Il y a 18 ans, Yann Paranthoën nous quittait. 16 ans plus tard, ses filles, Armelle et Gwenola, ont confié à Antoine Chao ses ultimes travaux jamais diffusés. Après un premier hommage sur France inter, Antoine Chao vous propose de partager une écoute sensible d’autres extraits d’œuvres inédites de Yann Paranthoën. Il a expérimenté une manière de communiquer, de raconter le monde par le son, d’inventer un langage. Ses nombreuses œuvres comme Questionnaire pour Lesco- nil, On Nagra, Lulu, Paris-Roubaix, ont marqué l’histoire de la radio et inspiré plusieurs générations de créateur·ices. Antoine Chao a rencontré Yann Paranthoën dans les couloirs de Radio France quand il a commencé à travailler pour l’émission «Là-bas si j’y suis» de Daniel Mermet.
Les Rencontres du film documentaire se déroulent chaque année, le dernier week-end de juin, à Mellionnec et sont devenues au fil des ans un lieu de rencontres pour professionnel·les et amateurs·trices de cinéma documentaire…
Du 27 au 30 juin, à Mellionnec, retrouver un cinéma qui engage, un cinéma inscrit dans le réel et les bruits du monde, un cinéma de la rencontre… venez à la rencontre de récits captivants, de cinéastes bouleversants, de films remuants.
A vous y voir !
Des films à voir… une sélection
Parce que c’est une joie renouvelée de découvrir chaque année les habitant·es de Mellionnec…
Portraits de Mellionnec
de Violette Bellet, Claire Glorieux, Samuel Poisson-Quinton et Thierry Salvert
programme de 52 minutes
Depuis 2013, l’équipe de Ty Films invite et accompagne quatre jeunes cinéastes à réaliser chacun·e le portrait d’un·e habitant·e de Mellionnec… Pour les quatre portraitistes, c’est un vrai défi : deux semaines pour faire la connaissance d’un·e habitant·e, se chercher, s’apprivoiser, trouver un langage commun, tourner, monter, et livrer un court documentaire. Au fil des ans, c’est à la fois le portrait de la commune qui se dessine et le portrait de la jeune création documentaire contemporaine.
Cette année encore, quatre habitant·es et quatre réalisateur·ices se sont prêté·es au jeu.
Jeudi 27 juin 18h30 | Grand Chap’ / Jeudi 27 juin 20h15 | Grand Chap’ | séances en présence des cinéastes et habitant·es
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Parce que certain·es cinéastes sont des phares dans la nuit…
Bonjour Monsieur Comolli
de Dominique Cabrera
France • 85 minutes • © 2023
En 2021 et 2022, le cinéaste et critique Jean-Louis Comolli et la réalisatrice Dominique Cabrera se retrouvent pour quelques libres conversations filmées en compagnie d’Isabelle Le Corff qui prépare un livre sur l’œuvre de Jean-Louis. Il est question du film à faire, de ceux qui sont faits, de ce que les films ont fait d’eux, de la vie, de la mort et des jardins. On rit. On sourit. On n’est pas sérieux quand on a quatre-vingts ans.
« C’est parce qu’il se sent approcher d’un terme qu’en 2021 le cinéaste Jean-Louis Comolli propose à Dominique Cabrera de faire ensemble ce qui sera son dernier opus. Le film qui en résulte, Bonjour Monsieur Comolli, est donc une façon pudique de dire adieu. S’ils ont en commun d’avoir vécu la fin de l’Algérie française en tant que pieds-noirs, c’est bien la passion du cinéma qui les tient proches. Le cinéma comme expérience du vrai, comme geste politique – la résistance aux destructions menées par le capital –, la projection en salle comme expérience du sacré. Rien de sombre dans cette succession d’échanges, bien au contraire, des rires et du champagne pour aborder avec légèreté la gravité des choses, savourer le temps qui reste, ce que chacun donne pour qu’existe cette ardente traversée des rebords de l’existence. Il y a là un concentré d’intelligence et de délicatesse qui mérite qu’on s’y arrête, même pour ceux qui ne connaîtraient pas encore les protagonistes. » — Serge Steyer, KUB
Vendredi 28 juin, 18h | Auberge | en présence de Dominique Cabrera et d’Isabelle Le Corff
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Parce que le monde est bruits, parce qu’il faut le voir et l’écouter…
De l’eau jaillit le feu de Fabien Mazzocco
France • 76 minutes • ©2023 Production Mauvaises Graines
Une barque sillonne les canaux du Marais poitevin. Malgré le cadre bucolique, le marais se meurt et les rivières se tarissent pendant que les méga-bassines se creusent. Dans ce lieu si paisible en apparence, la guerre de l’eau fait rage.
Vendredi 28 juin, 18h30 | Grand Chap’
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Un pasteur de Louis Hanquet
France • 70 minutes • ©2024 Production Little Big Story
Félix, jeune berger mélancolique et secret, mène une vie atemporelle, dans un monde minéral et inaccessible où rôde un être invisible : le loup. La solitude nimbe ses journées dans la montagne faites de soins aux agneaux, de clôtures à poser et de poésie.
Ce film a bénéficié d’une résidence d’écriture à Ty Films en 2021 accompagnée par Anne Paschetta et Agathe Hervieu
Grand Prix documentaire national au Fipadoc 2024
21h | Auberge | en présence du réalisateur
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Parce que le monde est plein de suprises…
Smoke Sauna Sisterhood
d’Anna Hints
Estonie, France, Islande • 89 minutes • ©2023 Alexandra Film
Dans l’intimité du rituel d’un sauna estonien, les volutes de fumée révèlent un espace où la parole des femmes se libère. Les récits se font écho entre violence, douleur, amour et espoir.
« Les premiers plans de Smoke sauna sisterhood nous montrent successivement une femme qui allaite son enfant dans un sauna tandis que résonne l’incantation chuchotée «Deviens forte, deviens puissante», une autre femme qui casse la glace d’un petit lac en hiver pour y puiser de l’eau, puis un sauna à fumée au milieu d’une forêt enneigée. Dès ces premières minutes, les thèmes et motifs essentiels du film sont posés: l’intimité que permet l’expérience du sauna, la force des femmes, et l’atmosphère de paix et d’harmonie qu’inspirent le sauna et le paysage dans lequel il s’inscrit.
Le film se déroule entièrement dans un sauna à fumée d’Estonie du Sud, ou à proximité immédiate pour quelques scènes d’extérieur. Dans ce sauna, des femmes livrent les unes aux autres leurs souvenirs, leurs traumatismes, leurs expériences de la douleur, de la maladie, de la sexualité et de la féminité: expériences souvent difficiles voire tragiques (mères violentes, regard critique de la société sur le corps des femmes, hommes lâches ou irresponsables, agresseurs sexuels…), parfois plus cocasses (quand les protagonistes s’interrogent sur la propension de certains hommes à envoyer des dick pics…), toujours émouvantes pour le spectateur, immergé dans cet espace étroit où se révèlent avec pudeur maintes souffrances intimes.
La réalisatrice Anna Hints construit ainsi un espace filmique original et attachant, qu’elle travaille notamment en se servant de la lumière très particulière qui baigne le sauna et de la fumée, omniprésente mais avec des textures très variées (plus ou moins opaque, plus ou moins mobile, plus ou moins dense…), composant un leitmotiv esthétique tout au long du film. Cet espace unique constitue en quelque sorte une hétérotopie, pour reprendre le concept de Michel Foucault: un lieu hors des normes sociales ordinaires, un lieu avec ses propres règles — nudité, bienveillance, écoute attentive d’autrui… Ici l’hétérotopie repose en particulier sur le concept d’une intimité différente, privilégiée, intimité entre femmes mais aussi avec la mort et les défunts; le film associe cette intimité à l’idée de soigner les traumatismes, de réparer spirituellement les femmes du sauna, par la parole, par les gestes des femmes entre elles, et par une forme de «magie» intrinsèquement liée au sauna à fumée. […] » — Martin Carayol sur france-estonie.org
Vendredi 21h | Grand Chap’
(Des scènes ou des propos peuvent heurter la sensibilité des spectateur·ices)
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Les Premiers Jours
de Stéphane Breton
France • 74 minutes •© 2023 Les Films d’ici
Entre l’avant et l’après. Une sorte de commencement. Sur un bout de côte désertique, des hommes s’affairent. Ils collectent, déposent, ce que la mer apporte et recrache. Comme des prospecteurs cherchant l’or du temps.
« Sur un bout de côte désertique du nord du Chili où il ne pleut jamais, des ramasseurs d’algues vivent de peu et vivent pleinement, dans des cabanes provisoires et au volant d’épaves rouillées, comme des prospecteurs cherchant l’or du temps. Ce film sans dialogues, où la musique et le bruit jouent le rôle de la parole, donne une vision heureuse de la simplicité du monde et de l’énergie des premiers jours. Si le monde devait recommencer, à quoi ressemblerait-il ? Peut-être à ça. Dans ce petit coin du monde à mi-chemin de Mad Max et de La Planète des singes, où vivent des gens dont les gestes font parfois penser aux personnages de Jacques Tati, le cosmos se bat avec lui-même. Parfois c’est la caillasse qui l’emporte, parfois les vagues, parfois la rouille. Voilà de quoi parle ce film muet et sonore à la fois. » — Stéphane Breton
Vendredi 21h | Ty salle | en présence du réalisateur
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Parce que le cinéma peut révéler l’impensable et l’impensé…
Les oubliés de la belle étoile
de Clémence Davigo
France • 106 minutes • ©2023 Alter Ego Production
Michel, Daniel et André se retrouvent un été. En Savoie, à proximité du centre de redressement religieux où ils ont passé leur enfance. Les souvenirs reviennent. La douleur refait surface, intacte. Ils veulent comprendre.
« La réalisatrice française Clémence Davigo est fascinée par l’enfermement. Son premier film intitulé « Enfermés mais vivants » (2018) et son dernier, « Les oubliés de la Belle Étoile », sont deux documentaires qui traitent de manière très différente cette problématique. « J’ai toujours été sensible à ces questions d’enfermement, de justice. Je crois que c’est plus une histoire de rencontres. Des gens qui m’ont touché, qui se sont battus pour rester vivants », dévoile Clémence Davigo à la RTS. Originaire de Faux-la-Montagne, dans la Creuse, c’est à Lyon que la jeune femme a suivi une formation de plasticienne aux beaux-arts pendant cinq ans. Elle y expérimente le dessin la sculpture, la gravure, la photo, la vidéo, et de fil en aiguille, son goût pour l’image se développe. Après les beaux-arts, Clémence Davigo s’inscrit à l’école de cinéma documentaire de Lussas, travaille dans une télévision locale, et réalise un court métrage avant de s’atteler à son premier documentaire intitulé « Enfermés mais vivants ». Un film qui raconte comment, dans une ancienne prison de Lyon, Annette et Louis se sont aimés durant 18 ans. Lui dedans, elle dehors.
La fin d’un silence de soixante ans : A travers ce premier documentaire et cet homme, Louis, la réalisatrice entend parler de l’ancien centre de redressement catholique La Belle Étoile en Savoie. Un établissement où étaient recueillis dans les années 1950 à 1970, des enfants de 5 à 16 ans, pupilles de la nation, orphelins ou enfants de la DDASS. Michel, Daniel et André en font partie. Soixante ans plus tard, les trois hommes se retrouvent grâce aux réseaux sociaux et, avec la complicité de la réalisatrice Clémence Davigo, se réunissent, le temps d’un été, dans une maison située à quelques kilomètres du centre de redressement. Les ex-pensionnaires racontent en creux les maltraitances terribles qu’ils y ont subies: coups, attouchements, punaises sous les ongles, humiliations, viol. Grâce à leur amitié et leur soutien mutuel, ils décident de briser l’omerta en s’adressant à la Cellule d’écoute catholique des diocèses de Savoie. L’Eglise catholique a vu le documentaire peu de temps avant la projection au festival Visions du Réel qui se tient actuellement à Nyon. « Je tenais à leur présenter le film, ça me semblait normal. Notamment aux personnes de la Cellule d’écoute. Ils ont beaucoup aimé le film, ils ont été très touchés, car il est représentatif de leur travail d’écoute. Evidemment, ils ont été un peu gênés. Ils ont pris conscience que ces choses allaient devenir publiques », explique la réalisatrice. Après la projection, le numéro de téléphone et l’adresse mail de Clémence Davigo ont circulé et elle a reçu des pressions de la part des personnes mises en cause dans son documentaire. Preuve de la nécessité de ce film qui libère la parole, sans avoir peur des silences… « Les oubliés de la Belle Étoile », une épopée bouleversante sur le chemin de la mémoire et de la justice. Magistral. » – Julie Evard pour rts.ch
Samedi 10h | Grand Chap’ | en présence de la réalisatrice
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Pierre Feuille Pistolet
de Maciek Hamela
France, Pologne, Ukraine • 84 minutes • ©2023 Affinity Cine, Impakt Film, SaNoSi Productions, 435 Films
À l’arrière d’une voiture filant dans un paysage de décombres, les familles ukrainiennes se racontent. L’exode, l’invasion militaire russe. Le temps d’un voyage, surgit la réalité d’une guerre percutant le quotidien.
« Se frayant un chemin entre les champs minés, Maciek Hamela nous embarque comme passager de sa voiture fuyant l’Ukraine au milieu de l’avancée russe. La guerre demeure hors champ. Et pourtant nous la voyons se refléter sur le visage des enfants, des femmes et des personnes âgées qu’il aide à rejoindre la Pologne. Ce n’est qu’en quittant la guerre, en lui tournant le dos, que ces personnes commencent à réaliser l’ampleur de ce qui s’est passé. Derrière – le monde détruit, dont les réfugiés ont tenté de sauver les débris : des chats, quelques vêtements, un fer à repasser… Devant – la séparation des maris, des fils, des pères qui sont restés pour défendre leur pays. La voiture du réalisateur est à la fois la scène et le bateau, un espace intime pour partager en toute sincérité les inquiétudes, les rêves et l’espoir. En pointant sa caméra vers le siège arrière, le cinéaste pose sur eux un regard plein de respect et de tendresse, toujours dans la bonne distance, et parvient ainsi à mêler son geste humanitaire d’un geste cinématographique fort. Le film donne à voir une communauté de destin dans laquelle on reconnaît et retrouve notre humanité. » – Lucas Delangle, Reza Serkanian et Lina Tsrimova, cinéastes de l’ACID
Samedi 14h | Ty salle
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Or de vie
de Boubacar Sangaré
Burkina Faso, Bénin, France • 84 minutes • ©2023 Imedia, Les Films de la caravane, Merveilles Production
Au Burkina Faso, Rasmané, 16 ans, rêve de s’offrir une nouvelle vie. Comme ses amis, dans des mines artisanales, il tente d’atteindre l’or. Mais à quel prix?
« Premier documentaire de Boubacar Sangaré, Or de vie est une plongée dans un site d’orpaillage de la ville de Bantara au Burkina Faso. Le cinéaste ayant lui-même été un adolescent chercheur d’or, il revient, vingt ans plus tard, pour filmer ceux qui y travaillent nuit et jour, dans un pays où plus de 300 000 enfants seraient aujourd’hui en train de s’esquinter à la récolte de l’or.
Si le film est une plongée, c’est parce qu’il s’agit bel et bien de descendre dans des tunnels et des galeries avec une caméra embarquée, au cours de séquences suffocantes où l’angoisse règne. Le doute permanent des accidents plane, des effondrements ou des asphyxies.
Rêver dans les abysses terrestres… À la surface, un bruit ne s’interrompt jamais, celui des machines qui frappent la cadence, comme un battement de cœur terrifiant. Le film est fait de la matière même des répétitions : les gestes automatiques, les saccades des engins, les allers-retours des pioches dans les parois rocheuses. Au soleil ou au clair de lune, Or de vie est aussi un film de sable, qui s’écoule partout et recouvre les peaux. Un grand voile de poussière blanche se pose sur les enfants dont les corps se transforment déjà sous la pénibilité des journées de labeur. Toujours à la surface, de plans larges saisissent des dizaines de tentes organisées autour des points d’extraction comme de denses fourmilières. C’est tout un monde, qui s’est bâti au-dessus des entrailles de la Terre à dompter. Et là où le documentaire touche en plein cœur, c’est qu’il ne s’apitoie jamais, ne s’écrase jamais sous le poids de son sujet, mais s’attache, vissé à trois adolescents dont il tire le portrait sensible. Autour d’un baby-foot, avant de replonger dans les gouffres, le cinéaste joue une partie avec eux. Trois jeunes rêveurs dont on a fait l’inestimable rencontre : Ismane, Missa et Dramane. » — Arnaud Hallet pour Les Inrocks.com
Samedi 17h30 | Ty salle
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L’Effet Bahamas
de Hélène Crouzillat
France • 95 minutes • ©2024 Les Alchimistes Films
Enquête sur 50 ans de détricotage, où l’on découvre les surprenants mécanismes de destruction de l’assurance chômage. Une plongée au cœur d’une disparition inquiétante.
« J’ai commencé à filmer en 2016 à une époque où l’on occupait la rue contre la loi Travail, pendant que d’autres, Medef en tête, détricotait discrètement les droits au chômage des salariés les plus précaires, ceux qui travaillent en CDD, ou qui ne trouvent que quelques heures par mois à se faire embaucher. Il faut bien comprendre que chômage et travail sont les deux facettes d’un même système ; en grignotant les droits au chômage, on attaque directement les droits des salariés. Or, la bataille pour les droits au chômage ne lève pas les foules, loin s’en faut.
Dans l’imaginaire collectif, le chômage fait peur, il y a une forte culpabilité dans le fait d’en être victime, cette culpabilité nous impose une forme de paralysie et contribue sans doute à la difficulté de défendre nos droits, de surcroît, d’en gagner de nouveaux.
La première chose qui frappe quand on met le nez dans l’Assurance chômage, c’est l’incroyable technicité qui régit ces droits, et nous écarte des enjeux qui pourtant nous concernent directement. Le fonctionnement de la caisse relève de mécanismes macro-économiques, ses acteurs sont méconnus, son langage est compliqué et les informations essentielles sont difficiles à transmettre ; au point que même les connaisseurs, en dehors du cercle direct, se font rares. Je voyais bien que la technicité réglementaire et la complexité financière participaient à leur juste place, d’un processus de dépossession.
Je me suis donc emparée du sujet Assurance chômage pour donner accès à d’autres, en partant de questions simples : pourquoi la caisse est-elle endettée ? Pourquoi fait-elle l’objet d’une réforme structurelle ? À quoi sert cette caisse si elle indemnise si peu et si mal les chômeurs ? Pourquoi sa gestion n’est-elle pas démocratique, alors qu’elle concerne des millions de gens ? En fait, c’est devenu crucial pour moi, de faire entendre au monde du travail, que le droit au chômage et la caisse d’Assurance chômage sont non seulement une arme qui nous protège des vicissitudes du marché du travail, mais qu’ils ouvrent la liberté incroyable de choisir ce que l’on veut produire, comment on doit le produire et avec qui ; et puis, pourquoi pas… de décider du montant de notre salaire, de nos conditions et de notre temps de travail. » — Hélène Crouzillat
Samedi 20h30 | Ty salle | en présence de la réalisatrice et du producteur Loïs Rocque
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La Mère de tous les mensonges
d’Asmae El Moudir
Maroc, Egypte • 96 minutes • ©2023 Insight Films, Fig Leaf Studios
Asmae brisera-t-elle l’omerta imposée par sa grand-mère ? Avec des bouts de carton et des figurines, la réalisatrice rejoue son histoire familiale, celle de son quartier et au-delà, celle du Maroc.
« Une version miniature de son quartier de Casablanca pour raconter une histoire à la fois personnelle et collective. « La Mère de tous les mensonges », le film d’Asmae El Moudir, trouve sa force dans l’originalité de la reconstitution d’un récit douloureux. […] C’est d’abord l’histoire d’une petite Casablancaise qui se fait un point d’honneur à se faire photographier à l’âge de 12 ans. Jusque-là, elle n’avait en effet aucune photo d’elle. Pour comprendre, elle interroge sa mère et sa grand-mère pour qui seule la photo de Hassan II, l’ancien roi du Maroc, a le droit de cité dans leur maison. Le questionnement qu’elle impose à sa mamie, un brin acariâtre, s’étend à ses parents et à ses voisins dans un lieu pour le moins insolite. Avec l’aide de son père Mohammed (« maçon-carreleur le plus populaire de la médina de Casablanca dans les années 1960 »), Asmae El Moudir a reconstitué une version miniature de son quartier et des personnages qu’elle a convoqués dans un récit dont la cinéaste est la narratrice. Dans son double décor où l’on navigue entre la réalité et la maquette de la maison de son enfance, vont se déverser de dramatiques souvenirs en lien avec « Les émeutes du pain » du 20 juin 1981 à Casablanca. La répression aurait fait au moins 600 morts, notamment dans l’entourage immédiat de la famille El Mounir. Comment raconter une histoire dont les traces sont enfouies dans la mémoire des individus qui l’ont vécue ? Asmae El Moudir a trouvé une réponse d’une grande originalité. En leur proposant des alter ego miniaturisés (habillés par sa mère Ouarda) et une maquette, elle semble leur offrir la distanciation nécessaire pour entreprendre une démarche douloureuse. Pour se protéger de ces souvenirs, sa grand-mère surnommée par son entourage « la dictatrice » et scrutée par les gros plans de sa petite-fille, a érigé des murs que le dispositif narratif fissure peu à peu. La caméra de la cinéaste révèle justement, avec des angles inattendus comme les prises de vues par en dessous, l’envers du décor. La vérité surgit ainsi, comme Asmae El Moudir, elle-même, quand elle passe une tête dans son décor miniature. La manière dont la réalisatrice procède rappelle les commissions, souvent baptisées « vérité et réconciliation », mises en place dans certains pays pour permettre à la communauté nationale, mais surtout aux victimes, de raconter et d’essayer de surmonter, du moins par la parole, une tragédie collective.
L’abstraction, l’option à laquelle Asmae El Moudir a dû recourir, offre à sa quête de vérité une incroyable puissance. Dans La Mère de tous les mensonges, la simplicité n’enlève rien à la complexité. Bien au contraire. Comme de nombreux cinéastes avant elle, à l’instar de Rithy Panh avec L’Image manquante qui revient sur les atrocités perpétrées par les Khmers rouges au Cambodge, la réalisatrice marocaine rappelle encore qu’il faut toujours se méfier quand les photos manquent à l’appel. » — Falila Gbadamassi pour France Télévisions – Rédaction Culture sur France Info.fr
Samedi 21h | Grand Chap’
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La maison d’en face
d’Adrien Charmot
France • 42 minutes • ©2024 A Perte de Vue
La maison d’en face est un refuge, un havre familial. On y prend du temps pour la consolation. Ici, le réalisateur est reçu lui aussi comme un fils. Dans l’ordinaire des jours, le travail de la terre, les grandes tablées, les corps à soigner, il raconte le dévouement à l’autre, et la douceur d’être ensemble.
Ce film a bénéficié d’une résidence d’écriture à Ty Films en 2019
Dimanche 11h | Auberge | en présence du réalisateur
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Parce que le cinéma est un risque, un engagement, un chemin…
Ours de Morgane Frund
Suisse • 19 minutes • ©2022 Bachelor Video, Lucerne School of Art and Design, Volko Kamensky
suivi de Qu’est-ce qu’on va penser de nous ?
de Lucile Coda
France • 68 minutes • ©2023 Mille et Une Films
Deux premiers films. Deux réalisatrices se confrontent à leurs personnages. Pour Morgane, un amoureux des ours·es. Pour Lucile, ses parents retraités du monde ouvrier. Deux prises de risques.
« Quiconque aura lu La Place d’Annie Ernaux reconnaîtra très vite la filiation, ou le cheminement, tantôt choisi, tantôt subi, d’une femme qui avance.
D’une libre adaptation de ce livre, retranscrite dans sa propre sphère autobiographique, Lucile Coda tire son premier film documentaire Qu’est-ce qu’on va penser de nous ? Élever, s’élever… entre ces deux mots bien différents se joue une multitude de trajectoires vers lesquelles Lucile Coda chemine : grandir, s’émanciper, comparer, se comparer, faire le point régulièrement, se rappeler où on est, se souvenir d’où on vient… Cheminement cérébral pour commencer, qui devient très vite une expérience sensible en forme de portraits et d’autoportrait, sans reproche, sans regrets, sans amertume, mais avec une distance qui se plaît à se perdre pour garder son innocence et son port altier. Au fond, elle s’inclut dans ce « nous »… chacun des portraits prend sa juste place, la place, le film est un chemin. » — Franck Vialle pour Films en Bretagne
Dimanche 11h | Ty salle | en présence de la réalisatrice Lucile Coda et de la productrice Emmanuelle Jacq (Mille et Une Films)
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L’Affaire collective
d’Alexander Nanau
Roumanie, Luxembourg • 109 minutes • ©2019 Alexander Nanau Production, Samsa films
2015, Bucarest, une boite de nuit prend feu. À l’hôpital, des dizaines de jeunes succombent à leurs blessures. Que s’est-il vraiment passé ? Des journalistes se passionnent pour l’affaire et mènent l’enquête.
« L’incendie de la boîte de nuit « Colectiv » à Bucarest laisse 64 morts et 154 blessés, dont trop qui auraient pu être soignés mais ne l’ont pas été. C’est dans l’enquête vertigineuse qui a suivi cet évènement que nous emmène ce film, jusqu’à la découverte d’une corruption au niveau gouvernemental. Alternant enquête et images d’archives, on est tout de suite investi. Tout naturellement, comment ne pas se sentir investi quand on voit se dérouler un scandale national sous nos yeux ? Tout cela en nous rappelant que notre situation n’est pas si différente… Là est la vraie importance de ce film : il ouvre les yeux sur une problématique universelle, celui de la corruption et de l’inaction du gouvernement qui met des vies en danger. En bref, L’Affaire collective choque et indigne, mais aussi fait sourire et pleurer, tout en nous faisant nous questionner sur la politique actuelle. » – Lyam Agelan, Laura Annonay, Oscar Devermelle, Alexandre Hountomey, Oscar Portois, Maïthili Rivoallanou-Drevet, Romane Sardaby, Chloé Sivan, Mélanie Tatlot, jury jeune du festival Best of Doc, en partenariat avec Tënk et le programme d’éducation artistique Cinéma, cent dans de jeunesse (CCAF), pour Tënk
Dimanche 13h30 | Grand Chap’ (Des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateur·ices)
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Casablanca d’Adriano Valerio
France, Italie • 63 minutes • ©2023 Films Grand Huit ·/ Dugong Films / Sayonara Film / Salt for Sugar Films / F comme Films
Sans papier, Fouad vit en Italie où il rencontre Daniela, ancienne toxicomane. Leur relation devenue un refuge saura-t-elle résister à l’hostilité qui les entoure ?
« Casablanca est la suite du court métrage documentaire Mon amour, mon ami (2017) du même réalisateur Adriano Valerio qui racontait en Italie la relation entre Daniela qui hébergeait Fouad, Marocain depuis 2 ans en Italie. Ensemble, Fouad et Daniela avaient envisager un mariage blanc afin de sortir de la clandestinité. Sauf que Fouad se révélait amoureux de Daniela et que celle-ci ne ressentait pas la réciprocité de ses sentiments. Huit ans plus tard, le réalisateur retrouve Fouad et Daniela toujours dans une relation amoureuse malmenée, chacun devant faire face à ses propres fragilités et à ses démons. Quelque peu perdu, ne voyant pas plus d’horizon avec Daniela en Italie et en l’absence de messages positifs de l’administration italienne, Fouad s’est repris à fantasmer Casablanca comme un lieu nostalgique d’accueil et de retour possible.
La caméra d’Adriano Valerio se met à la hauteur de ses protagonistes pour saisir une intimité partagée dans un pacte consenti avec la caméra et pose la question de la fragilité du sentiment amoureux dans une vie clandestine fragile. La caméra épouse avant tout le point de vue de Fouad déchiré entre deux mondes qui rêve d’un foyer accueillant sa vulnérabilité. Un portrait documentaire d’une intelligente subtilité au service des personnages au fil de leurs émotions. » – Cédric Lépine • Le blog de Mediapart, retour de Cinémed 2023
Dimanche 14h | Ty salle
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Mascarades de Claire Second
France • 59 minutes • ©2023 Les films du temps scellé
Les paysans et paysannes boliviennes écoutent, observent, s’essayent aux nouvelles techniques de l’agro-industrie, sans jamais en être dupes. Avec malice, une autre lutte est possible.
Dimanche 16h | Grand Chap’ | en présence de la réalisatrice et de la productrice Thaïs Pizzuti
Des rencontres à faire
vendredi 28 juin
Une journée avec Stéphane Breton
Atelier en présence du cinéaste, animé par Manuela Frésil, scénariste et réalisatrice
« Un film documentaire ? Pourquoi pas une petite musique qui se moque de la distinction habituelle des images sonores et des images visuelles et qui raconte les choses comme dans un rêve, sans savoir d’où l’on vient et où l’on va ? … si on ne nous dit rien, on sera bien obligé d’imaginer ».
Stéphane Breton est cinéaste et ethnologue. Depuis 1994, il tourne seul des essais documentaires qui se passent dans les plis et les ourlets du monde moderne, là où on n’aurait pas envie d’aller passer ses vacances, s’occupant de l’image, du son et de «tout le tremblement». Il nous est proposé de découvrir le parcours de ce réalisateur atypique. Son dernier film Les Premiers jours est sans aucun doute en rupture avec le reste de sa filmographie, donnant plus à imaginer qu’à voir. Vous pourrez le découvrir ce vendredi à 21h.
Manuela Frésil a commencé sa carrière cinématographique en tant que scénariste de fictions et de documentaires dans les années 1990. Elle réalise ensuite de nombreux documentaires et notamment Notre campagne filmé à Mellionnec ou Entrée du personnel, qui a reçu le Grand Prix de la compétition française du FID Marseille. Parallèlement, elle enseigne le cinéma dans plusieurs écoles et anime, dans les années 2000, des ateliers vidéo avec notamment le Groupe de recherches et d’essais cinématographiques (Grec).
vendredi 28 juin 10h-12h30 & 14h-17h | Auberge
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Réunion du Collège des Acteurs Culturels de Films en Bretagne (CAC)
vendredi 28 juin, 16h — chapiteaux
L’apéro de l’ARBRE (Auteur·ices et Réalisateur·ices de Bretagne)
vendredi 28 juin, 18h — chapiteaux
samedi 29 juin
atelier « film en cours »
autour du film Des jours meilleurs de Sonia Larue
animé par Valentine Roulet (Tënk)
« DES JOURS MEILLEURS » a bénéficié d’une résidence d’écriture à Ty Films en 2023. Sonia était accompagnée par Nicolás Buenaventura et Marie-Pomme Carteret. « Au printemps 2016, ma mère reçoit de l’association des fusillés du Mont Valérien deux photos retrouvées dans une malle oubliée depuis des décennies. A l’arrière de ces photos figurent les derniers mots que son père a écrits pour elle et sa femme Renée juste avant son exécution un matin de mars 1944 ». Avec Nicolás Buenaventura, qui a accompagné ce projet pour Ty Films, la réalisatrice élabore une carte visuelle du projet nommée «la grotte des auteur·ices». C’est l’intime du projet où le film se dessine, à partir de textes, photos, collages ou autres dessins.
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projection de Klema de Boubacar Gakou
Mali, Burkina Faso • 90 minutes • ©2024 Les Films du 7
Ce film a bénéficié d’une résidence d’écriture à Ty Films en 2019, en partenariat avec l’Institut Français
À l’office du Niger, le système d’exploitation agricole laisse peu de place à l’élevage. La priorité donnée à la culture des sols est à l’origine d’affrontements violents entre deux communautés. Chaque clan se bat pour sa survie. Gakou Toure, un cinéaste agriculteur et natif de la région, revient chez lui avec sa caméra pour tenter de résoudre cette situation conflictuelle au niveau de sa commune.
Projection suivie d’une discussion : Le documentaire peut-il changer le monde ?
Le cinéma documentaire n’est pas un outil de captation du réel. En filmant, le·la cinéaste influence le réel et le modifie. L’exemple de Klema nous montre comment le réalisateur, ici également acteur du réel, le fait évoluer. Aujourd’hui terminé et diffusé, Klema est plus qu’un film. Il est à la fois un outil et un exemple concret de résolution de conflit entre les communautés.
samedi 29 juin, 15h | Auberge | en présence du réalisateur
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Il y a 18 ans, Yann Paranthoën nous quittait. 16 ans plus tard, ses filles, Armelle et Gwenola, ont confié à Antoine Chao ses ultimes travaux jamais diffusés. Après un premier hommage sur France inter, Antoine Chao vous propose de partager une écoute sensible d’autres extraits d’œuvres inédites de Yann Paranthoën. Il a expérimenté une manière de communiquer, de raconter le monde par le son, d’inventer un langage. Ses nombreuses œuvres comme Questionnaire pour Lesco- nil, On Nagra, Lulu, Paris-Roubaix, ont marqué l’histoire de la radio et inspiré plusieurs générations de créateur·ices. Antoine Chao a rencontré Yann Paranthoën dans les couloirs de Radio France quand il a commencé à travailler pour l’émission «Là-bas si j’y suis» de Daniel Mermet.
En septembre 2025 s’ouvrira Skol Doc, l’école du cinéma documentaire. Skol Doc sera un lieu de travail animé de croisements culturels, d’échanges entre les professionnel·les et amateur·ices, un endroit où l’on vient pour apprendre, chercher, discuter de cinéma et du monde, confron- ter son regard avec celui des autres et bien sûr, faire et partager des films.
Ty Films a fait le choix d’inscrire Skol Doc au sein de l’Archipel des Récits, Pôle Image et Son de l’ouest breton. Nous portons ce projet avec Le Groupe Ouest (Brignogan), La Cinémathèque de Bretagne (Brest), Longueur d’Ondes (Brest) et le Pôle Audiovisuel de Douarnenez Cornouaille (Douarnenez).
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Pour connaitre le lieu et les horaires de cette rencontre, rendez-vous à l’accueil du festival. Une offre spéciale d’abonnement à la plateforme vous y attendra !