Un peu plus d’un mois après la clôture du festival d’Annecy, il est temps de tirer un premier bilan de cette édition dont l’animation bretonne se souviendra longtemps : 9 films issus des sociétés rennaises JPL Films et Vivement Lundi !, dont quatre en sélection officielle et un prix du public. Le cru 2014 est à marquer dans les annales ! La manifestation est aussi un marché (le MIFA) où les futures productions se mettent en chantier. La délégation bretonne prépare longtemps à l’avance cet important rendez-vous pour promouvoir ses savoir-faire et son dynamisme, déjà largement reconnus.
« Annecy 2014 a été pour nous un excellent festival avec de nombreuses retombées pour les films en sélection officielle », se réjouit Jean-François Le Corre, le producteur de Vivement Lundi ! On ne s’étonnera pas de ce satisfecit puisque trois films du studio rennais ont été retenus cette année à Annecy : Dimitri d’Agnès Lecreux (co-réalisé avec Fabien Drouet, Ben Tesseur et Steven de Beul), La maison de poussière de Jean-Claude Rozec et Tempête sur Anorak de Paul Cabon. Ces deux derniers films poursuivent leur carrière en festivals. La ‘’tempête’’ ira d’ailleurs souffler prochainement sur les spectateurs au Mexique, au Kosovo et à Paris.
Autre moment fort pour la société rennaise et l’animation bretonne : la conférence de presse où France 4 a confirmé la commande de la série La science des soucis, d’Isabelle Lenoble et Julien Leconte. « Avant Annecy, nous en étions au stade du développement et France Télévisions a attendu le MIFA pour annoncer publiquement quels projets allaient être commandés pour France 4 dont la grille a changé cette année. Il y a à peine 4 ans, nous n’étions que spectateurs de ce genre de temps forts », ajoute Jean-François Le Corre.
JPL Films a aussi de quoi sourire. La petite casserole d’Anatole, le film d’Eric Montchaud, a obtenu le prix du public. Anatole traîne sa casserole de festival en festival, en France comme à l’étranger, et concourra en septembre prochain au prestigieux Cartoon d’Or 2014 qui récompense, chaque année, ‘’le meilleur des meilleurs’’ courts métrages européens. On croise les doigts.
Les idées fusent
A chaque nouvelle édition, l’animation bretonne marque un peu plus sa présence à Annecy. Epaulés par Films en Bretagne et réunis au sein d’Anim’en Bretagne, des réalisateurs, des producteurs, des techniciens, des sociétés dédiées à l’image de synthèse se déploient sur les différents sites du festival pour faire des rencontres, nouer des contacts, initier des collaborations. Renaud Séguier de la start-up Dynamixyz, spécialisée dans l’animation faciale en 3D, a découvert que le Marché international du film d’animation était en fait « un vrai salon professionnel international ». Il dresse un bilan positif de sa première participation au MIFA où il a pu, en deux jours et demi, prendre plus de 30 contacts commerciaux et élargir son réseau. D’où l’idée de monter des partenariats en Bretagne : « Pourquoi ne pas créer un label breton allant des créateurs à la post-production en passant par des sociétés techniques ? ».
Le MIFA, c’est aussi l’occasion pour les acteurs de la culture de rencontrer ceux de l’économie, fait assez rare et plutôt enrichissant selon l’avis général. Sur place, Accueil des tournages en Bretagne, la Région Bretagne et Rennes Métropole se sont relayés pour présenter politiques et modalités de soutien à la création et à l’économie du cinéma d’animation. La Région soutient le secteur du film d’animation, particulièrement créatif en Bretagne. Depuis 2010, 28 films et 7 séries d’animation ont été soutenus au titre des aides à l’écriture, au développement et à la réalisation. En 2013, la collectivité a consacré 300 000 € au cinéma d’animation. Rennes Métropole, qui aide les sociétés de l’image et des nouvelles technologies, s’intéresse de près au développement du numérique dans le cinéma d’animation, et aux retombées potentielles de cette rencontre de la recherche technologique, fortement représentée par la technopole de Rennes Atalante et le pôle de compétitivité Images et Réseaux, avec les créateurs de contenus artistiques.
Attirer des productions en Bretagne
Le travail de promotion de la délégation bretonne a souvent porté ses fruits. La soirée organisée par Films en Bretagne avec l’Afca (Association française du cinéma d’animation) et le Collectif des producteurs de courts métrages d’animation a permis à la délégation bretonne d’échanger avec des institutionnels, des diffuseurs, des réalisateurs et des techniciens. Et là encore, les idées germent : au fil des échanges entre producteurs, est née l’envie de faire évoluer ce rendez-vous et de proposer une ‘’Soirée du court métrage d’animation’’ en y associant Ciclic (1) ou Ecla Aquitaine (2).
« Il y a beaucoup de fêtes pendant le festival, mais celle-ci manque encore », précise Jean-François Le Corre pour qui il faut « accélérer les collaborations » avec d’autres régions, notamment pour la filière du stop motion (ou marionnette animée) qui compte de nombreux talents en Bretagne. « Avec le renforcement du soutien de la Région Centre au court métrage en stop motion ou le développement des studios stop mo à Valence et XBO à Toulouse, la concurrence va être rude », s’inquiète-t-il. « Ne faudrait-il pas envisager la création d’une sorte de rendez-vous annuel du stop motion qui permettrait de mieux fédérer les énergies et les compétences et d’accélérer les collaborations ? Un dîner annuel à Annecy qui serait suivi de journées de travail dans les régions et pays intéressés par les problématiques spécifiques du stop mo ? ».
Une proposition à débattre qui retiendra sans doute l’attention des réalisateurs et techniciens du volume animé, réunis au sein de la Caravanim. Cette année encore, avec leurs collègues de la 2D et de la 3D, ils ont ‘’planté’’ leur roulotte à Annecy. Vitrine des savoir-faire bretons, elle est devenue un lieu repéré du public et des professionnels, même s’il y a eu moins de visiteurs en 2014 que l’an passé. « Nous allons devoir évoluer pour ne pas rester une présence sympathique qui perdra son côté inédit. Il nous faut cibler, contacter et relancer de manière assidue pour faire venir davantage de réalisateurs. Il va falloir inventer un nouveau type de rendez-vous ou d’action », précise Gilles Coirier, animateur et cheville ouvrière du collectif. La Caravanim était bien fréquentée au moment des interviews. « Nous avons notamment reçu Marcel Jean, le délégué artistique du festival, et Jean-François Bigot de JPL Films afin de réfléchir au devenir du stop motion. Ces entretiens sont en ligne sur notre site et sur notre facebook. C’est une autre façon pour nous de garder contact avec les professionnels de l’animation mondiale », souligne la réalisatrice Emmanuelle Gorgiard.
Côté communication – nerf de la guerre dans une manifestation de l’ampleur du festival d’Annecy-, il faudra sans doute faire évoluer les outils avec notamment une plaquette détaillant les aides régionales, les compétences spécifiques de la région, les références en termes de co-production, de positionnement international… L’objectif d’Anim’en Bretagne est d’attirer du travail en Bretagne.
Mais avant la prochaine édition d’Annecy, il y aura le festival national du film d’animation à Bruz en décembre prochain où certaines des initiatives lancées à Annecy trouveront leur prolongement.
Nathalie Marcault
Photo de Une : La Caravanim, vitrine des savoir-faire bretons de l’animation
(1) Ciclic : Agence régionale du Centre pour le livre, l’image et la culture numérique
(2) Ecla Aquitaine : Agence culturelle pour le livre, la musique, le cinéma et l’audiovisuel
A noter également que Tempête sur anorak sera diffusé sur Canal+ Cinéma le dimanche 17 août, à 22h07. La Maison de poussière sera projeté au Festival de Cinéma de Douarnenez le 25 août dans le cadre du Grand cru Bretagne.