Après cinq éditions à Auch et trois années d’abstinence, le Festival national du film d’animation revient à Bruz du 14 au 19 décembre. Rencontre avec Denis Walgenwitz, président de l’Association Française de Cinéma d’Animation qui organise la manifestation dont l’arrivée dans la métropole rennaise avait provoqué quelques remous l’an dernier.

Pouvez-vous nous présenter l’Association Française de Cinéma d’Animation ?

Denis Walgenwitz : L’AFCA est une association qui a plus de 30 ans et qui a pour but la diffusion et la défense du cinéma d’animation. Ces dernières années, elle a travaillé à une redéfinition de ses objectifs qui puisse tenir compte de la réalité française. Nous sommes dans un pays qui est le 3e producteur mondial d’animation et dans lequel la dimension culturelle est également très forte. L’AFCA doit se situer au carrefour de ces deux réalités et s’efforcer de tisser des liens entre les aspects artisanaux et la dimension industrielle de l’animation hexagonale. Les frictions ont existé mais ce qui a été longtemps un front est devenu une ligne d’échanges.

L’AFCA publie une lettre d’information entièrement dédiée à l’animation et qui permet un travail d’état des lieux qui tend au questionnement de la filière. Nous avons également un fonds d’archives, en sommeil faute de moyens pour le valoriser. Nous menons un travail de diffusion des films à travers les séances de L’Animathèque, véritable pilier de l’AFCA. Mais, là encore, nous devons faire évoluer notre manière de présenter les films, probablement en montrer moins pour les montrer mieux. Quant à la Fête du cinéma d’animation qui vient de s’achever, elle est devenue l’événement qui donne le plus de visibilité à l’AFCA.

Venons-en au Festival national du film d’animation. Comment est-il arrivé à Bruz ?

À Auch, nous avions des problèmes structurels en termes d’accueil des publics et de moyens financiers. Le festival arrivait à une forme de saturation, en capacité hôtelière, par exemple. Notre conseil d’administration avait constaté que le travail sur la fête du cinéma d’animation porté par l’association L’Arrosoir à Émile, notre partenaire breton, était important. L’histoire du cinéma d’animation à Rennes, en termes de création mais aussi d’enseignement supérieur, nous intéressait. Il existait un « terreau » sur lequel s’implanter.

Pendant longtemps, nous avons discuté avec René Jouquand, l’adjoint à la culture de la Ville de Rennes, qui portait une oreille attentive au projet d’implantation du festival sur sa commune… mais cela n’a pas abouti. Les négociations ont duré un an et demi et je ne sais pas vraiment ce qui s’est passé.
Jean-François Bigot de L’Arrosoir à Émile travaillait avec la mairie de Bruz (commune située à 14 km de Rennes / NDLR) en tant que coordinateur de l’enseignement du cinéma. Il a senti qu’il serait possible de présenter notre projet à cette municipalité. Fin 2009, c’est fait et les choses avancent vite, les dates de l’édition 2010 sont fixées.

Ce projet d’implantation sur Rennes a créé des tensions avec certains acteurs de la diffusion culturelle. Comment avez-vous géré cette situation ?

Au moment où nous avons approché la Ville de Rennes, l’association Clair-Obscur avait des craintes sur la pérennité du festival Travelling qu’elle organise, et l’annonce de notre arrivée par les élus n’a pas arrangé les choses. Nous avons cherché à expliquer notre projet et à voir ce qu’il était possible de faire ensemble ou en résonnance. Nous échangeons et nous allons essayer de ne pas parasiter nos programmations respectives. Sur la première édition du festival, nous accueillons une formation organisée par Clair Obscur, et ouvrons une séance de rencontre avec la prochaine édition de Travelling.

Quelles sont aujourd’hui les relations avec L’Arrosoir à Émile ?

L’Arrosoir est un partenaire fort avec pour objectif de développer son action sur le territoire, d’abord local, puis, à terme, régional. Cette association fait partie du comité de pilotage du festival avec la Ville de Bruz et le Grand Logis.

Vous attendiez la Ville de Rennes et c’est finalement Rennes Métropole, la communauté d’agglomération, qui a soutenu l’implantation du festival sur le bassin rennais. Comment envisagez-vous cette implantation ?

Nous travaillons dans une logique d’agglomération avec une programmation dans d’autres villes que Bruz. Nous cherchons à toucher les publics de ces communes en testant, par exemple, des projections chez l’habitant à Bruz puis voir si nous pouvons étendre cette initiative. Dans certaines villes, nous organisons des ateliers, des programmations qui font sens avec le territoire.
Nous envisageons également une circulation du palmarès du festival tant au niveau métropolitain que régional.

De quel budget disposerez-vous pour cette première édition ?

La Ville de Bruz, très impliquée, apporte 20 000 € et des prestations techniques importantes. Rennes Métropole a voté un soutien de 40 000 € et la Région Bretagne 25 000 €. La Ville de Rennes nous soutient finalement à hauteur de 5000 €. La situation tendue des finances départementales n’a pas permis au Conseil général de nous soutenir cette année. Nous attendons toujours la position de la DRAC Bretagne… Donc, globalement, nous fonctionnerons avec un budget de 220 000 €.

Quel est votre sentiment à un mois du festival ?

C’est paradoxal… C’est une année de reprise, donc c’est stimulant. Mais le fait que le Centre National de la Cinématographie et de l’Image Animée ne nous soutienne pas sur cette édition crée une situation financière tendue.

La France est un pays bien doté en festivals de cinéma mais il y a finalement peu de manifestations valorisant la création hexagonale en animation. Sentez-vous une attente des professionnels ?

Non ! Les professionnels sont trop occupés à faire des films pour attendre l’arrivée d’un festival. À nous d’être pertinents et de les intéresser à nos propositions.

Propos recueillis par JFLC

Photo : Denis Walgenwitz sur le tournage de son court métrage Un amour de télés © Arte France