destin d’un homme qui a donné une nouvelle dimension à l’histoire de la photographie et au septième Art. Ce film nous plonge dans le quotidien d’un homme qui vie pour l’amour de l’art, se nourrit d’erotisme, de la beauté, de la bonté et qui croit avant tout à l’énergie de l’Amour. Herman Puig est né à Cuba le 25 février 1928 et c’est éteind à Barcelone le 25 janvier 2021.
Une autre histoire celle de Ramesh Lama, c’est un film documentaire que j’ai tourné au Népal, qui suit la vie de Ramesh Lama, un jeune artiste sourd népalais de 27 ans vivant à Katmandou. Son rêve est de vivre de ses talents de dessinateur. L’histoire prend un tournant inattendu lorsque Ramesh, grâce aux réseaux sociaux, fait la connaissance de Patrick, un jeune Français de 22 ans, également sourd, qui a entrepris un tour d’Asie seul à la rencontre de la communauté sourde. Ce documentaire met en lumière une amitié naissante en offrant un regard inédit sur le monde des sourds. Ramesh Lama est un film qui transcende les frontières, célébrant l’amitié, la jeunesse et la capacité à surmonter les défis.
Le court-métrage documentaire Berliner, vous plonge dans l’univers underground, alternatif de Berlin en 2014, à travers les yeux de Loppa un berlinois qui se balade sa guitare sur le dos. Entre jus de gingembre, night-clubs, amour libre, squats et recyclage des déchets, chaque rencontre est unique et porteuse d’un message. Ce documentaire peut à la fois être un reflet du Berlin que vous avez connu comme de celui qui n’existe plus.
Mon nouveau film documentaire Morvarc’h le cheval des mers, tourné sur la presqu’île de Crozon est l’histoire d’un amour qui refuse de finir entre un homme et son gréement. Un conte du bout du monde où les hommes sont comme les bateaux modestes et courageux. Jean Grouhel est né à Camaret-sur-Mer un jour de bombardement allié durant le mois de septembre 1944. Comme ce gentleman de la mer le dit non sans humour, il y a eu un feu d’artifice pour mon arrivée sur terre. Au printemps 1970, le célèbre charpentier de marine, Auguste Tertu, va l’aider à faire la maquette de son gréement, le Morvarc’h, un splendide deux mâts entièrement en bois avec lequel il naviguera durant 50 ans, jusqu’à ce que la tempête Alex en décide autrement. L’aventure aurait pu s’arrêter ici. C’était compter sans la mobilisation de centaines de donateurs, des proches du capitaine mais aussi de généreux admirateurs du Morvarc’h, permettant la reconstruction intégrale du navire, véritable Phoenix des mers. Cinquante ans après le début de cette belle histoire d’amour entre un homme et son bateau, Jean va redonner vie au Morvarc’h. Un portrait simple de modestie et de bravoure, à l’image du coursier des mers et de son capitaine.
FILMS EN BRETAGNE : Novembre, sans doute en Bretagne plus qu’ailleurs, c’est le Mois du Film Documentaire avec une sélection exigeante de films montrés aux quatre coins du territoire, dans les villes, les villages, dans des salles de cinéma, mais également des salles des fêtes, des médiathèques… Qu’attendez vous de ces rencontres et échanges avec le public du territoire breton ?
David BOISSEAUX-CHICAL : Mon nouveau film documentaire Morvarc’h le cheval des mers est sélectionné pour le Mois du Documentaire. J’ai commencé une tournée cinémas depuis le début du mois d’octobre. Rencontrer le public et échanger avec lui après les projections est primordiale pour moi, je ressens que c’est le moment où le film prend vie, voir le public s’en emparer est l’aboutissement du long processus créatif du film.
Depuis le début de la tournée, l’émotion est intense et les échanges passionnants, je suis également souvent accompagné du personnage principal du film Jean Grouhel, le capitaine. C’est un homme inspirant et sage, le public est ravi quand nous animons ensemble les échanges après les projections.
Le film sera projeté dans le cadre du mois du film documentaire au cinéma Le Rex à Crozon le 19 novembre à 14h30, l’entrée sera gratuite.
Voici les autres dates pour le moment:
- 3 novembre 2023 à 15h00 à l’auditorium du Port-Musée de Douarnenez
- 6 novembre 2023 à 20h30 au cinéma Les Baladins à Lannion
- 16 novembre 2023 à 20h30 au cinéma L’image à Plougastel
- 19 décembre 2023 à 14h30 au cinéma Iris à Questembert
- 19 décembre 2023 à 20h30 au cinéma Couronnes à Nivillac
- 11 janvier 2024 à 20h30 au cinéma Le Club à Locminé
Propos recueillis par Julie Huguel pour Films en Bretagne, novembre 2023