RETOURS D'ANNECY : pas mal de choses à partager !


Retour en images et en mots d’une magnifique semaine en compagnie d’une délégation de 5 professionnel·les venus représenter l’animation bretonne au marché des professionnel·les du Festival International du film d’animation d’Annecy qui se déroulait du 11 au 14 juin : Diane Dedecker, Cléo Truphème et Théo Nerestan, technicien·nes stop motion, Paul Cabon, réalisateur 2D et Blandine Jet, scénariste. 

Une semaine qui (re)donne tout son sens aux métiers que l’on fait, où les films et leurs créateurs rencontrent leurs spectateurs et spectatrices…


Depuis 2012, grâce aux soutiens conjugués de Rennes Métropole et de la Région Bretagne, Films en Bretagne coordonne annuellement « l’Opération Annecy » : chaque année, une délégation de technicien·nes et d’auteur·ices qui portent ensemble une vision d’excellence de l’animation bretonne et donne rendez-vous à la communauté professionnelle internationale au MIFA… Un stand « Bretagne » y est aménagé pour mettre en visibilité la vitalité et la richesse de la création régionale, ses talents, ses films à venir… et également recevoir en toute convivialité de futurs collaborateurs de création, de futurs partenaires, de futurs projets.

2024, était une année exceptionnelle…avec une belle sélection de 7 films produits, coproduits ou fabriqués par nos adhérent·es – JPL Films, Vivement Lundi ! et le studio Personne n’est parfait, les Films Grand Huit, Respiro productions, et les technicien·nes en stop motion… – avec pour récompense, 4 prix : le Cristal et le Prix du public pour UNE GUITARE A LA MER de Sophie Roze produit par JPL ; Le Prix du jury pour LA VIE DE CHÂTEAU « LE FANTÔME DE VERSAILLES de Clémence Madeleine-Perdrillat et Nathaniel H’limi coproduit par Films Grand Huit et le Prix Jeune public pour HELLO SUMMER de Martin Smatana et Veronika Zacharová coproduit par Vivement lundi !

Sans oublier les projets présentés lors dans le cadre des WIP ou sélectionnés dans les sessions pitchs. (Pour vous remettre en mémoire tout ça, lisez notre article !)

Autant dire que c’est dans une ambiance chaleureuse et joyeuse que la délégation de cinq professionnel·les s’est rendue une nouvelle fois au Festival : Diane Dedecker, Cléo Truphème et Théo Nerestan, technicien·nes stop motion, Paul Cabon, réalisateur 2D et Blandine Jet, scénariste. 

Toutes et tous nous ont aidé à préparer l’opération, se sont relayés sur le stand pour accueillir les professionnel·les et représenter la filière bretonne, tout en profitant du festival et de son marché pour travailler leur réseau, écouter des conférences, visionner des films et nourrir leur créativité…Un moment important de connexion avec l’animation internationale.
Un clin d’œil aussi à l’importante délégation “OFF” de technicien·nes breton·nes venus soutenir la projection de Sauvages et qui a contribué à égayer notre semaine !

Quoi de mieux que de vous laisser en leur compagnie pour qu’ils et elles vous racontent leur semaine…


Les retours d'un retour de Paul Cabon

Cet opus du festival fut mon retour après quelques années d’absence. Annecy était mon mètre étalon de ce qu’est un festival d’animation et y retourner après avoir visité nombre d’autres festivals m’a fait prendre conscience de la singularité de son ampleur et de son ambiance. C’est le seul festival d’animation qui s’empare à ce point de la ville qui l’accueille. On atterrit dans un village étrange peuplé d’hurluberlus aux yeux pétillants, ce qui se traduit complètement dans les salles. La bienveillance et l’excitation joueuse dont j’ai pu être témoin aux séances de la grande salle de bonlieu me rappelle pourquoi je me suis toujours sentit si bien dans notre milieu et ravive l’attachement que je lui porte.

J’en reviens excité par l’ambition des projets que j’ai pu y voir et comblé d’avoir participé à cette réunion de famille grandiose.

vu à Annecy…

Anzu, Chat-fantôme de Yoko Kuno et Nobuhiro
Long-métrage – Japon-France 

Synopsis : Karin, 11 ans, est abandonnée par son père chez son grand-père, le moine d’une petite ville de province japonaise. Celui-ci demande à Anzu, son chat-fantôme jovial et serviable bien qu’assez capricieux, de veiller sur elle. La rencontre de leurs caractères bien trempés provoque des étincelles, du moins au début.

En ouverture de projection, le réalisateur clôt la présentation de son film en nous souhaitant une agréable rencontre avec une bande de personnages bizarres. En quelques mots il m’avait mis dans la disposition idéale pour recevoir le film. Il est en effet délicieusement bizarre, rempli de surprises, il nous embarque dans un voyage d’apparence chaotique à travers un monde doucement décalé. Ce n’est pas un film dépourvu de défaut mais c’est un film gonflé d’une énergie de vie bouillonnante, d’élan d’action, de désir d’étrange. Des qualités trop rares qui rendent ce film précieux. Sous de faux airs de légèreté, le film va loin dans la question de ce qui nous motive à vivre, ce qui nous fait continuer face et contre la mort. La jeune fille qu’on accompagne tombe dans le désespoir, et cette énergie de bizarrerie absurde et virevoltante, qui transpire de tout le film, apporte la solution et la réponse. Elle nous la fait sentir sans mots. On sort du film en recevant ce souffle et cet effet me rappelle ce que j’aime  et que je recherche dans le cinéma: la transmission d’un élan de vie.

Paul Cabon

LE souvenir dessiné et le retour d'écran de Diane Dedecker

Beautiful men de Nicolas Keppens
Court-métrage en stop motion 

Synopsis : Trois frères chauves se rendent à Istanbul pour subir une greffe de cheveux. Coincés les uns avec les autres dans un hôtel loin de chez eux, leurs insécurités grandissent plus vite que leurs cheveux.

Ce court métrage de Nicolas Keppens parle de trois frères chauves qui mettent tous leurs espoirs et leurs économies dans un voyage à Istanbul, pour chacun faire une greffe de cheveux. Mais il y a un problème avec la réservation et ils doivent choisir lequel d’entre eux sera le seul à revenir avec une nouvelle coupe, en plein milieu d’une catastrophe météorologique. 

Le film explore le thème de la solitude et de liens au sein d’une fratrie, de l’intimité au sein de la famille, et aussi de la quête d’un idéal physique masculin avec humour et douceur. 

Les marionnettes en silicone sont attendrissantes, seules dans leurs chambre d’hôtel, avec leurs questionnements. Chaque personnage a ses raisons de vouloir changer de tête, mais leur pudeur les empêchent d’en parler clairement entre eux. Leur perception de la virilité est fragilisée par un crâne lisse, isolant les trois frères, qui initialement étaient venus vivre une expérience commune. Ils partagent un héritage familial et une histoire qui pourrait les rapprocher, mais Bart gère sa frustration par la colère, le plus jeune Steven part dans le mensonge, et le dernier entre dans le déni. Les décors épurés et réalistes viennent ancrer les trois frères dans un univers palpable, qui devient onirique avec l’arrivée d’un brouillard épais qui viendra éclaircir la situation.

La musique onirique de Nicolas Snyder, avec son utilisation de bruitages rythmés, aide à créer une ambiance douce et attendrissante autour du déchirement comique pour quelques cheveux. 

On sent que le réalisateur se moque avec tendresse des trois personnages et de leurs réactions infantiles. Il nous présente ces trois personnages dans leur intimité et les met face à ce qui les fragilise, ce qui les rend simples, accessibles et humains, en flirtant avec la limite du ridicule. Il met en avant la gentillesse du plus jeune qui cède sa place, à celui qui aurait à ses yeux le plus besoin de cette opération capillaire. On passe tout le film à espérer voir les trois hommes se retrouver, avec ou sans cheveux, et on n’est pas déçus du résultat de la greffe lorsque celle-ci est enfin révélée. Elle reflète avec humour les personnalités des hommes qu’on a appris à connaître pendant les 13 minutes.

J’ai découvert l’univers du réalisateur pendant ce film que j’ai trouvé touchant et drôle. L’attention aux détails de fabrication, des marionnettes vibrantes et du scénario ont contribué à rendre ce court métrage qui pourrait paraître doux et simple, mais qui propose en fait un questionnement intéressant autour de la fragilité de la masculinité perçue et des liens entre les hommes.

Diane Dedecker


LEs temps fort de Blandine Jet

Retour d’Annecy, des étoiles plein les yeux…

J’adresse un grand merci à Films en Bretagne pour l’invitation à vivre mon tout premier Festival d’Annecy.

Pour moi, le Festival commence à Rennes, à l’aube avec le p’tit café chez Manou et le chargement des minibus avec une joyeuse équipe. Le ton est donné !

Immense plaisir de faire la route avec de si belles personnes, délégation IN et OFF : un bel échantillon de celles et ceux qui mettent leurs talents à faire du rêve, dans les coulisses des plus beaux films d’animation fabriqués ou produits dans notre région. 

Sitôt arrivés à Annecy, tout ce petit monde s’active à aménager le stand du MIFA, avec l’aide de Franck et Lubna, précieux chefs d’orchestre de toute cette aventure. On le bichonne, ce stand, on y installe les stars de la semaine : les marionnettes de la pépite UNE GUITARE À LA MER, de Sophie Roze, et du très attendu SAUVAGES, de Claude Barras. Nos petits hôtes nous attirent de nombreux visiteurs aux yeux curieux et émerveillés. Fierté d’accueillir les très nombreux étudiants et professionnels internationaux, de les informer sur la richesse de la filière animation en Bretagne.  

Et puis la semaine file comme un éclair, entre les permanences au stand, les séances de pitchs et quelques projections picorées dans une programmation dingue, foisonnante, réjouissante et inventive… Un véritable tourbillon d’émotions, de surprises et d’inspirantes rencontres.

Mes temps forts : 

  • En fin de projection de SAUVAGES, partager l’explosion de joie des techniciens et techniciennes de chez nous, venus en équipe depuis la Bretagne pour célébrer le film auquel ils ont tant donné. Je suis éblouie de tant de savoir-faire et d’énergie collective.
  • Émotion d’écouter Jean-François Laguionie partager au public l’accomplissement de son nouveau film SLOCUM, avec l’humilité et la simplicité qu’on lui connaît. Quel privilège de rencontrer un si grand artiste, un tel poète.

Alors, de retour d’Annecy, des étoiles plein les yeux, oui, mais surtout, entre les doigts, plus que jamais la démangeaison d’écrire des histoires à animer.

Blandine Jet


La traversée du miroir de Cléo Truphème

Cette année aura été l’occasion de découvrir le Mifa sous un angle tout nouveau. Habituée du festival comme étudiante, je connaissais surtout le Mifa pour ses jolies cartes postales gratuites et sa chaleur souvent écrasante ! Blague à part, à l’époque nous n’y avions droit qu’une demie journée dans la semaine et la visite se faisait souvent en express. Je me retrouve donc de l’autre côté d’un stand pour la première fois et pas n’importe lequel, le plus beau du Mifa (oui oui c’est tout le monde qui le dit).

Les festivaliers s’attardent sur nos vitrines et marionnettes et je prends plaisir à discuter avec les étudiants et à répondre à leurs nombreuses questions concernant la fabrication de tel ou tel bout de décors, nos parcours d’études, et la transition en milieu pro. Je prends conscience que je suis moi même en train de vivre un genre de rite de passage et que mon entrée dans ce monde se fait plus concrète. Entre les moments plus calmes où je parcours les albums débordant de projets, certains vieux de 20 ans, et ceux où l’on nous raconte la fondation des studios rennais et leurs figures quasi mythologiques, je prends la mesure de l’attachement fort qui lie les techniciens rennais à ce monde qu’ils ont bâti, de toutes ces aventures vécues et des défis relevés.

Côté programmation, la chance ne m’ayant pas souri cette année à l’ouverture de la billetterie je ne participerai à aucune des conférences très attendues (Wes Anderson, Henry Selick), mais je profite quand même de mon accréditation Mifa au maximum en allant voir plusieurs séances de pitch. C’est un des exercices que j’aime le plus, découvrir autant d’univers si différents et en un laps de temps aussi courts. De nombreux projets présentés ont une volonté de transmissions, celle de ne pas perdre la mémoire, de rendre visible des histoires que l’on a tu pendant des générations parfois, et je m’en réjouis. 

Le mercredi, je retrouve toute l’équipe pour la projection d’un film sur lequel nous avons longtemps travaillé : Sauvages ! 

Pour plusieurs d’entre nous il s’agit du premier long métrage auquel nous avons participé. Entre juniors nous essayons de nous contenir et de ne pas jubiler trop fort à chaque fois qu’une feuille ou qu’une poignée de porte fabriquée de nos mains apparaît à l’écran. Est-ce qu’on finira par s’y habituer ? En apercevant les mines réjouies du reste de l’équipe à la sortie de la salle, je sais que j’ai ma réponse. Car là est toute la magie de notre métier et ce qui le rend si précieux : cet enthousiasme sans cesse renouvelé, le bonheur de redécouvrir un projet pour lequel on a beaucoup œuvré, tous ensemble.

Merci à tous pour ce beau voyage !

Cléo Truphème