Estran 6, incubateur de films


Réunis à Lorient en juillet, les huit auteurs et producteurs, lauréats du concours Estran, vivent une expérience inédite : celle d’un parcours de formation croisé avec six autres auteurs et six producteurs. Lorsque les uns travaillent à la direction d’acteurs, les autres élaborent l’organisation des tournages à venir. Rencontre avec des professionnels en pleine ébullition. 

Petit rappel des épisodes précédents de cette sixième mouture d’Estran qui s’achèvera en novembre 2016 par la présentation de quatre courts métrages. Le programme a démarré en avril dernier quand le comité de pilotage a dévoilé les noms des quatre auteurs retenus : Clémence Dirmeikis pour Danse, poussin, Germain Huard pour Jusqu’à ce que la mort nous sépare, Claire Barrault pour T’es con Simon !, Lauriane Lagarde pour A l’Horizon. Puis, quatre jeunes producteurs, Marc Bellay, Thomas Guentch, Jean-Philippe Lecomte, Amélie Quéret, sont venus compléter la sélection.

La première session de formation, en mai au Quartz à Brest, a porté sur l’artistique. Les auteurs ont travaillé sur leur scénario avec Antoine Le Bos et Alice Vial du Groupe Ouest ; les producteurs à l’accompagnement des auteurs avec la productrice Florence Auffret. Des duos auteur-producteur emergent ont ensuite été constitués et, bientôt, des trios (1) avec l’entrée en lice du quatuor des producteurs expérimentés, Gilles Padovani, Anne Sarkissian, Olivier Bourbeillon et Fred Prémel, qui encadrent les jeunes recrues. L’équipe Estran est alors au complet.

Dans le vif du sujet

En juillet, les « Estran » ont été rejoints par douze autres professionnels de l’audiovisuel et du cinéma pour suivre, ensemble, une seconde session de formation. Car l’une des grandes nouveautés de cette édition, – outre d’inclure des producteurs émergents au dispositif -, est de s’ouvrir à d’autres participants. En mêlant l’accompagnement « des Estran » à cette formation intitulée « développer un projet de court métrage de fiction », l’intention de Films en Bretagne est de faire du dispositif un véritable incubateur de projets cinématographiques.

Mado Le Fur, coordinatrice du dispositif, détaille cette deuxième phase du concours axé sur la formation professionnelle : « Les auteurs sont formés à l’écriture de scénario, à la réalisation et à la direction d’acteurs. Les producteurs, après s’être concentrés sur l’accompagnement des auteurs dans l’écriture, enchaînent sur la mise en production. Les deux groupes, auteurs et producteurs, travaillent en parallèle, au même endroit, afin de créer des passerelles : ils peuvent ainsi se retrouver autour de leur film à des moments-clés. Tous sont donc formés de façon très concrète et collective à la création d’un film de fiction. » Et pour souder les troupes et leur moral, tout le monde est logé dans un camping de Larmor-Plage. Un cadre qui permet de prolonger les journées de travail par des discussions passionnées entre cinéphiles.

Bilan d’étape sous le soleil

A l’issue de cette session, les auteurs s’accordent pour dire que la grande réussite de ce parcours de formation est d’avoir mis en place des conditions favorables pour que les participants se rencontrent et construisent ensemble leurs projets de film, dans un climat bienveillant. « Les échanges sont stimulants. L’aspect immersif nous permet de nous rencontrer, de tisser des relations fortes. Il règne une ambiance proche de celle d’un tournage ! », témoigne Clémence Dirmeikis.

Des affinités se créent, les projets se nourrissent les uns des autres… Claire Barrault ajoute : « L’aspect collectif du travail me séduit. Travailler sur les autres projets me permet d’avancer sur le mien. Nous avons appris à nous parler, nous comprendre et avons évolué ensemble. » Et Germain Huard de préciser : « Nous, auteurs lauréats d’Estran, avons la certitude que nos film se feront, ce n’est pas forcément le cas des autres auteurs. Mais la bienveillance des formateurs, très impliqués, rayonne sur l’ensemble des participants. Nous avons tous fait un saut qualitatif notable dans nos scénarios. » 

Les rencontres avec des professionnels expérimentés se sont égrenées au fil de la session lorientaise, avec des séances de travail encadrées par Ludovic Giraud, premier assistant, Alan Guichaoua et Pierre Souchar, chefs opérateurs, Sonia Larue et Diane Bertrand, réalisatrices, et Ludovic Henry, producteur. Les jeunes auteurs les ont mises à profit pour gagner en confiance, comme le souligne Claire Barrault : « Nous sommes mieux armés pour aborder les prochains tournages, notamment pour gérer les problèmes qui sont inhérents à la réalisation. » 

Retours d’expérience des producteurs

Les producteurs ont, eux aussi, tiré un premier bilan, chacun selon son profil et ses besoins. Certains ont créé leur société de production, d’autres sont salariés de sociétés existantes. Plusieurs personnes n’ont jamais fait de production mais ont abordé l’audiovisuel par la réalisation, la régie ou la recherche de financements. Comme Bertrand Basset qui vient de l’information : « J’ai réalisé des magazines notamment. Je me réinstalle en Bretagne, à Pléneuf-Val-André, où je viens de créer une société de production, Be your Prod. De la production, je connaissais plus l’aspect organisationnel d’un tournage et beaucoup moins l’administration de production, la recherche de financement. »

Un temps important de la formation est consacré au croisement entre les différentes pratiques et problématiques. Mado Le Fur souligne que « les producteurs apprennent dans l’action, en accompagnant les auteurs présents. Comme ces derniers, ils ont pu rencontrer des professionnels : Florence Auffret, productrice et principale formatrice, Laurent Harjani, directeur de production, Valérie Malavieille, administratrice de production et Anne-Sophie Knobloch, juriste. »

Les conditions sont très proches de la réalité du travail, à quelques petits détails près. Thomas Guentch précise que « dans le cadre du dispositif Estran, nous abordons la production des films avec une partie des financements déjà assurés. Les recherches de subventions sont collectives et réparties équitablement entre les quatre projets. C’est la collection des quatre films qui est mise en avant dans les dossiers de production. Nous avons travaillé sur les devis et notes de production, et tous les éléments qui constituent ces dossiers. »

Les jeunes producteurs ont pu s’aguerrir en matière de financement, mais pas uniquement. Jean-Philippe Lecomte renchérit : « J’ai déjà une expérience en production de documentaire mais pas en fiction. La logique de financement d’un film est un peu toujours la même, les organismes à solliciter identiques d’un projet à l’autre. Je trouve très intéressant que la formation soit axée sur l’accompagnement artistique des auteurs. » Même satisfaction pour Bertrand Basset : « A Brest, la semaine sur l’accompagnement des auteurs m’a passionné. Je me suis rendu compte qu’il était compliqué d’assumer les deux fonctions en même temps. Cette formation me permet de mieux me positionner dans le paysage audiovisuel. Je vais continuer à mener des projets de réalisation et mes connaissances techniques me permettent de m’orienter vers la direction de post-production. »

Auteurs et producteurs semblent conquis par cette « formation par l’action » inédite en France. L’alchimie entre lauréats Estran et « Estranger », pour paraphraser les participants hors dispositif, fonctionne bien puisque chacun tire parti de ce moment de formation pour faire le bilan de ses compétences… et aller de l’avant collectivement.

Pauline Burguin

Photo de Une : les comédiens Vincent Furic et Caroline Bonis. © Pauline Burguin.

(1) Les trios auteur/producteur émergent/producteur expérimenté :

Claire Barrault, Marc Bellay et Gilles Padovani (.Mille et Une. Films)
Germain Huard, Jean-Philippe Lecomte et Anne Sarkissian (Iloz Productions)
Clémence Dirmeikis, Amélie Quéret et Olivier Bourbeillon (Paris-Brest Productions)
Lauriane Lagarde, Thomas Guentch et Fred Prémel (Tita Production)

Les prochaines étapes d’Estran 6

Jusqu’à fin septembre 2015 : dépôt des dossiers de productions pour les demandes de financement.
Fin 2015-début 2016 : préparation des tournages / castings / rencontre avec les techniciens.
Avril 2016 : tournage des quatre courts métrages.
Eté 2016 : post-production.
Novembre 2016 : avant-premières.

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