Aide au programme : un soutien qui donne du souffle aux entreprises


Les régions Centre et Aquitaine proposent depuis quelques années des aides au programme destinées aux entreprises du secteur cinéma et audiovisuel implantées sur leur territoire. Un accompagnement qui se veut structurant pour les entreprises et par extension pour le secteur. Principes et vertus de ces aides. Mises en place en 2007 en région Centre et en 2011 en Aquitaine, les aides au programme d’entreprise sont destinées à soutenir les accompagnateurs des projets cinématographiques et audiovisuels de création que sont les structures de production, et ce de manière globale.

Mises en place en 2007 en région Centre et en 2011 en Aquitaine, les aides au programme d’entreprise sont destinées à soutenir les accompagnateurs des projets cinématographiques et audiovisuels de création que sont les structures de production, et ce de manière globale.

Il s’agit de soutenir la phase de développement des projets mais aussi la croissance de la structure, société ou association, qui en est à l’initiative. L’aide telle qu’elle existe dans ces deux régions est axée sur trois volets : projets, promotion, stratégie. Le premier volet s’intéresse aux films à un stade précoce de leur fabrication (écriture, repérages, essais, recherche de partenaires). Le second vise à accroître la visibilité, la représentation de l’entreprise et à valoriser ce qui a été produit. Et le volet stratégie désigne les démarches prospectives nécessaires pour inscrire l’établissement dans la durée.

Les structures de productions peuvent y prétendre une fois par an avec des plafonds différents d’une région à l’autre : 20 000 euros en région Centre et jusqu’à 30 000 euros en Aquitaine. La demande d’aide se fait en plusieurs temps : dépôt en début d’année, audition devant des professionnels du secteur implantés eux aussi en région, chiffrage et bilan moral et financier en fin d’année.

L’aide est qualifiée de « capitale » par tous ceux qui l’obtiennent. Maud Martin, productrice chez L’image d’après à Tours, souligne que l’axe projet de l’aide intervient sur « des étapes du film qui se financent mal par ailleurs : l’acquisition de droits d’auteurs dès les premiers temps d’écriture pour développer le scénario, la fabrication d’un pilote et en aval la fabrication de dvd, la promotion des films. Récemment, nous avons eu la chance d’avoir un court-métrage d’animation à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes. L’audition a eu lieu juste après l’annonce de la sélection. Le soutien de la région était indispensable pour faire face aux dépenses supplémentaires que sont la fabrication des DCP (support numérique de projection), les opérations de sous-titrage, l’élaboration d’un dossier de presse et aussi pour permettre la présence de l’équipe de 8 balles pendant le festival. »

Le champ d’application du dispositif se veut « large et intéressant à de nombreux endroits pour les structures de production » souligne Jean-Guillaume Caplain, coordinateur cinéma et audiovisuel en région Centre via Ciclic (1). Les axes promotion et stratégie, intimement liés, permettent de financer le recours à de nouveaux outils de communication, une présence accrue sur les festivals, la mise en place de formation, le recours à des consultants, la collaboration avec des vendeurs internationaux… « La représentation de la société sur les festivals et les marchés est essentielle pour développer le réseau, rencontrer des partenaires mais aussi de nouveaux auteurs, » précise Jean-Marie Gigon, gérant de SaNoSi productions à Maintenon, tout juste de retour du Sunny Side of the Doc.

Marc Faye, de Novanima à Périgueux, ajoute : « En tant que producteur, l’un de nos objectifs est de pérenniser l’activité, de se donner les moyens de s’ouvrir à des logiques de coproductions. C’est ainsi que je mesure la force de ce dispositif. L’aide au programme existe pour consolider l’activité des producteurs, interlocuteurs indispensables entre les porteurs de projets, les collaborateurs de création et les partenaires financiers. »

« À Ciclic, nous sommes satisfaits. L’aide au programme existe depuis sept ans et  la proposition semble bien comprise par les entreprises », souligne Jean-Guillaume Caplain. En région Centre, une vingtaine de structures sont actives dans le domaine du documentaire de création, de l’animation ou de la fiction et « en 2013, sept de ces structures ont été soutenues au titre de l’aide au programme, ce qui est conforme à la proportion des aides attribuées annuellement. Elles profitent notamment aux jeunes sociétés ou associations pour franchir un palier, elle les accompagne aussi à l’ouverture à de nouveaux genres. »

Une politique globale qui prend en compte la spécificité de la filière pour mieux la structurer

Jean-Raymond Garcia, directeur du département Cinéma et audiovisuel en Région Aquitaine (2) a créé le dispositif d’aide au programme d’activité des entreprises comme « un complément indispensable et nécessaire à la politique de soutien au secteur. La spécificité de cette aide au programme est qu’elle n’est pas isolée mais concomitante aux autres dispositifs de soutien. Déployer une politique régionale cohérente en faveur du cinéma et de l’audiovisuel c’est articuler l’aide aux œuvres, l’aide aux entreprises et l’aide aux télédiffuseurs locaux et régionaux – incités à des préachats et des coproductions par l’intermédiaire des Contrats d’Objectifs et de Moyens signés avec la Région. C’est, à mon sens, ainsi qu’on soutient efficacement le secteur et qu’on produit une régénération de l’environnement. »

Marc Faye, investi dans l’association des producteurs Aquitains (3) qui porte les attentes des professionnels auprès de l’institution, loue aussi la cohérence du dispositif. « Il part du constat que le centralisme audiovisuel induit une fragilité économique valable pour tous, les auteurs, les producteurs comme les télédiffuseurs. Ce dispositif aux côtés des autres (aide à la conception, bureau des auteurs, fond de soutien, COM avec un télédiffuseur en Région) est un outil essentiel à la structuration d’une filière en région. »

Une des spécificités de l’aide en Aquitaine est la prise en considération de l’expérience du dirigeant dans l’accès à l’aide, qui, selon Jean-Raymond Garcia « renforce l’attractivité du territoire ». Depuis 2011 le nouveau règlement du fonds d’aide et ses nouvelles modalités ont renforcé ce soutien au programme d’entreprise pour que la région soit à l’initiative de tournages et pas seulement “accueil de tournage”. « L’objectif est d’attirer des talents. L’Aquitaine est à l’origine de films de tout genre et tout format. Et on a constaté avec satisfaction que le dispositif a attiré des entreprises qui se posaient la question de leur lieu d’installation. Les aides au programme sont réfléchies pour consolider un tissu existant, ce qui veut dire qu’il ne faut pas oublier l’émergence et l’attraction d’un territoire. Et l’attraction des entreprises est aussi importante que celles des tournages. »

« C’est effectivement une des raisons qui me font rester en région, précise Jean-Marie Gigon, car c’est une aide dont je ne pourrais me passer. Elle est d’autant plus importante pour les sociétés qui, comme la mienne, produisent du documentaire car les marges sur ces films sont peu importantes voire nulles. Elles ont besoin d’un soutien global qui permet à l’entreprise de continuer, d’aller de l’avant. » Maud Martin confirme « le peu d’argent qui reste une fois le film terminé est souvent absorbé par les coûts fixes des structures. Si on propose des aides aux projets mais que les structures qui sont vouées à les accompagner ne tiennent pas le coup, à quoi bon ! ».

Ne pas négliger la dimension entrepreneuriale liée au développement des structures de production

« Une politique régionale doit développer des ressources et nous sommes fiers des succès des structures que nous accompagnons. Grâce à l’aide au programme, la crise que traverse le milieu audiovisuel et cinématographique s’est moins fait ressentir en région, elle a été amortie. Les aides publiques sont là pour réguler le marché, c’est leur nature » atteste Jean-Raymond Garcia. Christophe Camoirano, gérant de Girelle production à Orléans, estime qu’il ne serait pas « là où il en est sans ce dispositif, ou en tout cas pas de la même manière. J’apporte une grande attention au dossier qui est aussi l’occasion de faire le point sur la société, sur l’état d’avancement des projets. C’est une cartographie à un instant T, utile pour nous comme pour les partenaires. » Marc Faye ajoute qu’« un des aspects professionnalisant de cette aide réside dans son fonctionnement : lors de l’audition, nous sommes confrontés à des experts qui vont évaluer à la fois la partie artistique des projets et aussi les axes de développement choisis, notre façon de travailler, les pièces comptables… Depuis 2011, ces auditions sont des bilans étapes qui permettent d’affirmer notre ligne éditoriale et de la mettre en perspective. C’est forcément intéressant de s’inscrire dans cette logique d’exigence. Elle servira la société comme les projets. »

Christophe Camoirano milite néanmoins « pour qu’une part de l’aide, celle liée directement au développement de la filière ou des acteurs du territoire, s’appuie sur des fonds économiques. Sortir des fonds culturels qui sont à fonds constants pour se compléter ailleurs permettrait d’offrir une aide plus ambitieuse. Pour qu’elle débouche sur plus de moyens humains, sur un recours pérenne à des collaborateurs de qualité, les montants doivent être beaucoup plus élevés. Ça permettrait aux entreprises de gagner du temps, de minimiser les risques, car les banques, qui connaissent mal les enjeux de nos secteurs, ne nous suivent pas. » Maud Martin confirme que « les montants alloués ne permettent pas de créer des emplois au niveau administratif, c’est un encouragement mais ça ne porte pas ses fruits directement sur l’embauche. Par contre ça en génère par rebond. »

Dans le contexte mouvementé qui est celui des collectivités territoriales et malgré les restrictions budgétaires, une étude de Ciclic (3) montre pour l’instant une augmentation des soutiens à l’écriture et au développement. Souhaitons que les dispositifs de ce genre continuent à accompagner haut et loin les structures de productions essentielles dans l’accompagnement des projets.

Elodie Sonnefraud

1)    Ciclic est l’agence régionale du Centre pour le livre, l’image et la culture numérique, et met en œuvre la politique de soutien au cinéma et à l’audiovisuel.
(2)    En Région Aquitaine le fonds de soutien à la création et à la production cinématographiques et audiovisuelles est orchestré par Écla Aquitaine, agence culturelle du Conseil régional partenaire des professionnels du livre, de la musique, du cinéma et de l’audiovisuel.
(3)    Apc2A, Association des Producteurs Cinématographiques et Audiovisuels d‘Aquitaine.
(4)    Tendances générales 2013 / Ressources et études Ciclic

Les fonds d’aide des régions Aquitaine et Centre en quelques chiffres – Ressources Ecla-Aquitaine et Ciclic


Région Aquitaine (Fonds créé en 1985)

Budget : 2 720 000 €

  • Apport de la collectivité territoriale : 1 980 000 €
  • Apport du CNC : 740 000 €

En 2013, la région Aquitaine a accordé 72 aides (tous dispositifs confondus) dont 10 aides au programme d’entreprises* pour un montant moyen de 24 000 euros.

En 2014, 7 sociétés ont été aidées pour un montant global de 200 000 Euros.

* le fonds qui financent ces aides n’est pas abondé par le CNC (hors convention 1 € pour 2 €) mais relève strictement de fonds régionaux.


Région Centre (Fonds créé en 1991)

Budget : 2 226 000 €

  • Apport de la collectivité territoriale : 1 620 000 €
  • Apport du CNC : 590 000 €
  • Apport de la SACEM : 16 000 € (financement du soutien à la création de musique de film originale pour les courts métrages (fiction, documentaire, animation) qui ont bénéficié d’un soutien à la production de Ciclic.)

En 2013, la région Centre a accordé 83 aides (tous dispositifs confondus) dont 7 aides au programme d’entreprises* pour un montant moyen de 11 714 euros.

* le fonds qui financent ces aides n’est pas abondé par le CNC (hors convention 1 € pour 2 €) mais relève strictement de fonds régionaux.