Pearl Hort appartient à la nouvelle génération d’artisan·es qui donnent aux films leurs couleurs et leurs ambiances.
Bien que son parcours soit riche de prestigieuses collaborations, c’est avec beaucoup d’enthousiasme et de simplicité qu’elle nous éclaire sur le métier de cheffe opératrice. C’est l’occasion de nous parler de son engagement pour améliorer les conditions de travail des techniciennes de plateau.
Films en Bretagne : Tu as rejoint notre collectif en t’installant en Bretagne et nous sommes ravi·e·s de t’accueillir. Pour faire plus ample connaissance, peux-tu nous présenter ton parcours professionnel ? Qu’est-ce qui t’a donné envie de devenir électricienne de cinéma puis cheffe opératrice ?
Pearl Hort : J’étais encore au collège quand j’ai eu envie de faire du cinéma. Une de mes profs m’a parlé d’une option cinéma au lycée pour laquelle elle allait donner des cours. Je m’y suis intéressée et ça m’a donné envie. C’était dans un lycée proche de chez moi, Je me suis inscrite sans savoir si je travaillerai dans la technique ou devant la caméra. Après le bac, j’ai continué dans cette voie avec un BTS audiovisuel option image. Mes premières expériences sur des court-métrages ainsi que les enseignements de BTS m’ont donné envie de travailler dans la lumière. Un an après le BTS, je suis devenue électricienne dans le but de devenir ensuite cheffe opératrice. Je n’ai pas suivi le parcours classique qui consiste à passer de l’assistanat caméra à cheffe opératrice. J’ai préféré aborder ce métier par l’électricité car c’est un travail qui me permet d’être polyvalente, de faire des choses différentes chaque jour de tournage. Et j’aime en particulier le travail de la lumière. C’est passionnant car les technologies évoluent de jour en jour.
A la fin de mes études, j’ai eu la chance de rencontrer un producteur sur un tournage qui avait lieu en bas de chez moi à Paris. Je lui ai demandé s’il avait besoin d’une stagiaire. Il m’a rappelé 3 semaines plus tard pour le tournage d’une publicité. J’ai aussi fait beaucoup de court-métrages en tant que bénévole. De fil en aiguille, j’ai fait des rencontres qui m’ont permis de travailler régulièrement. J’ai eu la chance de rencontrer un chef électricien de renom, Julien Gallois, avec qui j’ai travaillé non-stop pendant plus de 3 ans. Il connaissait mon ambition de devenir cheffe opératrice et il m’a boostée pour que j’y parvienne. J’ai fait de long-métrages et des séries en tant qu’électricienne (L’innocent de Louis Garrel, Louloute de Hubert Viel, la série Validé de Franck Gastambide …). En parallèle, j’ai fait des court-métrages en tant que cheffe opératrice. Après 10 ans d’expériences, je deviens petit à petit cheffe opératrice à part entière. Parfois, il m’arrive encore d’accepter certains projets en tant qu’électricienne car j’ai toujours besoin d’apprendre de mes pairs.
Films en Bretagne : Tu es passionnée de photos* depuis l’adolescence, comment se joue l’équilibre entre ton métier très technique et ta sensibilité artistique ? Raconte-nous ce qui t’anime dans le métier de cheffe op.
Pearl Hort : Depuis toute petite, je recherche cette relation particulière avec l’artistique, à laquelle il est parfois plus difficile d’accéder en tant qu’électricienne. C’est ce qui m’attire dans le métier de cheffe op car il me permet d’être le bras-droit du·de la réalisateur·rice et de signer l’image d’un film entièrement. Et puis j’aime le travail d’équipe, la confiance nécessaire entre nous pour qu’on arrive à parler le même langage, et que je puisse traduire le scénario via l’image. Le travail de préparation m’anime particulièrement, car c’est le temps des débats d’idées entre le·la réal et les chef·fe·s de poste (déco, maquillage, costume) qui font partie intégrante de la création artistique de l’image. On parle de références, de choix de décors, des matières, des textures, des couleurs et de la lumière. Cette communication est pour moi la part la plus importante du métier pour que « le bébé naisse entre plusieurs mains ». Et il y a bien évidemment le travail de la lumière en soi. Ce que peut me provoquer un rayon de soleil ou alors l’obscurité totale a une influence sur tout mon travail. Je réalise la chance que j’ai de faire ce métier car il me permettra toujours d’apprendre de nouvelles choses. La lumière n’est jamais acquise et il y aura toujours des questions auxquelles je ne pourrai pas répondre. C’est tout cela qui m’anime dans le métier de cheffe opératrice.
Films en Bretagne : Tu es une femme technicienne qui évolue à des postes encore majoritairement masculins (même si cela tend à évoluer), et tu es aussi membre du collectif Femmes à la caméra. Quelle est ta vision par rapport à l’égalité des genres dans le cinéma en général et sur un plateau de tournages en particulier ? As-tu des conseils à donner à des futur·es professionnel·les ?
Pearl Hort : A l’heure actuelle, l’égalité des genres sur les plateaux de tournages occupe une place importante et c’est tant mieux. Le mouvement #MeToo a amorcé un tournant, mais on est encore loin d’avoir fait le tour du sujet. Ce n’est pas nouveau qu’il y ait des techniciennes dans le monde du cinéma mais aujourd’hui on se pose des questions quant à leur place dans le milieu, leur intégration, est-ce qu’on leur demande le même travail, de la même manière ? Il était temps de se poser toutes ces questions. Le collectif Femmes à la caméra dont je fais partie regroupe toutes les techniciennes qui créent l’image. Il a pour objectif de nous rassembler autour des questions qui nous animent et d’y répondre sous forme de partages d’expérience, d’ateliers, de conférences. On a mis en ligne récemment une table ronde sur le thème de la maternité. C’est un sujet qui n’a jamais été développé et qui mérite vraiment qu’on s’en empare. Le collectif lutte aussi contre le harcèlement moral et sexuel via une campagne d’affiches intitulée « Clap de fin ». On retrouve ces affiches chez les loueurs et les partenaires. Femmes à la caméra mène aussi un travail technique auprès des fournisseurs et des loueurs, afin d’adapter le matériel aux morphologies féminines. C’est par exemple le cas des harnais pour porter les caméras.
Le conseil que je tiens à donner à de jeunes professionnel·les, c’est d’oser parler, oser dire stop dès qu’on se sent jugé·e ou pas pris·e au sérieux du fait qu’on est une femme et même au-delà, dès qu’un jugement dépasse les contours du travail. Aujourd’hui, beaucoup de choses sont mis en œuvre pour que ça n’arrive plus, le blacklistage ne doit plus être une menace. Il faut s’appuyer sur des collectifs pour faire cesser les comportements inacceptables.
Propos recueillis par Caroline Le Maux, avril 2023
POUR ALLER PLUS LOIN…
Exposition de photos Hic Sunt Dracones du 8-14 mai 2023 Orangerie Thabor Galerie Est — Rennes |
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Association Femmes à la Caméra
« Au printemps 2018, nous avons initié des rencontres entre directrices de la photographie parce que nous pensons avoir notre mot à dire sur la réalité du travail des femmes à la caméra. Depuis nous ont rejointes des cadreuses, assistantes, électriciennes, machinistes et D.I.T.
Face au constat objectif que notre métier de femmes d’image s’exerce au sein d’une industrie encore très genrée : nous ne sommes que 24% de femmes à ces postes, nous nous interrogeons.
Comment exerçons-nous notre métier ? Quelle sorte de cheffe sommes-nous ? Y a-t-il une spécificité du regard féminin derrière une caméra ? Quelles sont les phrases que nous avons toutes ou presque entendues ? Comment pouvons-nous lever les freins à la progression de nos carrières ? Comment faisons-nous valoir notre point de vue ?
Nous nous efforcerons toujours de considérer la diversité que nous apportons parmi toutes les diversités nécessaires.
Unir nos forces en conservant la richesse et la pluralité de nos sensibilités, voici la proposition de notre COLLECTIF qui rassemble aujourd’hui 153 membres. »
Présentation du collectif Femmes à la Caméra
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Pour en savoir plus : www.femmesalacamera.com
Vers la table ronde sur le thème de la maternité > ICI