Aidez la Cinémathèque de Bretagne à documenter des films amateurs !


Vous avez du temps ? Depuis le début du confinement, la Cinémathèque de Bretagne a mis en accès libre l’intégralité des films amateurs qu’elle a numérisés. Quelques jours plus tard elle a proposé aux spectateurs de participer à leur indexation. Entretiens avec Mevena Guillouzic-Gouret, responsable de la valorisation en ligne et des projets en langue bretonne à la Cinémathèque, ainsi qu’avec deux contributeurs récents.

Les collections de la Cinémathèque de Bretagne, basée à Brest, comptent 32 000 films. Il s’agit de films amateurs confiés par leurs auteurs ou leurs descendants, et de films professionnels déposés par des producteurs de la région, en particulier suite à des fins d’activités des sociétés pour les années 80 – 90, ou plus récemment dans le cadre du dépôt légal suite à une aide financière du Conseil Régional. A ce jour plus de 6 000 sont accessibles en ligne, en grande majorité des œuvres d’amateurs.

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© Cinémathèque de Bretagne


Est-ce qu’il y a eu beaucoup de visionnements suite à la gratuité ?

Oui, cela a été de la folie depuis deux semaines. Il y a eu un sujet sur France 2 donc le site a explosé le week-end dernier. Il y a eu plus d’un millier de créations de compte en deux jours, c’était tout à fait énorme donc les gens ont bien compris qu’ils pouvaient avoir accès aux films, même si avant ils pouvaient quand même en visionner 2 000. On ne s’attendait pas du tout à ce que cela prenne une telle ampleur. Cela a généré aussi beaucoup d’adhésions, ce qui était une bonne surprise, avec des gens qui ont donné plus que l’adhésion normale pour soutenir la Cinémathèque.

Au-delà du cadre un peu formel par rapport au remplissage de formulaire pour les gens qui ont des informations à donner, on a vu sur les réseaux sociaux des gens qui se partageaient les liens des films et qui commentaient. Quelqu’un a mis sur le Facebook d’un groupe de la diaspora de Bou-Saâda, en Algérie, un film sur un match de leur équipe de foot en 1955. Les gens donnent des noms des joueurs de l’équipe… cela fait toujours plaisir quand on tombe sur ce genre de publication où l’on voit que des gens reconnaissent des personnes de leur famille…

Il y a aussi sur Facebook un groupe de Séné, dans le golfe du Morbihan, qui est en train de décortiquer tout un film qui a été tourné là-bas. Il y a des beaux portraits de personnes qui travaillent dans les parcs à huîtres. Celui qui gère le groupe a fait des captures d’écran avec les time code et les publie sur Facebook en disant : « si vous reconnaissez tel endroit ou tel personne donnez-nous l’information », et ensuite il nous fait suivre.

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Pourquoi avoir lancé cet appel à documentation ?

Quand les gens nous déposent les films, souvent, ce qu’ils veulent, c’est en avoir une copie parce qu’ils n’ont pas le matériel pour les voir. On numérise les films mais quand on leur demande de la documentation, souvent ils n’en ont pas. Ce n’est pas eux qui les ont faits, ce sont leurs parents ou leurs grand-parents. On peut se retrouver avec seulement les boîtes avec une inscription à la main qui n’est pas toujours très lisible et parfois même les boîtes ont été échangées… quand ce sont des images familiales, ce n’est pas forcément évident non plus de trouver où cela a été tourné, ni en quelle année. 

Nous sommes une petite équipe et nous n’avons pas toujours le temps ou les moyens de faire ce travail, et nous savons qu’il y a des gens qui sont passionnés d’histoire ou très bons connaisseurs de certains lieux et qui sont prêts à partager leurs connaissances. On a fait un formulaire qui permet aux gens de bien rentrer les informations, qui les aide à bien comprendre quels sont les éléments à nous faire remonter à commencer par le titre du film et l’identifiant.

Quels genres de contributions attendez-vous ?

Il y a deux approches différentes. Il y a des gens qui consultent un film parce qu’ils ont fait une recherche, et se rendent compte que soit la date n’est pas exacte, soit le lieu n’est pas identifié, ils reconnaissent certaines personnes… Là, ils peuvent remplir le formulaire en disant : à tel time code c’est tel lieu qu’on reconnaît, telle personne et éventuellement donner des informations de contextualisation.

Et puis, il y a l’autre cas où des personnes voudraient prendre un film au hasard et le documenter donc là c’est pareil. Toujours avec le formulaire il faut faire une description de ce que l’on voit à l’image et puis, quand il y a quelque chose de vraiment particulier, un monument, un événement ou une personne, il faut indiquer le time code pour que l’on puisse se repérer.

Il est possible de faire ce travail même pour des films qui ne sont pas tournés dans des lieux que l’on connaît. Certains films sont déjà très documentés, mais il y en a d’autres pour lesquelles on a juste une phrase… Si le film dure une demi-heure et qu’on a juste une phrase, là le film mérite d’avoir plus d’explications.

Avez-vous déjà eu des retours intéressants ?

Pour l’instant, les personnes qui ont renvoyé le formulaire sont parties de films qui les intéressaient pour leurs propres recherches. Il y a des gens qui nous ont envoyé des mails en disant « je viens de voir les films de mon grand-père, vous avez mis dans le résumé que vous ne saviez pas qui était telle personne, je vous confirme, c’est bien moi quand j’étais petit, etc. ». 

Une des contributions est une vraie mine d’informations pour nous parce que c’est un historien amateur qui a documenté un film sur la Libération de Pleine-Fougères et l’arrivée des Américains. C’est un film amateur tourné par Nelly Mérian, une femme des environs de Dol-de-Bretagne. Dans le message qui accompagne son descriptif, il nous dit que peut-être le public ne se rend pas compte que ce film est très rare et très riche et qu’il y a beaucoup d’informations sur la 6e division blindée de l’armée américaine et son arrivée en Bretagne. C’est un passionné, il nous a décrit beaucoup d’images et donné beaucoup d’informations. C’est très positif.

© Cinémathèque de Bretagne
© Cinémathèque de Bretagne

Joris Brouard est cet historien amateur passionné de la Seconde guerre mondiale.

« Je vais très souvent sur Twitter, comme beaucoup de gens qui s’intéressent à l’histoire et quelqu’un avait partagé l’information comme quoi la Cinémathèque de Bretagne mettait en accès libre 6 000 vidéos. Je savais qu’on y trouvait des vidéos amateurs, mais elles n’étaient pas forcément accessibles donc j’en ai profité pour aller voir si ce que j’avais envie de visionner était en accès libre.

Deux jours après, quand j’y suis retourné, j’ai vu sur la page d’accueil qu’on nous proposait de documenter des vidéos. J’ai rempli le formulaire à télécharger et j’ai documenté un film que je connaissais déjà. J’avais eu l’occasion de le voir il y a quelques années à l’occasion d’une cérémonie où la Cinémathèque de Bretagne présentait des films sur la Libération et celui-ci m’avait un peu surpris parce que l’image est très belle, de très bonne qualité et ça se passe dans un petit village de Bretagne. Alors que généralement on voit la libération dans les grandes villes, mais beaucoup moins dans les petites communes. Le formulaire était relativement simple à remplir. Je m’intéresse beaucoup à la Seconde guerre mondiale, je n’ai pas pris une vidéo au hasard.

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Je savais quelles troupes américaines étaient passées là et, grâce au marquage des véhicules, j’ai tout de suite reconnu l’unité et après j’en ai déduit la date… quand j’ai renvoyé le formulaire par mail j’ai bien précisé que j’avais détaillé à l’extrême et puis ça m’a fait plaisir de le faire. Je vais peut-être essayer de voir les autres sur 39-45 pour essayer d’en documenter d’autres, mais je ne sais pas si ça sera aussi détaillé. Comme j’ai trouvé que cette vidéo était très riche pour les gens qui s’intéressent à la Libération, je l’ai même partagée sur un groupe Facebook en lien avec cette division où sont inscrits beaucoup d’Américains descendants de ces soldats. Ils étaient très heureux de la voir car ils sont très à l’affût de toutes les vidéos qui représentent « the Super Sixth », 6th US Armored Division. »


Anne-Laure Donzel
à elle aussi fait un retour. Elle vit en Bretagne, mais n’est ni historienne, ni spécialiste de l’audiovisuel, même si la notion d’archives ne lui est pas étrangère. « Pendant le confinement, je cherchais des vidéos sur la Bretagne à montrer à des enfants. Comme je connaissais la Cinémathèque, j’ai pensé que je pourrais y trouver des choses assez sympas. De fil en aiguille, j’ai commencé à regarder un peu d’autres films, notamment sur Locmaria-Berrien, d’où ma famille est originaire, et où j’allais enfant tous les étés. Et de film en film, j’en ai vu un où il y avait une erreur d’indexation. Et là, effectivement, cela a été un réflexe professionnel de me dire que j’allais le signaler, et en cherchant un contact, j’ai vu sur la page d’accueil qu’ils appelaient à la documentation donc je suis passée par ce biais-là ».

En tout cas, pour Mevena, quelle que soit la contribution, elle est bienvenue : « On a parfois des informations tellement peu précises que l’on doit se contenter d’approximations, donc dès que des gens nous disent « là vous vous êtes trompés», c’est du pain béni pour nous parce que cela permet de préciser dans la base de données ».

À vos souris !

Catherine Delalande

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www.cinematheque-bretagne.bzh

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Capture d’écran 2020-03-31 à 13.06.51