En novembre dernier s’est terminé le second workshop du Cross channel Film Lab. Après un premier séminaire en Cornouailles britannique, les vingt quatre cinéastes retenus dans la sélection 2015 ont terminé leur initiation à la 3D relief et aux effets spéciaux visuels dans les locaux du Groupe Ouest, dans le Finistère. Un apprentissage technique, en compagnie de pointures du trucage numérique, mais qui n’oublie jamais la narration et le travail de l’auteur. A peine revenu de son périple dans les univers virtuels, Corto Fajal, réalisateur de Jon face aux vents et co-fondateur de la société Arwestud, nous relate son expérience.

 

– Films en Bretagne : Comment avez-vous été amené à participer au Cross Channel Film Lab ?

Corto Fajal : Tout est parti de mon projet de long métrage, E-THIC, qui, ironiquement, est né au Groupe Ouest. Il y a un an, j’ai participé à une session de coaching sur les prémisses de l’écriture. J’avais deux projets de fiction et je cherchais à les développer. Je me suis retrouvé dans un véritable shaker à neurones ! Entre les intervenants, les autres participants et moi-même, les idées fusaient dans tous les sens, et mon projet a beaucoup évolué. E-THIC réunit un certain nombre de thèmes qui me passionnent, comme la virtualité et toutes ces nouvelles formes d’expression qui nous permettent d’interagir socialement sans être réunis géographiquement et qui représente un nouveau terrain de lutte et de militantisme.
Il se trouve qu’un tiers de l’action de mon film se déroule dans un univers entièrement virtuel. La question de la faisabilité s’est donc posée dès les prémisses du projet. Comment représenter ce monde, avec quels moyens ? Le Cross Channel Film Lab m’a permis de trouver des éléments de réponses.

 

– Les effets spéciaux numériques sont généralement réservés aux films à gros budgets, n’est-ce pas un peu intimidant de se frotter à ces technologies ?

Je pense qu’il faut un peu démystifier la technique. La 3D relief, les VFX sont des mots qui impressionnent, mais ils désignent avant tout des outils pour nous exprimer. Le Cross Chanel Film Lab m’a amené à rencontrer des professionnels et à réfléchir sur la façon d’utiliser ces technologies sans tomber dans une complexité et des coûts délirants. Avec une simple Kinect (1) et un logiciel open source (2), on peut déjà concevoir des effets tout à fait convaincants. Il y a toujours des solutions pour représenter ce qu’on a en tête.

 

À la différence de mes complices d’Arwestud, Fabrice Richard, Pierre Bouchon et Hervé Jacques Passard, qui sont des techniciens chevronnés, je n’ai pas de réelle formation technique. Je me qualifierais plutôt comme un faiseur qui, occasionnellement, va s’approprier une technique pour les besoins de son film.
Quand je me suis retrouvé seul pendant quatre ans dans le Grand Nord à tourner Jon face au vents, j’ai bien été obligé d’apprendre à faire mes images et la prise de son moi-même.
Pour mon prochain documentaire, Nous, Tikopia, dont le tournage va durer plusieurs mois, j’ai besoin de prises de vues aériennes, mais il est inconcevable de payer un opérateur de drone sur une durée aussi longue. Je me suis donc formé à l’utilisation de ces appareils pendant plus d’un mois. Je me dote des moyens et des compétences quand cela est nécessaire.

 

– Comment se sont déroulées les sessions du Cross Channel Film Lab ?

Elles se sont déroulées sur plusieurs mois, tout d’abord en Cornouailles britannique, à l’Université de Falmouth, puis au Groupe Ouest, à Plouénour-Trez. On était entourés d’intervenants qui nous orientaient en fonction des besoins de nos scénarios, mais aussi des perspectives budgétaires. L’apprentissage n’était jamais déconnecté du travail d’écriture, il y avait sans cesse des allers-retours entre la technique et la narration.

 

– Maintenant que vous avez une partie des réponses techniques, comment envisagez-vous le futur de E-THIC  ?

J’aborde avec beaucoup d’excitation la phase d’écriture du scénario proprement dite. Il y a longtemps que je ne me suis pas confronté à l’écriture d’une fiction, ayant consacré ces dernières années à des documentaires. Je ne suis pas arrêté sur une forme plutôt qu’une autre. Ce qui me plaît, c’est l’aventure humaine, le travail d’équipe, la rencontre avec un sujet, une histoire.
J’avoue que pour moi, l’écriture est d’ordinaire plutôt une souffrance. Je connais trop bien le syndrome de la page blanche ! Mais je redécouvre le plaisir d’explorer l’écriture d’une fiction. Être accompagné durant cette phase par du coaching offre un confort incroyable qui met en confiance ! Chaque rendez-vous est comme une balise, un repère à atteindre qui nous donne une obligation d’avancer. Je vais donc poursuivre une session de coaching de trois mois, toujours avec Le Groupe Ouest ; l’objectif de cette phase étant cette fois d’aboutir à un scénario.
On a beaucoup de chance en Bretagne d’avoir de nombreux outils pour développer notre filière et notre cinéma : Films en Bretagne, Le Groupe Ouest, l’Arbre etc. Ce serait vraiment idiot de ne pas s’en servir : d’une part cela participe à leur développement et leur exposition et d’autre part cela nous permet de gagner en temps et en efficacité en profitant de leur expérience et leur savoir faire !

Propos recueillis par Jean-Claude Rozec

(1) La Kinect est une petite caméra sensible aux mouvements et aux images. Connectée à certaines consoles vidéos, elle permet de jouer sans manette.

(2) Un logiciel open source est un logiciel libre de droit.

Photographie en Une © Estelle Car

Jeudi 17 décembre 2015, de 10h à 17h30, Le Groupe Ouest, le Groupe Ouest Développement et le Breizh Film Fund organisent une journée de rencontres et d’échanges :

Au programme de cette journée :

Coaching d’auteurs en résidence
Présentation des dispositifs d’accompagnement à l’écriture & témoignages d’auteurs
Narration & nouvelles technologies
Retours d’expériences sur le Cross Channel Film Lab
Breizh Film Fund
Zoom sur une première année d’existence
Long-métrage de fiction à budget limité
De l’écriture à la diffusion, une alternative pour favoriser le développement du cinéma en région ?

Inscription de dernière minute possible, dans la limite des places disponibles : contact@legroupeouest.com ou par téléphone : 02 98 83 14 26.