Pierre Mollo, enseignant chercheur en biologie marine au Ministère de l’Agriculture et de la Pêche a participé au tournage du film « Océans » de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud. Une aventure passionnante pour un scientifique qui rêvait de faire découvrir le plancton à de grands cinéastes.
En 2007, lors de la Breizh Touch, une manifestation organisée à Paris par la Région Bretagne, l’aquarium brestois Océanopolis installe un vaste stand aux pieds du Muséum d’Histoire Naturelle. Pierre Mollo, dont le laboratoire est installé dans le Finistère, y donne des conférences sur le plancton. Ces interventions sont illustrées par des films qu’il a réalisés. C’est à cette occasion qu’il rencontre l’équipe du film Océans alors en préparation. L’expérience de Pierre Mollo, pour tout ce qui concerne la prise de vue sous microscope, les intéresse. Rapidement, ils décident ensemble de réaliser un pilote afin de le présenter aux réalisateurs Jacques Perrin et Jacques Cluzaud. L’idée consiste à capter des images de micro-organismes qui donnent l’illusion d’être dans l’espace afin de créer une sorte de métaphore entre l’infiniment grand et l’infiniment petit. Ce pilote qui montre des larves d’oursins de 50 microns côtoyant celle d’un homard de 1 millimètre, juste avant éclosion, est probant. Malgré tout, le dispositif employé va devoir évoluer…
C’est alors qu’entre en scène Jacques-Fernand Perrin, l’ingénieur qui travaille sur toutes les innovations technologiques que nécessite un tel film. Il décide de faire fabriquer un nouveau microscope dont la mécanique de vis micrométriques va permettre de produire des mouvements de caméra fluides et précis. Cette fabrication, qui va demander plusieurs mois de travail, est testée et validée lors d’essais qui ont lieu dans la salle noire d’Océanopolis, spécialement aménagée pour ce type de prise de vue. Le tournage peut enfin commencer. Une semaine est prévue pour tourner les 30 secondes de film qui s’intégreront au montage final. Pour Pierre Mollo, qui a suivi toutes les étapes préparatoires, il est temps de passer à une autre forme d’action, celle de « dresseur » de plancton.
On connaissait toutes sortes de dressage pour les animaux de cinéma, mais là, on passe à une autre dimension. Il lui faut « caster » des animaux microscopiques en fonction de leur taille et de leur forme afin que le rendu soit semblable à celui que l’on pourrait avoir en voyageant dans l’espace. Le matin, il se lève tôt pour nourrir les petites bêtes. Presque comme des comédiens, il faut qu’elles soient prêtes à vivre une journée de tournage en studio. La lumière est chapeautée par Philippe Ros, chef opérateur du film. Pour la circonstance, il faut travailler dans le noir complet et éclairer le plancton par-dessous. De puissants projecteurs éclairent à contre jour les micro-organismes, mais afin que la lumière soit directionnelle sur chacun d’eux, il leur faut ménager de minuscules petits trous dans la plaque du microscope. Il y aura des trous de 800 microns, d’autres de 1 millimètre, réalisés à la demande et les plaques se succèderont au gré des déplacements des acteurs que Pierre Mollo change quand ils sont « fatigués ».
Cette expérience passionnante auprès de gens fabuleux a permis à Pierre Mollo de penser ses images autrement. Grâce à la technique full HD et à la miniaturisation du matériel, il peut désormais réaliser de nouveaux films dans différents milieux. Sollicité pour donner de nombreuses conférences, il poursuit son rôle de conseiller scientifique sur les tournages. Actuellement, il collabore avec Jean-Yves Collet qui prépare des documentaires sur le plancton. Principalement situé dans les estuaires, l’existence de cet organisme est mise en péril par les activités humaines. Sa diminution et ses migrations risquent donc d’avoir une influence sur la biodiversité, mais aussi sur des activités économiques comme la pêche et la conchyliculture. Pierre Mollo pense donc qu’il est urgent de sensibiliser le public aux différents facteurs qui menacent le plancton, producteur de 50% de notre oxygène. Une sensibilisation qui passe par l’image car les émotions qu’elle suscite sont des plus pédagogiques.
Martine Gonthié
Photo : Katell Mollo / DR