De graine d’auteurs à réalisateurs


A Mellionnec, au beau milieu de la campagne en Centre-Bretagne, dans ce village de 400 habitants, cinq jeunes auteurs réalisateurs ont posé leurs valises, et leurs caméras. L’association qui rend cette effervescence possible n’est autre que Ty Films. Retour sur les expériences « radicales » de deux d’entre eux, Maxime Moriceau et Yves Mimaut, par l’une de leur pair, Clara-Luce Pueyo, installée dans le village documentaire depuis deux ans.

En général, l’étincelle s’allume lors des Rencontres du film documentaire qui se tiennent le dernier week-end de juin à Mellionnec depuis 2007. Pour Maxime Moriceau, l’aventure commence en 2011. Son film de fin d’études du Créadoc En apparence est sélectionné et il rencontre les fondateurs de Ty Films, Gaëlle Douël, scénariste et réalisatrice et Jean-Jacques Rault, réalisateur et directeur de l’association, les membres du comité de sélection, les bénévoles et tout un univers qui l’interpelle. « Ça m’a donné une image de ce que pouvait être la vie dans ce village et ça m’a fait un appel du pied. Je sentais que je m’engluais à Paris et financièrement ça n’était pas simple. À la sortie des études, je devais travailler mais je savais que faire mes gammes dans le documentaire allait prendre du temps. A Mellionnec, j’ai trouvé un cadre propice », explique le réalisateur. Pour Yves Mimaut, le coup de foudre s’opère aussi pendant le festival : « A l’époque, je travaillais pour une télé locale. Je suis venu pour la première fois ici en 2012 pour faire un sujet sur les Rencontres. DSK, Hollande, etc de Pierre Carles y était diffusé en avant-première, en sa présence. J’ai été surpris de voir un événement aussi grand dans un endroit qui me paraissait autant reculé. J’ai trouvé ça génial ! ».

Revenir en faisant, ensemble

En marge de ce temps fort, Ty Films dédie une partie de son activité aux professionnels du documentaire. Et dans ce qui devenu le village documentaire, priorité est donnée aux jeunes auteurs. C’est par ce biais que Maxime Moriceau revient à Mellionnec. « Ty Films m’a proposé de réaliser un des portraits 2014, Marine. Cette quinzaine de jours passés ici m’a fait entrevoir la possibilité d’y vivre. Au début, c’était une blague entre les réalisateurs des portraits de rester. On s’est dit, “allez on ne repart plus !”. Une activité était déjà présente, il y avait des réalisateurs sur le territoire. Pour ma part, faire des films tout seul, je trouve cela décourageant ! Le fait de sentir cette communauté de partage d’expériences autour de moi et de vivre cette émulation a redonné vie à mes désirs de films ».

Des auteurs confirmés viennent en résidences d’écriture, d’autres en montage, comme Perrine Michel pour son film Lame de Fond, Nadja Harek pour Entre deux terres, Jeremy Perrin et Hélène Robert pour A Praga. Toute l’année, les échanges sont nombreux. Cette importance du réseau a également convaincu le réalisateur Yves Mimaut, en particulier lors de la formation « Dramaturgie et Documentaire » proposée chaque année par Le Groupe Ouest, Ty Films et Films en Bretagne. « J’avais toujours fait des films un peu dans mon coin. Cette formation m’a apporté une ouverture des points de vue, une confrontation des regards, et quelque part, cela m’a fait entrer dans un métier et sortir de l’isolement. Et j’ai retrouvé ce partage avec les habitants de Mellionnec. La dimension professionnalisante et la convivialité étaient réunies. »

Réaliser son rêve de film

Sur ce terreau, une graine de film semble pouvoir se développer au mieux. En s’engageant dans la réalisation de leurs premières œuvres, les jeunes auteurs ont conscience que le chemin sera long et parfois escarpé mais la présence et l’implication de professionnels expérimentés, bienveillants et à l’écoute, rendent pour eux l’aventure possible. « J’écris un film personnel. Je fais des tentatives. Cet accompagnement ouvre le champ des possibilités en écriture. Les regards extérieurs sont essentiels pour creuser et éviter de tourner en rond. Je trouve ce choix d’accompagner des jeunes auteurs, fait par Ty Films, courageux et audacieux. Ça me conforte dans mes envies, » affirme Maxime. « L’aide à l’écriture du Département des Côtes d’Armor m’a permis de rester ici. Je suis accompagné de manière formelle par la réalisatrice Nathalie Marcault. Mon projet est un film fragile, à la première personne. J’ai le sentiment de trouver une véritable écoute ici. Nous sommes pris au sérieux et cette forme de parrainage rend les choses possibles. » A Mellionnec, on peut y croire !

Transmettre son amour du cinéma

Accompagner ces rêves de films est essentiel pour les deux fondateurs de l’association. « Au départ, l’accompagnement était informel. De jeunes auteurs venaient nous demander de l’aide, un regard. Nous y avons consacré beaucoup de temps mais parce qu’on y croit ! » affirme Gaëlle Douël. « Le cinéma est souvent sacralisé. On se retrouve seul avec son désir de film, avec la peur de faire. En étant des maillons, nous apportons des bases, en dramaturgie, en technique et un réseau. » Jean-Jacques Rault ajoute : « Le terme « jeune auteur » fait peur. Cela peut être compliqué de trouver une production par exemple. En faisant le choix d’accompagner ces jeunes auteurs, on assure l’émergence de nouveaux regards. En tant que réalisateur, je me nourris de ces propositions, l’association aussi. En 2014, les auteurs des portraits ont fait des essais quasi expérimentaux, j’en étais très heureux, ça m’a même secoué. »
« Nous aidons au passage du désir à sa réalité, à sortir du fantasme, déclare Gaëlle, nous allons chercher dans la tête des auteurs leur projet et les aidons à le rendre partageable. C’est une histoire de transmission. Aujourd’hui, ils prennent le relais et j’en suis très touchée. »
Car Maxime, Yves et les autres auteurs récemment installés s’emparent de ce goût du partage et de cet amour du documentaire de création. « Les choses sont basées sur un système d’échanges, c’est ce qui fait que j’aime le principe d’association. Je peux aussi donner des choses, en présentant les projections nomades par exemple », ajoute Maxime. « Au quotidien, je croise des gens du cinéma, comme la monteuse Marie-Pomme Carteret. C’est une plongée dans le monde du documentaire de création. Toutes les compétences sont réunies, avec des cadreurs, des réalisateurs, des monteurs. Au départ, je voulais juste faire des films, maintenant je veux les faire vivre. Je défends une pratique, celle du documentaire de création, » poursuit Yves.
Dans cette dynamique, la dizaine de professionnels vivant à Mellionec et investi dans Ty Films a créé l’association Graine de doc, avec l’idée de mettre en commun les compétences, les envies, les inspirations. Germination à suivre de très près !

Clara-Luce Pueyo

Et pour partager ce goût du documentaire de création, rendez-vous aux Rencontres du film documentaire les 25,26, 27 et 28 juin à Mellionnec !

Thomas, Le film de Yves Mimaut sera projeté jeudi 25 à 20h30 dans la sélection Portraits de Mellionnec avec les films Djamila de Laetitia Foligné, Les mots d’Olivier de Marion Geerebaert et La somme de nos amours de Salomé Laloux-Bard. Comme les portraits réalisés en 2013 et 2014, ces quatre courts métrages documentaires seront diffusés sur les chaînes locales bretonnes. La diffusion du cru 2015 se fera au printemps 2016. Tous les films sont également disponibles en DVD.

Découvrez Maxime Moriceau via son blog.