[PUFFIN PICTURES] 3 Questions à Claire La Combe, productrice


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Après 13 ans dans l’industrie du cinéma, dont huit à produire des longs métrages d’animation, j’ai cofondé Puffin Pictures à Rennes.

En prenant l’oiseau macareux pour totem, l’idée était de créer un environnement de création plus en lien avec le monde d’aujourd’hui – tant dans nos narrations qu’avec des pratiques de travail plus collaboratives.


3 QUESTIONS À CLAIRE LA COMBE

Films en Bretagne :

En 2023, tu as cofondé la société de production Puffin Pictures – avec Olivier La Combe, Louis Suter et Damien Luquet – à Rennes (avec quelques « bureaux volants » entre Paris, Angers et Saint-Malo). Quel est ton parcours avant la création de cette société ? Qu’est-ce qui t’a/vous a amené à la créer et, notamment, la baser ici en Bretagne ?

Claire La Combe :

J’ai un parcours dans le cinéma en deux temps, d’abord institutionnel, où j’ai beaucoup appris sur le financement et la vie des films « sur dossier », au sein de fonds de soutien à la production indépendante (Aquitaine, Commission européenne), ou au sein de réseaux comme ACE Producers et Europa Distribution ; puis sur le terrain, en développant et produisant des longs métrages d’animation pendant 8 ans aux côtés d’Henri Magalon (alors coproducteur délégué d’Ernest et Célestine et Tout en haut du monde). C’est dans ce cadre que j’y ai rencontré Louis Suter. Nous étions tous les deux salariés de Maybe Movies et à partir de la production de Calamity de Rémi Chayé, Louis est devenu mon partenaire de montage de dossiers et d’entraînement à la rhétorique (car il en faut pour faire ce métier !). Louis voulait produire des films en prise de vue continue. Moi je voulais retrouver le Grand Ouest (j’ai grandi du côté angevin de la barrière…)

Une discussion à la croisée des chemins avec Olivier La Combe (chef op. et réalisateur – mon frère, basé à Angers) et Damien Luquet (ingé son, basé à Saint-Malo) a été fondatrice. Olivier et Damien allaient créer une structure après 10 ans de collaboration sur différents projets « live »assez ambitieux. J’aime à croire que rien n’arrive par hasard. Comme je portais depuis 5 ans la production d’Amélie et la métaphysique des tubes au sein de Maybe Movies, et que la réalisatrice Maïlys Vallade résidait en Bretagne, créer une structure en Bretagne permettait de tous nous rejoindre : aller au bout d’un projet localement, s’installer enfin du bon côté de la barrière, produire des films « en famille » (celle que l’on choisit) et aussi en prises de vues réelles.


Films en Bretagne :

Quelle est ta vision du cinéma et celle que tu souhaites porter en tant que productrice ? En ce moment, quels sont tes projets « sur le feu » ?

Claire La Combe :

Nous avons choisi le Puffin comme totem pour plusieurs raisons, comme une ligne directrice. Nous nous sommes retrouvés d’abord sur la manière de « faire des films » en travaillant beaucoup, mais avec le sourire, et dans le respect de chacun et chacune. Le Puffin (macareux moine) étant un oiseau qui vit en communauté, et qui sous ses airs d’oiseau fantasque et un peu maladroit, est un pêcheur hors pair et toujours fiable contre vent et marée. Cela peut paraître un peu candide, mais en réalité, dans l’économie du film indépendant, cette philosophie nous semble indispensable.

Après avoir dit cela, nous nous retrouvons évidemment dans une cinéphilie commune, là encore, en suivant le principe de la « puffin therapy » qui existe en Ecosse : nous faisons des films pour donner les clés aux gens d’être heureux dans ce monde (malgré tout). Nous nous retrouvons sur des narrations portées par des personnages qui vivent des choses fortes, qui se libèrent de quelque chose – ou échouent à le faire. Nous défendons le fait que l’on peut « grandir » à tout âge, et que le cinéma aide à cela. Notre ambition est de produire des œuvres adaptées à leur public, qui permettent d’accompagner une jeune audience, et selon, une moins jeune, vers une compréhension autonome des choses de la vie.

En plein démarrage d’activité, nous avons beaucoup de projets sur le feu (ou dans le feu de l’écriture plutôt), des projets portés par des auteurs et autrices du grand ouest dont c’est la première réalisation (mais pas forcément la première vie professionnelle) : cinq courts métrages, trois longs métrages dont une coproduction avec la Tunisie, un unitaire d’animation et un documentaire TV. Nous sommes actuellement coproducteurs exécutifs du long métrage documentaire hybride animé L’État Sauvage d’Audrey Bauduin qui doit sortir en 2026.


Films en Bretagne : 

Tu as récemment rejoint la « Maison » Films en Bretagne. Comment es-tu arrivée en son sein et comment souhaites-tu t’y investir ? À titre d’exemple, tu fais partie du groupe de travail « rémunération de la création ». Quels en sont les enjeux ?

Claire La Combe :

Voilà 14 ans que je gravite dans le milieu du cinéma indépendant, et j’ai toujours connu Films en Bretagne. C’est la seule maison que je connaisse qui regroupe tous les corps de métiers (ou presque), et qui les représente vraiment, et qui les forme ! malgré la variété de professionnel·les qui y adhèrent. De même que je défendais l’esprit communautaire du puffin, je ne concevais pas venir m’installer en Bretagne – ce territoire qui veut bien m’accueillir (nous accueillir par procuration) – et ne pas m’y investir. Les temps sont particulièrement durs pour le cinéma indépendant, dont tout l’écosystème de financement repose à 50% (et plus) sur des fonds publics, et donc à 100% des politiques culturelles et audiovisuelles publiques. Les temps sont durs pour toutes les structures qui se font le relais d’un service public (d’information, d’organisation, de représentation etc.). J’ai créé ma structure à un moment politique aigu. D’un point de vue entrepreneurial ce n’est pas très judicieux, mais posséder son outils de travail permet d’être meilleure actrice du changement.

Les enjeux de « rémunération de la création » nous touchent toutes et tous, du côté producteurice, comme du côté des auteurices et technicien·es. Sauf qu’en tant que productrice, je suis responsable de toute la filière que j’emploie. Je me sens donc doublement en devoir d’aider celles et ceux qui créent à vivre honnêtement, et plus en adéquation et en transparence avec l’économie de leurs projets finis. Et surtout ce qui m’intéresse c’est le dialogue et la compréhension commune des réalités de chacun, chacune. Notre écosystème est fragile et les gens vont souvent trop vite dans leurs schémas. Je crois que la maison Films en Bretagne est l’endroit idéal pour se parler et se comprendre, et se défendre.

Propos recueillis par Films en Bretagne, avril 2025.