Paul Cabon est vraiment un gars sympa. Décontracté, drôle et sans chichi à l’image de »Tempête sur anorak », le film jubilatoire qu’il vient tout juste d’achever. Rencontre avec un jeune réalisateur plein de talents.
– Paul, d’où venez-vous ?
– Paul Cabon : je suis né à Brest où j’ai grandi avant de partir à Paris en mise à niveau en arts appliqués. Puis pendant deux ans, j’ai suivi une formation en animation à Roubaix (DMA à l’ESAAT). Une école où j’ai appris différentes techniques d’animation. A la sortie, j’ai passé un an à travailler mon style, à voir beaucoup de films avant de me présenter à la Poudrière. Une fois admis, j’ai fait mon film d’étude là bas. Sauvage a reçu le deuxième prix des films d’étudiants au Festival d’Annecy, un prix au Freshfilm Festival de Prague et une mention spéciale au Festival de Bruz.
– D’où vient l’idée de ce projet Tempête sur anorak ?
A la base, je me suis inspiré de l’environnement dans lequel j’ai grandi. A Brest, le centre océanographique Ifremer est collé au sentier côtier. Lorsqu’on se balade, on le devine derrière des grilles. Je pense que, petit, je trouvais ce mélange d’édifices scientifiques face à la nature assez mystérieux. Cet endroit a nourri mon imagination. C’est aussi pour cela que, quelque part, j’avais envie de faire ce film en Bretagne.
– Quelle est l’histoire du film ?
Au bord de la mer, deux jeunes scientifiques font des tests pour une invention. Soudain, une grosse tempête gronde. Très vite, ils sont pris dans la tourmente au coeur d’événements étranges… L’histoire va un peu dans tous les sens parce qu’elle est censée retranscrire ce que l’on ressent dans une tempête. Les choses s’entrechoquent sans liens apparents et, au fur et à mesure, tout tourbillonne ensemble. C’est vraiment l’idée du film : bousculer l’histoire comme si elle était elle-même prise dans la tempête. Je cherche aussi à renverser le spectateur, à lui faire dire « ho ! C’est marrant, j’ai pas tout compris mais ça m’a bien secoué ». Je crois que la personne peut aimer sans avoir forcément compris. Moi, par contre, j’ai une interprétation personnelle de tous les éléments qui sont dans le film même si je pense que le premier choc avec le film sera plutôt absurde. En tout cas, je ne me fais pas trop de souci là dessus… C’est un peu comme une tempête. Tu vas dedans. Tu ne sais pas trop pourquoi ça te plait parce que c’est quand même dangereux. Ça secoue mais c’est excitant.
– Quelles techniques avez-vous utilisées ?
Les décors ont été peints à la gouache sur du papier. Tous les éléments ont été peints séparément et ensuite, je les ai détourés pour les coller numériquement. C’est ce que j’aime bien dans le film, le côté fait main qui se mélange au numérique. Pour l’animation, c’est un mélange de dessin animé c’est-à-dire d’images qui défilent les unes après les autres, et de papiers découpés. A cette étape, tout est fait sur ordinateur.
– Combien de temps a-t-il fallu pour développer ce projet ?
J’ai d’abord commencé à l’écrire tout seul en hiver 2009. Je l’ai présenté à l’aide à l’écriture de la Région Rhône-Alpes où je résidais. Sans succès. Par la suite, je suis allé beaucoup plus loin dans l’écriture. J’ai fait un peu d’images, un peu de storyboard. Du coup, j’ai gagné des concours de scénario dont celui qui m’a permis d’entrer en résidence à CICLIC (1). C’est à ce moment là que j’ai trouvé le producteur. J’avais discuté avec Folimages et Vivement Lundi !. Ils s’étaient engagés sur une coproduction. Seulement, n’ayant pas eu la région Rhône-Alpes, Folimages s’est détaché à regret du projet. Vivement Lundi ! est resté. En terme de relation avec la production, j’ai vraiment apprécié cette collaboration. Au niveau des partenaires, nous avons eu le soutien de la Région Bretagne et de la Région Centre qui s’est engagée sur une aide à la production et à la musique du film.
– Quelles ont été les difficultés ?
En fait, le projet sur papier a l’air marrant mais brouillon. Au niveau du scénario, tous les gens qui se sont engagés m’ont dit : « Bon, on ne pourra pas t’aider, il faut que tu saches ce que tu fais. » Ce n’est pas évident. Ils étaient obligés de me faire confiance car ils avaient du mal à se représenter le film. C’est une situation très confortable même si ce que je gagnais en liberté, je le gagnais aussi en angoisse… Mais à un certain stade, il a fallu que je montre des images. Par exemple, j’ai dû faire un animatic complet du film pour dissiper les réserves des responsables de Canal +. Finalement, Canal + et les télévisions locales de Bretagne diffuseront le film en 2014. Nous ne connaissons pas encore les dates précises.
– Avez-vous des projets à suivre ?
Je me mettrais à les écrire une fois que j’aurai terminé celui-là. Je sais que j’ai envie d’un projet plus léger. Mes idées plus ambitieuses, je les écrirai plus tard. En tout cas, je compte rester sur Rennes. Je m’y plais que ce soit au niveau personnel ou professionnel.
– C’est aussi plus pratique pour aller au Festival de Bruz…
Tout à fait. Je suis bien content que ce festival se déroule dans la ville où je vis à présent. C’est très agréable. L’an dernier, j’y ai retrouvé pleins d’amis de la Poudrière qui présentaient leur film de fin d’étude. Et en 2010, l’année où mon film a obtenu une mention spéciale, je me souviens avoir été hébergé chez l’habitant. J’avais trouvé ça très sympa.
Propos recueillis par Lauriane Lagarde
(1) Dans l’objectif d’accompagner les films à toutes les étapes de leur fabrication, Ciclic, l’Agence régionale du Centre pour le livre, l’image et la culture numérique, a créé une résidence de tournage de films d’animation destinée aux réalisateurs français et internationaux. Cette résidence d’animation, située à Château-Renault, est devenue une référence nationale et un lieu incontournable de soutien aux productions les plus innovantes. Les 35 films soutenus et accueillis depuis 2001 dans cette résidence ont réuni plus de 1000 sélections en festivals et plus de 100 prix et récompenses internationales.