Comptoir du Doc, une association HORS FORMAT


KAZARKEN
Kazarken, de Güldem Durmaz - A nous 2, CBA (Centre de l'audiovisuel à Bruxelles) - Belgique, France - 2016

 

Dans le climat économique et politique que nous connaissons, certains continuent de lutter, la tête haute et le sourire aux lèvres. C’est dans cet esprit que l’association rennaise Comptoir du Doc propose cette année une édition spéciale de Hors Format les 22 et 23 septembre prochains à la Parcheminerie, à Rennes. Après la coupe budgétaire de Rennes Métropole, ayant réorienté ses priorités, ce rendez-vous « aux frontières du cinéma documentaire » voit sa mort annoncée. Qu’à cela ne tienne, Comptoir du Doc ne baisse les bras, et propose une septième édition : « Sans rancune ». Rencontre avec Emmanuelle Lacosse, chargée de programmation Hors Format et Célia Penfornis, coordinatrice de l’association pour explorer cette 7è édition créative.

Hors Format est un travail engagé depuis sept ans, difficile donc pour l’équipe salariée de Comptoir du Doc, ses adhérents et bénévoles, ainsi que pour les spectateurs d’imaginer la fin de l’aventure du jour au lendemain. « Hors Format est né du désir de montrer que le cinéma documentaire est un art novateur et hybride. Comme dans de nombreux projets portés par l’association, l’enjeu reste de décloisonner » explique Célia Penfornis. Hors Format refuse les frontières et s’attèle à aller chercher des perles rares à partager avec le plus grand nombre. Les artistes programmés sont autant de plasticiens issus des Beaux-Arts que de jeunes auteurs sortant d’une école de cinéma. « La programmation se construit comme un laboratoire. C’est un travail d’expérimentation et de défrichage » précise Emmanuelle Lacosse. Cette invitation artistique qu’est le festival se veut être une démarche d’exploration et d’ouverture pour que tous les publics puissent investir le cinéma documentaire. Ici pas de frontières, juste le goût de l’autre et du réel.

HF2013 correspondants
Hors Format face à son public

Pour satisfaire cette curiosité, une invitée d’honneur est apparue comme une évidence au groupe de programmation. La pratique transdisciplinaire de l’artiste franco-turque Güldem Durmaz allant de la fiction, à la performance en passant par l’installation vidéo comme avec l’œuvre BEN/O qui sera présentée à cette édition de Hors Format incarne un rapport au réel décloisonné cher à l’équipe du festival. « Pour construire la programmation, nous sommes partis des œuvres de Güldem. Une trame autour de la notion de trace s’est alors dessinée. Pour l’enrichir nous avons recherché des courts-métrages tel que Peopple Peeble de Jivko Darakchiev et Perrine Gamot ou encore L’impression d’une guerre de Camilo Restrepo qui exploraient cette notion » détaille Emmanuelle Lacosse.

guldemportrait
Güldem Durmaz

Loin de se cantonner à montrer des formes, Hors Format questionne l’existence même des œuvres : comment peut-on créer en dehors des normes ? Comment des œuvres expérimentales peuvent-elles voir le jour, et dans quels espaces ? Ces questions qui sous-tendent le festival depuis ses débuts seront notamment explorées lors d’un temps fort «Rencontre : Comment faire émerger de nouvelles formes ? » le samedi 23 septembre à 19h en présence des artistes Güldem Durmaz, Simon Backès, et Simon Quéheillard mais aussi du producteur Olivier Marboeuf (Spectre production). Cette septième année prend donc la voie d’une édition idéale car nourrie de projets artistiques transdisciplinaires avec la projection de films, des temps de rencontre, un DJ set, une exposition photographique, des installations vidéos et une caravane sonore issue d’un partenariat entre le Créadoc et le TNB, et avec la soirée de clôture le samedi en plein air.

Cette programmation éclectique est avant tout le fruit de ce que l’équipe de Comptoir du Doc décrit comme une « énergie solidaire ». L’engagement des adhérents et des bénévoles de l’association est une clef de voûte des projets proposés par l’association et l’appui des artistes vient renforcer ce soutien vital. « Nous sommes sur une édition qui nécessite beaucoup d’investissement personnel de la part de chacun. L’exposition photo Traces de Gildas Guillard, la performance du Labo K, ou encore l’essai cinématographique de David Bernagout, Fugue, sont des propositions bénévoles de la part des artistes» indique Emmanuelle Lacosse. Mais loin de se laisser aller à une morne désillusion, Comptoir du Doc imagine déjà la suite, et ce en lien toujours étroit avec le public. « Si Hors Format ne peut plus exister dans la forme que nous lui connaissons aujourd’hui, il faut réfléchir à son futur. Nous avons imaginé un dispositif de résidence pour les auteurs. Il est important de leur donner la possibilité de prendre du recul, d’interroger d’autres disciplines pour nourrir leur projet»  continue la chargée du festival, et ce, « en vue de permettre à des auteurs de tester des formes, de la matière, et de venir expérimenter en faisant appel à des intervenants de différents champs » poursuit Célia Penfornis. Lors de ces résidences, l’enjeu sera aussi d’inviter les publics à venir découvrir les artistes en résidence, à échanger autour de leurs pratiques, à assister à des projections, à découvrir des installations. Cette perspective se veut en lien fort avec l’esprit qui a donné vie à Hors Format : celui de l’ouverture et du partage.

Avec « Sans rancune », l’association Comptoir du Doc nous offre donc une belle leçon de résistance à cette rentrée austère. En espérant que les forces associatives trouvent le moyen de continuer à défendre l’art du faire ensemble et les voix de liberté qu’il faut aujourd’hui plus que jamais continuer de porter.

Clara-Luce Pueyo


En savoir plus :

www.comptoirdudoc.org

www.guldemdurmaz.com