Correspondances vidéos, des rencontres qui crèvent l’écran…


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Francki © Comptoir du Doc


William et Bernadette ; Francki et Pascal ; Ebraïm et Sandrine ; Jenny, Izy et Marie-Michelle ne se sont encore jamais rencontrés. En tout cas, physiquement. Car la véritable rencontre, celle qui réjouit, qui réchauffe, qui interpelle ou qui bouscule, celle à laquelle on ne se prépare pas semble bien avoir eu lieu. Par quel biais ? Le cinéma. Réalisateurs de quatre correspondances vidéos, ils et elles vous invitent à la projection de leurs oeuvres samedi 29 septembre, dès 17 h, à la Parcheminerie, à Rennes.

C’est avec un enthousiasme non dissimulé qu’Émilie Morin et Emmanuelle Lacosse s’attèlent aux derniers préparatifs de la projection des Correspondances vidéos qu’elles organisent depuis plusieurs années dans le cadre de Hors Format à Comptoir du doc. Au fondement de cette nouvelle édition, une rencontre avec Magali Donnat, chargée de mission scolarité pour l’Association des Gens du Voyage (AGV35). « Il y avait l’envie de créer un projet artistique et participatif, qui donne à entendre la parole des gens du voyage plutôt qu’une interprétation de leur parole, se souvient Emmanuelle Lacosse. Nous souhaitions ouvrir ces correspondances, proposées initialement à des artistes et des étudiants, à d’autres disciplines et permettre à des non professionnels de se saisir de la caméra. » De décembre 2017 à juillet 2018, neuf rennais participent à l’aventure.

D’un côté, quatre sédentaires, adhérents de l’association rennaise Comptoir du doc, amateurs de documentaires mais pas pour autant habitués à regarder dans l’oeilleton. De l’autre, cinq voyageurs, fatigués de faire l’objet d’une stigmatisation médiatique quasi systématique. Ni les uns, ni les autres ne se sentent tout à fait légitimes derrière la caméra. « Au départ, personne n’osait filmer. Nous passions d’abord par l’oral puis nous réfléchissions avec eux à des images, susceptibles de raconter autre chose ». « Participer à des correspondances, enchérit Émilie, ce n’est pas juste ‘je t’écris un mot et toi aussi’. Le procédé épistolaire va chercher du côté de l’intime ce qui rend l’exercice d’autant plus effrayant. L’idée, c’était  justement de dédramatiser le geste artistique, de montrer que tout le monde peut créer. À partir du moment où chacun est dans l’écoute de l’autre, la relation se fait. La sincérité libère de la pression artistique. »

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Pascal © Comptoir du Doc


C’est donc armés de petites caméras, faciles d’utilisation, que les sédentaires ouvrent le bal et réalisent, individuellement, une lettre d’amorce en partant d’un objet de leur quotidien. Ces lettres sont montrées aux voyageurs qui y répondent. Une fois les binômes constitués, la machine est lancée. « Chacun avait sa manière de travailler, explique Emmanuelle. Certains commençaient par filmer, d’autres par écrire, certains étaient rapides d’autres moins. Et puis, sans le savoir, nous nous sommes retrouvées avec des adhérents qui avaient une pratique de l’écrit, là où les gens du voyage sont habitués à l’oralité. « Dans un premier temps, toutes deux accompagnent la réalisation de chaque lettre, puis, peu à peu se mettent en retrait : l’enjeu étant aussi d’autonomiser les tournages. « Avec le groupe d’adhérents, nous regardions collectivement les rushes afin que chacune puisse nourrir la correspondance de l’autre. Ensuite nous organisions des rendez-vous individuels. Quant au montage, nous n’avions qu’à suivre les consignes des correspondants. Nous servions de guides. » Un rôle qu’Émilie et Emmanuelle revendiquent : « Pour nous aussi c’était important de travailler en binôme. Avoir deux regards, deux approches, ça évite à l’une ou l’autre de s’emparer du projet. Les réalisateurs et réalisatrices, ce sont eux les correspondants ! »

Impatientes et curieuses de la manière dont seront accueillies les œuvres, Émilie et Emmanuelle ont d’ores et déjà la sensation d’avoir permis la rencontre entre deux mondes qui ne se seraient jamais rencontrés sans le cinéma. « Cela va au delà de notre espérance. On a vu un désir de cinéma naître chez les gens. Depuis, l’un d’eux a même acheté une caméra ! ». De durées variables allant de 35 à 60 minutes, les quatre films seront projetés samedi 29 septembre, à partir de 17h, à la Parcheminerie. La projection sera accompagnée d’une exposition mettant en scène les objets ayant contribué au lancement des correspondances. L’occasion de rencontrer leurs auteurs autour d’un pot et d’une soirée festive.

Elodie Gabillard