Samuel Zbynovsky est un auteur-réalisateur de films de fiction et documentaires. Il développe aussi des vidéos de vulgarisation scientifique au sein de sa société de production La Monade Sagace. Son travail s’intéresse aux questions d’avenir. En février 2025, il a lancé la newsletter Récits d’avenir avec Solène Monnier où ils mènent un travail de veille sur les œuvres et initiatives qui imaginent le monde de demain.
Maïlys Somnard, chargée de mission éco-production au sein de Films en Bretagne entre juin et juillet 2025, est allée à la rencontre de Samuel avec nos traditionnelles « 3 questions à » pour en savoir plus sur ses « Récits d’avenir »…
3 Questions à Samuel Zbynovsky
Films en Bretagne :
Qu’est-ce qu’un « récit d’avenir » selon toi ? Qu’est-ce qui t’a conduit à t’intéresser à ces récits en tant que réalisateur et scénariste jusqu’à créer en 2025 ta newsletter dédiée « Récits d’avenir » ?
Samuel Zbynovsky :
« Récits d’avenir » est un terme que je préfère utiliser et que je trouve bien plus parlant que « Nouveaux récits ». Le récit d’avenir aide à préfigurer demain : il nous met face aux enjeux sociaux et environnementaux et propose des pistes d’adaptation. Mais avant tout, pour moi un récit d’avenir se veut d’être inspirant et porteur d’espoir. C’est une histoire qui nous « empuissante », qui nous insuffle de la force en montrant concrètement des manières de s’engager, de se battre, de vivre pour croire en un avenir enthousiasmant. Sauf que demain sera plus rude, fluctuant et où l’abondance se sera tarie. Il serait donc fallacieux de dire que tout va bien se passer demain. L’enjeu est bien là, créer une histoire qui nous projette dans un avenir vraisemblable, avec une bonne base scientifique si on parle de sujets environnementaux, et qui raconte comment toutes ces contraintes ont pu créer des dynamiques de coopérations, d’entraide et d’évolutions sociales. Par exemple, cela peut passer par la mise en lumière d’une personne qui va défendre des arbres en forêt (exemple : Sauvages!), un collectif qui invente d’autres manières de faire société en ayant fortement fait évoluer son rapport aux vivants humains et non-humains, au genre, à la différence (exemple : Le Règne Animal).
Un récit d’avenir peut tout à fait aussi être une histoire sans que le sujet principal soit lié à l’environnement ou à une lutte sociale, mais que tous les détails du quotidien soient habités par un respect du vivant, des ressources, ainsi que des genres et des nos diversités. C’est d’ailleurs ce que le Guide de l’écran d’après avance, en nous invitant à réfléchir à nos idées reçues par une série de questions (nous avons fait un article à ce sujet justement). Le récit d’avenir n’est pas limité à un genre, tous les genres fonctionnent !
Films en Bretagne :
Quel conseil donnerais-tu à un·e auteurice qui veut raconter autrement ?
Samuel Zbynovsky :
Quelle que soit l’histoire qu’on veut raconter, le principal reste son récit. Si l’on écrit un scénario, le plus important me semble être de connaître les techniques scénaristiques et de travailler à fond son histoire pour créer le meilleur film possible. C’est vraiment le principal, car sans bonne histoire, toutes les meilleures intentions tombent à l’eau, voire peuvent même avoir un effet inverse et nuire à une cause.
L’objectif est bien de créer des histoires mémorables qui touchent émotionnellement notre public en partageant sa vision du monde. Alors le plus important si on veut espérer ça, c’est de se connecter sans cesse aux sujets qui nous habitent le plus, et de les raconter au mieux. Si on est habité par des sujets écologiques, faut se faire confiance, ça va se ressentir, même si le sujet n’est pas frontalement l’écologie.
Une fois qu’on est d’accord sur cette base là, oui je pense qu’on commence à avoir des outils, des guides qui nous permettent de comprendre plus habilement comment parler de demain et de sujets écologiques au sein de nos histoires. On a beau avoir de bonnes intentions, nous avons plein de réflexes et d’idées reçues qui peuvent être intéressantes à questionner pour imaginer l’avenir. C’est ce qu’on veut mettre en lumière avec la newsletter Récits d’avenir : On y parle des guides qui proposent des approches et techniques (par exemple : Lunette Nature qui va s’intéresser à la représentation de la nature dans les films d’animation et nous fait réfléchir à la manière dont on fait intervenir la nature dans nos histoires).
Nous analysons des œuvres qui nous semblent être des récits d’avenirs en expliquant pourquoi. On rencontre des personnes qui œuvrent de près ou de loin à ces sujets pour saisir une parole rare de ces héro·ines de l’ombre. Nous nous intéressons aussi aux mouvements ou dispositifs, comme le festival Atmosphères (un super festival engagé sur ces enjeux d’avenir) ou à la collection « On s’adapte » de Canal+ qui avait créé une collection de films courts d’anticipation inspirants (Si ça vous intéresse, nous avons fait des articles sur ces deux sujets).
L’exploration que l’on mène au sein de Récits d’avenir a pour objectif d’apporter des clefs de compréhension et du recul sur ces enjeux pour ouvrir les champs du possible sans restreindre la liberté des auteurices. C’est un travail qui m’aide pour mes propres projets et qui a l’ambition d’inspirer celles et ceux qui nous lisent.
Films en Bretagne :
Si tu devais recommander une œuvre (film, court-métrage, série) qui incarne un récit d’avenir, laquelle serait-ce ? Peux-tu nous parler un peu de tes futurs projets ?
Samuel Zbynovsky :
En fait, on peine encore beaucoup à trouver de « grands films » qui sont des récits d’avenirs, même si ces dernières années ça émerge de plus en plus !
Il y a Woman at War, qui franchement est trop fort, d’autant plus qu’il a déjà quelques années. Captain Fantastic est très bon aussi ! On a aussi Avatar (seulement le 1er volet de 2009).
Moi, le film qui a marqué un tournant radical, c’est Le Règne animal : enfin un film français de genre qui parle de ces sujets d’avenir très proche avec des « hybrides » qui apparaissent et où le film questionne la manière dont on gère cette « différence ».
Et puis évidemment pour moi il y a les films de Hayao Miyazaki, par cette poésie et cet émerveillement, et les films de Makoto Shinkai (Your Name, Les Enfants du Temps, Suzume) : le rapport aux éléments, à la nature est puissant. C’est des films qui me font beaucoup de bien.
Du côté de mes projets, il y a Les Enfants des Calanques, un court métrage d’anticipation que je co-écris avec Lucie Moïse. C’est l’histoire de Sacha, un enfant de 8 ans qui rêve de partir au Japon. L’histoire prend place dans un avenir proche où l’eau à inondé le littoral, particulièrement au niveau des Calanques Marseillaises où Sacha vit. Un après-midi d’été, il décide de fuguer et rencontre alors Alice, une fille de dix ans qui va l’emmener explorer un village abandonné en bord de mer. Commence alors l’aventure, l’opportunité pour Sacha de se réconcilier avec ses rêves et son passé.
Après avoir été accompagnés par la Résidence du Sud, nous sommes d’ailleurs actuellement à la recherche d’une production sensible à ces thématiques pour accompagner ce projet bien avancé !
Un grand merci pour cette mise en lumière et au plaisir de vous retrouver sur Récits d’avenir !
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ATELIER Autour des nouveaux récits
JEUDI 13 NOVEMBRE 2025 | horaires à venir | À Brest
Dans le cadre de la prochaine édition du Festival européen du film court de Brest, Samuel Zbynovsky et Mado Le Fur animeront un atelier autour des nouveaux récits pour les auteurices-réalisateurices.
L’atelier sera ouvert aux adhérent·es de Films en Bretagne et aux professionnel·les accrédité·es.
+ d’informations à venir prochainement sur notre site.