Ateliers de réalisation : Premiers courts, premiers gestes accompagnés de Serge Avédikian


atelier montcontour

Cinq réalisateurs sélectionnés pour la sixième édition des Ateliers de l’ARBRE, d’ACTIONS OUEST et d’ALRT se sont retrouvés les 12 et 13 mai derniers à Moncontour (22). Ils avaient écrit un court-métrage de dix minutes pour trois comédiens. Ces deux jours d’essais scellaient leur rencontre avec eux. Afin de trouver leur terrain commun, le réalisateur et comédien Serge Avédikian les initiait à la mise en scène.

« L’erreur est juste, disait mon épicière en recomptant l’addition. Il faut faire des erreurs, les assumer, renverser les règles ». Le ton est donné entre les jeunes réalisateurs de fiction et Serge Avédikian, autodidacte assumé de la réalisation cinématographique. Un ton en totale adéquation avec l’esprit des ateliers de réalisation : apprendre en faisant. Aucune recette de direction d’acteurs en vue. Ressentir, écouter et avoir confiance déclineront les quelques messages-clés d’un médiateur impliqué.

« Quel est le battement de cœur de votre film ? »

Le premier temps de la rencontre est réservé à un échange avec les réalisateurs. Medenn Agan, Jean-Philippe Davodeau, Alain Brasseur, Gregory Nieuviarts et Yannick Orveillon paraissent intimidés. Avec une quinzaine de films à son actif en tant que réalisateur, une quarantaine comme comédien et la palme d’or du court-métrage en 2010 pour Chienne d’histoire, l’homme a de quoi impressionner. Mais pas de glace à briser ni de démonstrations de politesse. Les choses sont simples. Et l’enjeu du travail, évident : recréer la vie, le mouvement, dans un geste d’artisan appliqué et modeste. « Le court-métrage impose une poésie, un récit qui n’est pas celui du long métrage. Il y a quelque chose de mystérieux qui tient à la durée du film. On sait qu’on fait un film de dix minutes, mais quel est le battement de cœur de votre film ? ». En convoquant seulement les réalisateurs sur le début du week-end, c’est ce mystère propre à chacun que Serge Avédikian a voulu évoquer. Les interrogeant sur leur projet, leur désir, il met progressivement le doigt sur la fantasmagorie qui les anime et se confrontera bientôt à l’incarnation des comédiens et comédiennes qu’ils ont choisis. « Choisir un comédien, c’est la moitié du travail. Mais on ne sait pas avec quelle disposition celui-ci va entrer dans l’univers du réalisateur ». Aussi la première démarche de mise en scène consiste à écouter au lieu d’affirmer ses attentes, déjà présentées dans le scénario. « Un comédien sait décrypter sa place dans un scénario mais il peut se tromper dans ce qu’il y a de sous-jacent, de mystérieux dans ce que propose le réalisateur. C’est à cet endroit qu’il faut créer une rencontre ». De leur côté, au début du projet qui prend forme, les réalisateurs ont un vrai lien à tisser avec les acteurs. « Peut-être à cause des nouvelles technologies, de rester derrière un combo, ou parce qu’ils vont moins au théâtre, les réalisateurs d’aujourd’hui n’ont pas de perception organique des comédiens. D’envisager comment un acteur peut prendre à bras le corps sa figure, le personnage qui est écrit. Comment il peut le transformer, apporter quelque chose que l’on n’attendait pas ». La lecture commune du scénario devient alors un temps d’écoute mutuelle, afin de décrypter et sentir ce « qu’il y a encore comme chemin à parcourir pour construire quelque chose ensemble ».

serge avé

Un scénario à épurer

Les cinq réalisateurs accueillent leurs comédiens et comédiennes. Chaque groupe investit un espace où se lover pour faire résonner les premières séquences. Premiers échanges mesurés qui bientôt s’épanchent et ouvrent un espace de franchise. Grégory Nieuviarts explique à Anne-Hélène Orvelin, Marie Thomas et Philippe Languille la tension à laquelle il tient dans son scénario l’Entretien. Aux comédiens de partager leur ressenti sur la première version et d’apprécier la force du rituel proposé. Mais l’envie de privilégier le non-dit, la suggestion au dialogue s’affirme. Et au fil du week-end, le texte va s’épurer. « Je remarque que les scénarios se modifient, en particulier les dialogues. Parfois, on se rend compte qu’un dialogue n’est pas nécessaire. Qu’un regard, un silence suffit à cet endroit-là. C’est aussi du ressort de l’acteur de sentir que ce qu’il dit est artificiel », souligne Serge Avédikian.

La lecture de la première journée laisse la place à des essais filmés pour certains. Yannick Orveillon emmène en voiture Camille Kerdellant, Anthony Bertaud et Mélanie Vindimian. Comment rester juste quand on ne peut pas vraiment regarder son interlocuteur ? L’écriture et l’imaginaire sont mis à l’épreuve sur le plateau, dans l’espace du jeu et à travers les corps des comédiens. Entre deux scènes, Guy Abgrall cherche la façon de marcher, tremblante et mal assurée, du vieil homme qu’il va interpréter, aux côtés de Chloé Vivarès et Juan Pablo Mino. Jean-Philippe Davodeau et Alain Brasseur tourneront une histoire qu’ils placent à la croisée du documentaire et de la fiction, à l’Ehpad de Moncontour.

Dans un sous-bois, à quelques kilomètres du bourg, Medenn Agan a placé Frank Trillot, Sophie Péault et Kaou Langoët autour d’un semblant de cadavre, dont la découverte dessine la trame du film. Au-delà des difficultés techniques qui s’annoncent, dans les angles de prises de vue, les raccords compliqués par une lumière changeante, les acteurs ont leur mot à dire. Les doutes s’installent. La réalité prend le dessus sur le rêve de l’écriture.

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Laisser place à l’audace

A Serge Avédikian d’insister sur la singularité des acteurs. Certains aiment répéter, d’autres non. Certains attendent qu’on leur parle. D’autres détestent. Les comédiens ont prise entre eux dans le rythme du jeu et ont leur propre point de vue sur ce qu’ils souhaitent obtenir. « Ils ont en tête la situation mais pas la continuité, la globalité du film ». Dans la discussion, un réalisateur s’interroge sur des « phrases déclencheurs » pour que les comédiens se lancent. A Serge de répondre qu’il faut davantage cerner l’intensité dramaturgique que l’on recherche dans une séquence. Peut-être trouver un rapport ludique dans une première approche en improvisation qui laisse une forme de liberté. A première vue, tout est cadre et contrainte. Le plus grand défi tiendra à créer les conditions pour que chacun puisse faire preuve d’audace. « L’univers projeté doit être suffisamment nourri par le réalisateur pour emmener les autres avec lui ». Il s’agit alors d’apprendre à transmettre son envie, en admettant qu’on n’en perçoit pas clairement toute la profondeur. «Nous partageons avec les autres et nous cherchons à nourrir un secret dont nous n’avons pas toute l’explication. Nous ne sommes pas obligés de toujours savoir ce que nous faisons. Sans être sûr du résultat, nous le faisons parce qu’il y a du désir. C’est cela la beauté du geste. »

Kristell Menez

 

Les Ateliers de réalisation

Quatre court métrages en seulement une semaine, c’est le pari des ateliers de réalisation qui sont organisés tous les deux ans par les associations professionnelles de l’audiovisuel ARBRE, ACTIONS OUEST et ALRT, alternativement en Bretagne et en Pays de la Loire.

Cette année, ils auront lieu à Moncontour dans les Côtes d’Armor, du 17 au 24 juin 2018.

Ces ateliers sont un temps durant lequel chacun peut s’exercer, en dehors des enjeux d’un parcours classique de production.Un temps rare et précieux. Dans un esprit de compagnonnage, ces rencontres visent à un apprentissage des métiers de la fiction pour des réalisateurs venant du documentaire, ou pour des professionnels occupant habituellement d’autres postes. Pour les techniciens et comédiens participant à l’aventure, il s’agit de découvrir de nouvelles perspectives, d’essayer, d’expérimenter de nouvelles formes.

Une autre dimension forte des ateliers tient à leur ancrage dans un territoire. Les habitants hébergent, accueillent, mais deviennent aussi figurants et partagent une expérience inédite et intense pendant toute la semaine.

Les participants, comme les organisateurs, sont bénévoles et offrent de leur temps. Mais pour que les films vivent, nous souhaitons leur assurer une post-production de qualité, c’est pour cela qu’aujourd’hui nous avons besoin de votre coup de pouce ici :

https://www.ulule.com/ateliers-realisation/

Et pour suivre le projet, rendez-vous sur les pages Facebook de Films en Bretagne, Actions Ouest et Auteurs réalisateurs en Bretagne.