Ils travaillent un peu en marge de l’animation rennaise, pourtant, leurs noms figurent au générique de nombreuses productions. S’ils parlent avec enthousiasme de leur travail, ces 2 as de la 3 D sont intarissables quant à leur amitié. Serait-ce la clef de leur réussite ?

Matthieu Millot et Rodolphe Dubreuil cultivent leur polyvalence. Tour à tour réalisateurs, animateurs, illustrateurs ou story-boarders, leur spécialité est le compositing ( cela consiste à combiner des images filmées séparément pour en obtenir une seule, ndlr ). À l’ère du numérique, cette activité est plutôt florissante. Toujours ensemble, Matthieu et Rodolphe pianotent allègrement sur leurs claviers d’ordinateurs. Ils collaborent avec JPL Films, mais aussi avec AGM Factory à Rennes, Vivement Lundi !, Butterfly Production à Paris ou encore Blue Spirit à Angoulême… À déjà 40 ans pour Rodolphe, 35 pour Matthieu, ils ont depuis longtemps fait le tour des logiciels dédiés à l’animation.

Aujourd’hui, le binôme poursuit des recherches autour du prochain long-métrage de Jean-François Laguionie, Louise en Hiver, produit par JPL Films. Ils établissent le mode de fabrication d’un rendu en 2D pour ce film qui sera réalisé en 3D ( dans un autre style graphique, le dernier film de Michel Ocelot, Kirikou et les Hommes et les Femmes, procède de cette technique, ndlr). L’enjeu est de taille : il s’agit élaborer une technique efficace, et invisible, au service des intentions du réalisateur, et sans alourdir la fabrication du film. Mais, motus! On n’en saura pas davantage avant la sortie du film en 2014.

Quand ils ne travaillent pas sur les films des autres, Matthieu et Rodolphe initient leurs propres séries animées. C’est d’ailleurs en co-réalisant l’une d’elles qu’à commencé leur fructueuse collaboration : Tendres agneaux en 2006, soit la première série en 3D bretonne. Les 38 épisodes ont été produits par JPL films dans le cadre du magazine de France 3 Bretagne Mouchig-Dall. Lequel a eu l’idée de ces fameux agneaux ? Rodolphe: « Matthieu a eu l’idée d’un cartoon à la Tex Avery en 3 D ». Matthieu: « Peut-être, mais c’était certainement en rebondissant sur un truc que tu as dit… » Le plaisir que leur a procuré cette aventure partagée a inauguré leur manière d’envisager le travail : jamais l’un sans l’autre !

S’Ils se reconnaissent peu ou prou les mêmes compétences, Matthieu accorde à Rodolphe une longueur d’avance en animation. Lui même serait peut-être plus rapide en compositing. Pourtant, pas question de compétition entre ces deux là, bien au contraire…
Quelle complémentarité ?

Matthieu estime qu’ils n’ont pas la même façon de conceptualiser: « Rodolphe est un enfant du crayon, avec une écriture d’illustrateur, moi je rebondis dessus : plus oral, sur les idées ». Et leur fonctionnement répond à cette dynamique : sans dispute, ni compromis ! Rodolphe révèle alors ce qui pourrait être le secret d’une longévité quasi-conjugale épanouie « On est toujours prêts à concéder que l’autre a la meilleure idée ! » Matthieu: « Si un technicien nous met en porte à faux, on se range à ce qu’à dit l’autre, comme des parents ! Si maman a dit non, c’est que c’est non ! » Avant de compléter en pouffant: « Mais une fois dehors, on s’explique avec maman…»

Le ciment de leur collaboration étant une amitié solide, quand l’un d’eux décroche un contrat, il s’agit forcément de le réaliser ensemble. Cette bienveillance réciproque leur réussit, car ils n’ont jamais eu autant de travail depuis qu’ils ont adopté ce fonctionnement. Rodolphe pose d’ailleurs l’équation carrément. « En fait, au départ, la question était simple. On a des compétences grosso modo similaires, alors soit on se « tirait la bourre » et on faisait nos projets en solo, soit on se vendait à deux ! »

Ces deux papas de jeunes enfants concèdent toutefois que les préoccupations économiques prennent le pas le pas sur des créations plus ambitieuses et personnelles. Mais, ravi de se faire asticoter, Matthieu révèle qu’il encourage sa mère a écrire la rocambolesque histoire de sa vie. Il rêve de l’adapter. Rodolphe, quant à lui, est habité par la passion pour la mythologie. Il piaffe d’impatience de découvrir La Chevauchée des Walkyries à l’Opéra de Rennes cet hiver. Un jour, peut-être écrira t-il une épopée…

Et là ? Auront-ils toujours besoin l’un de l’autre ? Les deux en chœur  » Évidemment ! ».
Mais alors… Il n’y a vraiment aucune ombre donc à ce tableau idyllique ? Matthieu: « Ah non, je ne vois pas… Je suis même parti au ski cet hiver avec lui… » Et Rodolphe, peu avare de confidences ce jour là, de renchérir « Si j’avais un macchabée à faire disparaître, j’appellerais Matth… ». Matthieu le coupe: « Et moi, je le cacherais… »

Emmanuelle Gorgiard
Photo : Rodolphe à gauche, Matthieu à droite…