Robert Coudray, poète ferrailleur et cinéaste buissonnier


Six ans après la sortie de J’demande pas la lune, juste quelques étoiles, son premier long-métrage réalisé en totale indépendance, Robert Coudray, le poète ferrailleur, travaille sur son deuxième film, Heureux les fêlés. Nous l’avons rencontré afin qu’il nous dise quelques mots de ce projet ambitieux — sans entrer dans le détail du scénario, dont il tient à nous réserver la surprise.

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Crédit : Bertrand Cousseau

 

Le projet sur lequel travaille actuellement Robert Coudray est ambitieux. D’une part, parce que le succès du premier film, vu par plus de 40 000 spectateurs en salle, a entraîné un financement plus conséquent : un budget de 120 000 euros qui permet de payer une équipe technique (même si elle est réduite à son strict minimum). Mais ambitieux surtout car réaliser un long-métrage avec un budget qui reste mince est un travail de titan : un travail d’écriture de quatre ans, et un tournage étalé sur deux ans et demi pour une équipe de six personnes… S’ajoutent à cela neuf mois de travail intensif sur le décor — magnifique — du film, réalisé à Lizio par le poète ferrailleur dans son style particulier, hérité de Tim Burton et Michel Gondry.

Ce décor doit permettre de donner vie à un univers tout à la fois onirique et authentique : parler de la vie et des gens par la mise en images de visions folles, de fantasmes et de rêveries. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : parler de la vie. Nous avons demandé à Robert Coudray pourquoi se donner un tel mal pour faire exister un film, quand on connait la difficulté du parcours de production et de diffusion, a fortiori sans le soutien d’un producteur ni d’un distributeur. Sa réponse est très simple : « Allez voir les critiques des spectateurs du premier film. » Ces spectateurs parlent de poésie bien sûr, de cinéma, mais ils parlent aussi, surtout, d’espoir. « Merci pour l’énergie du désespoir métamorphosée en énergie de l’espoir« , dit Laëtitia. Louison écrit : « Ce film est un merveilleux message pour tous ceux et toutes celles qui sont désespérés dans notre société. » Beaucoup de spectateurs remercient le poète ferrailleur de parler d’eux, de gens comme eux : des gens qui cherchent à donner du sens à leur existence, qui se refusent à se laisser abattre par le désespoir.

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Crédit : Bertrand Cousseau


Heureux les fêlés
aussi parle des humains, de l’absurdité de certains comportements, de l’importance de lutter contre le cynisme et les injustices. Il parle de se reconstruire, soi-même et avec les autres, de donner corps à ses rêves ; les personnages de Robert Coudray lui ressemblent : ils cherchent à s’améliorer, à diffuser des messages positifs, à mener à bien des projets difficiles pour améliorer les conditions de vie de ceux qui les entourent. Le réalisateur nous a confié qu’il ne pouvait pas ne pas faire ce film. Il ne peut pas se taire tant qu’il a des choses importantes à nous dire. Il se doit de travailler sans relâche pour que son film advienne, qu’il soit vu et que son message d’espoir soit entendu ; même si c’est une tâche difficile, réalisée avec peu de moyens, Robert Coudray s’en moque. Il dit qu’il réalise ses films comme il réalise ses sculptures : « avec des bouts de ficelle. » Il pratique un « cinéma buissonnier », où la solidarité, l’authenticité et l’envie de faire — et de bien faire — ont la priorité sur toute autre considération.

Cette approche a donné aux spectateurs de son premier film une impression de générosité rare au cinéma, et les premières images d’Heureux les fêlés, que Robert Coudray a bien voulu nous montrer, débordent de cette même énergie : regarder ces images donne le sentiment de recevoir un cadeau, et l’on en sort réjoui. Nous croisons les doigts pour que le résultat final ait ces mêmes qualités, et surtout qu’il rencontre son public — nous en serons quoi qu’il arrive.

 

Alexis Sevellec