Le collectif national du volume animé a vu le jour lors de la dernière édition du festival national du cinéma d’animation à Bruz, en décembre 2015. Ce regroupement d’artistes et de techniciens de la stop motion a lancé une vaste enquête afin de mieux cerner les spécificités de leur filière et mettre en place des actions pour améliorer les conditions d’exercice de leurs métiers. C’est tout naturellement à l’occasion de la prochaine édition du festival, du 24 au 30 avril, que le collectif se réunira et présentera le résultat de cette étude. Rencontre avec Gilles Coirier, animateur et membre actif du groupe, l’un des instigateurs de ce vaste recensement.

– Films en Bretagne : Comment êtes-vous arrivé dans le monde du volume animé ?

Gilles Coirier : J’étais objecteur de conscience au CRDP de Rennes, à la fin des années 90, quand j’ai rencontré Yvon Guillon, il pilotait les ateliers de réalisation étudiants au sein du CRÉA (1) de l’Université Rennes 2. Il m’a permis de m’initier à la manipulation de marionnettes, via son association de films d’animation AFRICA. J’ai pu bénéficier de l’expérience d’autres membres, comme Fabienne Collet ou Luc de Banville, qui avaient déjà travaillé sur des films professionnels. Je me suis beaucoup entraîné pendant mon temps libre, et j’ai aussi participé à de nombreux ateliers de réalisation, avec des enfants notamment. Puis j’ai entendu parler d’une grosse série en stop motion qui se développait aux Studios Folimage, à Valence : Hilltop Hospital. J’ai été embauché, et depuis, je ne me suis plus arrêté.

– Le volume animé reste une technique assez marginale dans la production nationale. Avez-vous toujours trouvé du travail ?

Ça n’a pas toujours été simple, mais j’ai beaucoup voyagé. Hormis Valence, Rennes et Paris, je suis allé travailler au Royaume-Uni, à Manchester et Cardiff notamment, mais aussi au Pays-bas et au Danemark. J’ai animé les personnages de séries, de publicités et de courts métrages. Mais oui, ça reste une technique complexe et coûteuse. Lorsque j’ai commencé, il y a une vingtaine d’années, l’image 3D était en plein essor. C’était la révolution numérique et on prédisait la fin des techniques traditionnelles comme la stop motion et le dessin animé. Pourtant, ces techniques ont évolué et continuent d’être pratiquées. Il y aura toujours des auteurs pour les réinventer.

– Pourquoi avoir lancé une enquête sur les métiers du volume animé ?

Comme souvent, les graines ont germé à plusieurs endroits. D’abord ici en Bretagne avec un double constat. D’abord, la stop motion a une importance considérable dans l’activité des deux principales sociétés de productions rennaises que sont JPL Films et Vivement Lundi !. Il y a par conséquent un grand nombre d’artisans du volume qui y travaillent : décorateurs, animateur, constructeurs, etc. Mais contrairement à d’autres catégories professionnelles, comme celles des producteurs, des réalisateurs et des techniciens de fiction par exemple, qui sont structurées et savent défendre leurs métiers, nous restons invisibles et peu représentés. La première fois que je suis allé au au siège du SPFA (syndicat des producteurs de films d’animation, ndlr) pour participer aux négociations de la convention collective de l’animation, on m’a regardé comme si j’étais un dodo d’Australie !
Il y avait donc une volonté de se regrouper et de réfléchir à notre évolution. Ça a commencé avec la création du collectif Happy Hands, en 2011, avec lequel on a monté un certain nombre d’actions, comme la délégation d’Annecy ou les expositions de la Caravanim (2).
Mais c’est vraiment au festival, à Bruz, en 2015, que nous avons donc créé le collectif national du volume animé. Il s’est à nouveau réuni à Annecy en juin dernier. Et déjà le projet d’une étude nationale s’était imposée. L’idée était de répertorier et de cartographier le volume animé en France, d’en faire un large panorama, afin de mieux appréhender ses spécificités, de questionner les pratiques et d’éventuellement pouvoir agir pour renforcer ce secteur.

 

Nous nous sommes concentrés sur l’élaboration du questionnaire (3) qu’on a diffusé dans toute la France : Quel poste occupez-vous ? Exercez-vous plusieurs métiers? Où travaillez-vous ? Depuis combien de temps ? Quel est votre parcours ? etc.

– Et que révèle cette enquête ?

On a reçu une centaine de réponses, ce qui en soit est déjà un bel indicateur de vitalité !
On peut estimer que l’enquête dresse un constat assez fidèle de la situation de la stop motion en France sur l’année 2016. Par exemple, près de la moitié des sondés se déclarent auteurs / réalisateurs d’un ou plusieurs films. Le poste le plus pourvu est celui d’animateur, tandis que le plus rare est celui de mécanicien, fabriquant le squelette des marionnettes.
Les opérateurs compositing sont devenus essentiels dans une production, car l’effacement de tiges et autres moyens de fixation des marionnettes ainsi que les retouches en tous genres sur les images se systématisent. D’autres fonctions, comme la modélisation d’éléments par ordinateur afin d’être imprimés en 3D, s’imposent peu à peu.
Globalement, il y a plus de femmes que d’hommes, même si la balance s’inverse chez les chefs de postes.
Par ailleurs, d’un point de vue géographique, les deux principaux viviers se trouvent à Paris et en Bretagne. Pendant la durée de l’enquête, Vivement lundi ! a été le plus gros employeur, suivi de JPL Films, X-Bo Films et Blue Spirit.

– Comment allez-vous faire fructifier ces données ?

Le fait qu’il y ait eu beaucoup de réponses a permis de créer davantage de liens et de renforcer le réseau du volume animé. C’est essentiel à l’heure de la renégociation de la convention collective car la grille salariale est défavorable au volume animé au regard des techniques de la 2 et 3D. Nous souhaitons réfléchir à l’évolution de notre filière de manière globale et l’un des aspects qui nous questionne est la formation initiale, clairement déficiente en volume animé. L’EMCA et La Poudrière permettent de pratiquer un peu la stop motion, mais sans cursus véritablement spécialisé. On élabore donc des propositions que l’on va soumettre au RECA, le réseau des écoles françaises de cinéma d’animation, en espérant que seront mises en place des formations pour combler les carences et développer les postes les moins pourvus…

D’autres pistes sont envisagées et le temps d’échange prévu pendant festival nous permettra de les développer. Ce premier rendez-vous a un double objectif : partager les différents constats qu’a mis en lumière l’étude, pour qu’ils circulent, s’enrichissent, et interpeller les institutions, CNC et régions, tout comme les producteurs pour les inclure à nos démarches, aller plus loin…

Propos recueillis par Jean-Claude Rozec

(1) Centre de ressources et d’études audiovisuelles de l’Université Rennes 2.
(2) La Caravanim est une exposition itinérante présentant les différents décors et marionnettes des productions rennaises.
(3)  La décoratrice Anna Deschamps a prêté main forte à l’élaboration du questionnaire, et les réalisateurs Denis Walgenwitz et Nicolas Lemée, ainsi que l’animatrice Julia Peguet, ont participé à la relecture et la rédaction du compte-rendu.

La présentation de l’enquête aura lieu le jeudi 27 avril, au Cinéville, à Rennes, à partir de 12H00. Entrée libre sur inscription, dans la limite des places disponibles.

 

Festival national du cinéma d’animation – 23e édition – du 24 au 30 avril

Le Festival national du film d’animation change de saisons, de décembre vers avril, et étend sa toile de Bruz à Rennes avec des séances et/ou rendez-vous professionnels implantés au Cinéville et aux Champs Libres.

Au menu : des projections des films sélectionnés en compétition ou en sélection nationale, des temps de rencontres entre les réalisateurs et les publics, des  actions pour découvrir l’envers du décor, des soirées festives et des ciné-concerts.

Cette année les journées professionnelles menées par l’AFCA, articulées autour de sessions de pitchs, s’intéresseront aux nouvelles écritures (qui font également l’objet d’un nouveau programme en compétition) et font la part belle à la création pour ados et adultes avec, par exemple, une table ronde sur le long-métrage pour adultes (vendredi 28, 9h30-11h30, Cinéville).

Retrouvez ici la grille de programmation et celle du volet professionnel et toutes autres informations ici.

A noter que dans le cadre du festival Films en Bretagne, en partenariat avec Musée de Bretagne propose une master class sur L’impression 3D dans l’animation, jeudi 27 avril de 10h à 12h30 au Cinéville (inscription jusqu’au 21 avril), et une formation sur le droit à l’image, vendredi 28 à 14h à 16h aux Champs Libres (inscription avant le 21 avril).