Le réalisateur et monteur Luc Blanchard est décédé mercredi des suites d’un cancer. Homme de convictions, engagé depuis de longues années dans des luttes sociales dont son cinéma était la transposition poétique, il allait débuter prochainement le tournage de sa première fiction. 

 

Rêves d’habitants, Rêve d’un matin, A quoi rêvez-vous pour votre quartier : ces titres de quelques-uns des films réalisés par Luc Blanchard reflètent une de ses préoccupations majeures : garder l’espoir en toutes circonstances, se projeter dans l’avenir quelle que soit la situation présente. Paul Cornet a produit Rêves d’habitants, film qui accompagne des résidants de la cité de Kermarron à Douarnenez dans un voyage à Marseille qu’ils fantasmaient depuis longtemps : « Ce qui était marquant chez Luc, c’était cette façon qu’il avait de toujours pousser les gens à réaliser leurs rêves. Cette idée que les habitants reprennent leur destin en main collectivement lui tenait vraiment à cœur. C’est pourquoi il s’intéressait à certaines initiatives citoyennes qu’il mettait en lumière dans ses films. »

Luc avait imaginé une suite à ce documentaire sorti en 2004. L’été dernier, il avait terminé l’écriture d’une fiction de 50 minutes produite par Aber Images et inspirée par les habitants de Kermarron dont il était resté très proche. Il jouait du saxophone dans la fanfare du quartier et était impliqué dans les activités du centre social. Clément, son fils, décrit ce projet comme « une comédie dramatique musicale ». « Mon père m’avait demandé de créer une chorégraphie avec les habitants du quartier ». Ce film à la forme hybride aurait « mêlé des images documentaires à celles de la fiction ».

« Luc parlait de ce film comme d’un conte », ajoute Aurélie Dupuy qui travaillait sur le projet comme assistante de production et devait seconder Luc à la réalisation. « Mais un conte tiré du réel. Il était très touché par les gens qui se battent pour conserver le peu qu’ils ont. Il essayait de trouver de l’espoir tout en étant très lucide. C’était quelqu’un d’encourageant et de bienveillant. Il voulait transposer la lutte sociale des habitants de Kermarron dans un récit poétique. » La jeune femme cite Jacques Tati et Jacques Demy dans les sources d’inspiration du réalisateur.

Luc avait débarqué dans le monde de l’audiovisuel par le biais de la radio. Le réalisateur Jean-Paul Mathelier et l’agriculteur Henri Peuziat se souviennent que leur ami s’est occupé en 1980 de la radio de Plogoff lors du mouvement de résistance contre l’implantation d’une centrale nucléaire au cap Sizun, puis qu’il a été animateur et directeur de Radio Cap à Douarnenez. Ce sont des années de militance que les trois hommes ont partagé. « Luc était quelqu’un de solaire, d’une façon douce qui réchauffait. Il était très aimé, généreux, souriant, accueillant », souligne Jean-Paul. Avec Henri, Luc continuait à militer au sein des associations Plogoff, mémoire d’une lutte et Alerte à l’Ouest.

 

Au son s’est vite ajoutée l’image. Luc a partagé son temps entre la réalisation de films documentaires et institutionnels, et le montage. Il a monté plusieurs films de sa femme, la réalisatrice Gabrielle Maillet : Deux ou trois choses de Sanzay, L’insolente, Des femmes pas comme il faut. Gaëlle Douël et Jean-Jacques Rault ont vécu avec lui l’expérience inédite d’un premier montage sur leur documentaire Iwan, le yoyo. « Nous avons appris le montage avec lui. C’était quelqu’un de très calme et d’apaisant. Il a eu de la patience avec nous, prenant le temps de l’explication. Il savait désamorcer avec humour les inévitables tensions qui surviennent au cours d’un montage », racontent-ils.

Au début des années 90, Luc et Gabrielle ont créé l’association de production Elzéard image. Cette structure a notamment permis au réalisateur de diversifier son activité en tournant, par exemple, plusieurs films courts pour le musée du Léman à Nyon en Suisse et pour le Port Musée de Douarnenez. « L’univers maritime était très important pour mon père », souligne Clément qui précise que « Elzéard est une référence au roman de Jean Giono, ‘’L’homme qui plantait des arbres‘’ ». On quitte la mer pour la Provence intérieure. Mais on comprend ce que l’histoire de ce berger provençal qui transforme une région désertique en forêt pouvait représenter pour Luc qui n’a cessé de s’engager dans des luttes sociales et environnementales.

 

En guise de message de bonne année, Luc adressait ces mots à ses amis en janvier dernier : « Et alors ! Vous avez su ? Non, on n’a pas su ! J’avais un arbre qui me poussait dans le cœur, dans l’oreillette droite, fou ! Pour un amoureux des jardins, c’est pas mal, la consécration quoi ! (…) Un lymphome, ça s’appelle, des cellules indésirables dans l’oreillette droite du cœur. Faut éradiquer, pas de quartier (…) Voilà, j’ai la pêche, et je voudrais la souffler à celles et ceux qui l’ont moins…. Vive la vie et Boum année… »

Films en Bretagne adresse ses sincères condoléances à Gabrielle, à ses enfants, à sa famille et à ses proches.

Nathalie Marcault