Il a signé des documentaires retentissants comme La Françafrique, ou La grande évasion fiscale. C’est également lui qui a mis en place, sous la présidence d’Ange Casta, les Etoiles de la Scam. Ce label récompense depuis neuf ans trente oeuvres télévisuelles de qualité. C’est le seul endroit où peuvent se confronter des films venant de tous les diffuseurs et traitant de tous les sujets. L’auteur et réalisateur Patrick Benquet revient sur cette volonté de défendre la qualité sur le petit écran, alors que les films primés pour l’année 2013 vont être diffusés les 25 et 26 octobre au Forum des Images, à Paris. Et que ces Etoiles consacrent de plus en plus de films coproduits par des diffuseurs en région.
– Pourquoi avoir créé ces Etoiles, décernées aux auteurs de télévision ?
– Nous en avons ressenti le besoin après la réforme du barème de rémunération des auteurs, quand il est devenu automatique en janvier 2006. Avec Ange Casta, nous voulions mieux récompenser la qualité. Et pousser les diffuseurs à mieux la promouvoir.
Pour cerner plus précisément cette question, les étoiles répondent à plusieurs objectifs. Aider les auteurs avec une prime de 4 000 euros. Faire connaître les oeuvres auprès des professionnels, des médias et du public. Depuis 5 ans, la Journée des étoiles – qui cette année sera un week-end complet – a lieu au Forum des images à Paris, ce qui leur donne une plus grande visibilité auprès du public, des professionnels et des médias. Faire pression sur les diffuseurs en mettant en avant des œuvres de télévision de qualité. En créant comme une émulation, par la publication, chaque année, des pourcentages d’étoiles que chaque diffuseur a recueillis !
Aujourd’hui les Etoiles sont devenues, avec Brouillon d’un rêve, un des points forts du soutien de la Scam aux auteurs. Au niveau de l’administration, Carine Bled-Auclair y consacre l’essentiel de son temps. L’année prochaine, nous fêterons les dix ans de ce palmarès annuel.
Tous les sujets, toutes les durées, tous les genres (documentaires, reportages, webdoc) et tous les diffuseurs (chaînes publiques, privées, du câble…) sont acceptés. Il faut impérativement envoyer son film dans l’année de la diffusion (1).
Une remarque : les étoiles ne concernent que les films ayant été diffusés à la télévision. L’augmentation du nombre des documentaires diffusés en salle devrait nous amener à réfléchir à la création d’étoiles spécifiquement destinées à cette catégorie.
– Combien recevez-vous de films par an et comment les étoiles sont-elles sélectionnées ?
– Environ quatre cents et nous sommes extrêmement attentifs à la sélection des films. Une présélection est faite par vingt auteurs tirés au sort au sein de la commission télévision de la Scam. Chaque œuvre est visionnée par un binôme d’auteurs et tous les mois, tous ces auteurs se réunissent pour discuter des choix. Chaque binôme présente les films qu’il avait en visionnage. Si les auteurs d’un binôme ne sont pas en accord, le film est confié à un autre binôme, et rediscuté le mois suivant. Également si un membre du groupe des vingt conteste un jugement, le film peut être visionné par un autre binôme, et ensuite rediscuté.
Le travail de présélection aboutit à une liste de soixante œuvres soumise à un jury qui devra en sélectionner trente : les trente étoiles de l’année. Ce jury (2), renouvelé chaque année, est composé d’un président choisi pour sa notoriété dans notre métier, ainsi que de quatre membres qui reflètent les différentes approches du documentaire et du reportage.
Les membres du conseil d’administration de la Scam, ainsi que les membres de la commission TV, ne peuvent pas concourir aux étoiles. Si un membre de la commission veut déposer une étoile, il doit se mettre en congé de la commission pendant un an.
Il n’y a pas de système de sélection parfait. Ce sont des auteurs qui jugent des auteurs, et donc la subjectivité de chacun joue un rôle important. Mais le système que nous avons mis en place, que je viens de décrire, offre le maximum de garanties de transparence. Bien sûr, ce palmarès crée quantité de frustrations chez ceux qui n’ont pas été retenus : nous faisons trente heureux et trois cent soixante-dix déçus ! Mais encore une fois, ce sont des auteurs qui jugent des auteurs. Personnellement, je n’interviens que dans l’organisation et le fonctionnement de la présélection, pas sur l’appréciation des œuvres. Et il m’arrive à titre personnel d’être déçu, voire choqué de l’élimination de certains films. Je peux le regretter comme chacun, mais c’est la règle.
Il faut préciser que les trente étoiles retenues ne sont pas les trente « meilleurs » films de l’année mais trente œuvres parmi les meilleures de l’année. Un autre jury ferait un autre choix.
– Qu’est-ce que la qualité en matière de films de télévision ? Comment la définir ?
– C’est une question qui suscite des débats sans fin. Pour la réforme du Cosip documentaire (Fonds d’aide du CNC, voir article du 20/10/14, ndlr) par exemple, il a été adopté des critères « objectifs », comme le nombre de jours de montage. Pour les Etoiles, on travaille avec des critères plus subjectifs et variés. Au sein des binômes et de la commission, on parle beaucoup de la qualité d’une enquête, de l’originalité d’une réalisation ou de la pertinence d’un regard.
– Est-ce que les médias relaient la Scam sur cette opération ?
– Nous avons beaucoup renforcé ce travail auprès des médias, avec une personne de l’administration à la Scam qui s’occupe des relations presse. Un partenariat avec Télérama et Radio France nous permet d’amener un nouveau public lors de la projection au Forum des Images. Nous essayons de sortir ces films du « flux télévisuel ».
– Cela va faire neuf ans que les étoiles sont décernées, c’est un bon lieu d’observation de l’évolution de la production ?
Nous connaissons toutes les pressions exercées sur les auteurs pour les faire entrer dans un moule. Mais les films que nous recevons aux étoiles montrent que globalement la qualité se maintient, même si les modes de narration évoluent. Le système français de soutien aux documentaires continue de nous placer dans une situation privilégiée par rapport à tous les autres pays.
Nous observons également une montée en puissance continue des chaînes locales et régionales. 30% des étoiles 2013 ont été diffusées sur ces chaînes. Soit une augmentation de 125 % par rapport à l’année dernière !
Ce chiffre illustre le nombre de plus en plus important d’œuvres que nous recevons des régions, de Bretagne par exemple. Il s’inscrit dans l’augmentation depuis quinze ans d’une production décentralisée, refuge d’œuvres de qualité, et possibilité pour de jeunes réalisateurs de faire leurs premières armes. Cette production décentralisée, souvent faite avec peu de moyens, et diffusée de manière trop confidentielle, devrait questionner les grands diffuseurs quant à la qualité et au renouvellement de ce qu’ils diffusent.
Propos recueillis pas Brigitte Chevet
(1) Règlement et appel à candidature pour Les étoiles 2015 à consulter ici.
(2) Jury présidé par Simone Bitton et composé de Jarmila Buzkova, Grégoire Deniau, Jasna Krajinovic et Michel Vuillermet.
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Les étoiles de la Scam seront célébrées le 25 et 26 octobre 2014 au Forum des Images, à Paris.
Entrée gratuite dans la limite des places disponibles, suivie d’une rencontre avec l’auteur.
Programme et grille à consulter ici.