Dans une semaine sera donné le coup d’envoi du festival national du film d’animation qui va se dérouler du 12 au 18 décembre à Bruz (Ille-et-Vilaine). L’occasion de rencontrer son nouveau délégué général, Bernard Boulad, qui est aussi, depuis août dernier, le délégué général de l’Association Française du Cinéma d’Animation (AFCA). Il nous livre ses envies pour l’avenir du festival et la promotion des films d’animation.

– Vous avez longtemps vécu au Canada. Quel a été votre parcours là-bas ?
– Bernard Boulad : J’ai vécu au Québec pendant près de 30 ans mais j’ai toujours conservé un lien fort avec l’Europe et la France en particulier. J’ai souvent collaboré avec l’Office franco-québécois pour la jeunesse sur des projets et j’ai été pendant cinq ans le correspondant européen en France de l’équivalent canadien du Film français. A l’origine, j’étais journaliste et j’ai longtemps oscillé entre une carrière de journaliste politique et celle de critique de cinéma. Ce sont des matières et des sujets très différents, mais j’ai toujours eu envie des deux. Le cinéma nourrit ma part de rêve et particulièrement l’animation.
– Justement, quels sont les films qui vous ont nourri ?
– B.B. : J’ai été nourri par les films de Norman Mc Laren mais aussi par les Looney Tunes (Sylvestre et Titi, Bip Bip et Coyote). Dans mon enfance, avec mon frère, qui est devenu artiste peintre, nous faisions des petits films d’animation complètement idiots. Lui avait été plus sérieusement attiré par cette pratique mais il a fini par trouver cela trop fastidieux.
– Comment en êtes-vous venu à vous travailler pour l’animation ?
– B.B. : Le journalisme et la critique de cinéma sont des métiers très solitaires. Je n’aurais pas pu les pratiquer toute ma vie. J’avais besoin d’être sur le terrain. Alors, en 1993, lorsqu’on m’a proposé le poste de directeur général et artistique au Festival du Jeune Cinéma, j’ai tout de suite accepté. L’équipe cherchait à donner une nouvelle vie au festival, et à éventuellement le transformer. Il est alors devenu le Festival international du Court Métrage de Montréal avec un volet animation compétitif et très suivi. J’ai ensuite travaillé comme directeur délégué pour le Festival du Nouveau Cinéma, puis comme directeur de la programmation pour les Rencontres internationales du documentaire de Montréal. J’ai aimé cette intrusion dans le monde du documentaire parce que le documentaire, comme la pratique journalistique, permet d’observer le réel en cherchant toujours à garder la bonne distance et à trouver la forme artistique appropriée.
– Pourquoi avoir quitté le Québec ?
– B.B. : Le Québec est un petit monde et particulièrement le milieu du cinéma. J’ai eu envie d’élargir mes horizons, de changer de contexte et de vivre en Europe, d’être confronté à de nouvelles expériences et pratiques artistiques. Alors en 2008, quand Brest m’a proposé le poste de directeur artistique du Festival du Film Court, j’ai sauté sur l’occasion et j’y suis resté jusqu’en 2010. Et cette année, on me propose ce poste à l’AFCA ! Ca me ramène à mes premières amours, l’animation.
– Quelles sont les missions de l’AFCA ?
– B.B. : L’AFCA est née en 1971 sous l’impulsion de professionnels du cinéma d’animation et notamment de Raymond Maillet qui en fut le premier délégué général et dirigea le Festival d’Annecy de 1960 à 1981. Le rôle principal de l’AFCA est de promouvoir la production nationale sous différentes formes et de rassembler l’ensemble de la profession et des amateurs du genre. Dans ce cadre, elle organise donc le Festival national du film d’animation. Elle coordonne aussi la Fête du cinéma d’animation qui rassemble plus de 300 événements en 200 lieux partout en France, et qui a lieu chaque année autour du 28 octobre, journée internationale de l’animation.
– Quelles sont vos premières impressions sur le festival de Bruz ?
– B.B. : Initialement ce festival était à Marly le Roy puis à Auch sous une forme biennale. Puis après un arrêt de trois ans, il a repris à Bruz pour la troisième année consécutive. Cette 3ème édition en Bretagne marque la pérennisation du festival à Bruz. Les trois premières années ont permis de mettre sur pied l’installation, le financement, le fonctionnement, l’équipe et la qualité artistique de la programmation. Maintenant, on va pouvoir penser à l’avenir, faire des projets et bien entendu consolider le financement, nerf de la guerre ! Le Festival est avant tout national contrairement à celui d’Annecy, avec une compétition de courts métrages professionnels et de films de fin d’études. Nous proposons aussi des « avant premières », des « cartes blanches », des « secrets de fabrication », des expositions, des visites de studios d’animation, des ateliers d’initiation, et des leçons de cinéma sur des aspects particuliers de ce cinéma. Il y a aussi des rencontres avec des réalisateurs et des producteurs mais aussi des chercheurs et des professeurs.
– Comment envisagez-vous de faire évoluer ce festival ?
– B.B. : il doit garder son rôle de soutien à la production nationale. Il n’est pas encore assez connu mais il se développe d’année en année. Il faudra, dans un avenir proche, l’ouvrir et le faire connaître à l’international. Ce n’est pas un marché que j’envisage. Le festival d’Annecy le fait très bien mais je voudrais faire en sorte que les films sélectionnés à Bruz puissent ensuite circuler partout en France mais aussi en Europe et devenir une tribune pour l’international.
– Le festival a-t-il d’autres prolongements possibles ?
– B.B. : Oui, l’AFCA voudrait faire en sorte que ce festival rayonne sur toute la Bretagne en dehors des dates de la manifestation pour faire connaître l’animation auprès d’un large public. Dans le futur, j’aimerais que Bruz puisse accueillir les Etats Généraux de l’animation, comme à Lussas pour le documentaire. Inviter des professionnels des autres régions pour lancer des réflexions et des actions. Autour de Rennes, la question des nouvelles technologies est d’actualité, il faudrait l’étendre aux métiers de l’animation qui en dépend beaucoup. Pour l’instant, l’urgence c’est d’assurer le développement du festival et consolider son financement afin de renforcer sa position en France et en Bretagne et mettre en œuvre de nouvelles idées, innover. Il ne faut pas se reposer sur ses lauriers mais au contraire se remettre en question tout le temps !
Propos recueillis par Jenny Kéguiner
Photo : Bernard Boulad, délégué général de l’AFCA et du festival national du film d’animation