Une nouvelle vitrine pour le court, à l’Est


Philippe Gautier FFC Dinan
Philippe Gautier © Marie Esnault


Dinan, jolie ville de l’Est des Côtes d’Armor, classée Art et Histoire, a désormais son festival de cinéma. Un événement qui s’attache au court métrage et auquel l’établissement Emeraude Cinéma, classé Art et essai, a ouvert ses salles. Porté par une association dédiée, le Festival Films courts de Dinan a vécu mi-novembre sa deuxième édition, un succès public qui a galvanisé le tout jeune président-délégué général à l’origine de la manifestation. Il nous a présenté son projet.

Intriguée par une coupure de presse… Elle dresse le bilan du deuxième Festival des Films Courts Dinan. Jamais entendu parler jusqu’à présent. Une recherche en ligne, un contact, un message laissé par mail pour en savoir un peu plus. Et un appel téléphonique, en retour, très rapidement. La voix est jeune. Et pour cause, Philippe Gautier, mon interlocuteur, a tout juste dix-huit ans. Nous nous donnons rendez-vous un samedi en début d’après-midi, ce sera le début des vacances scolaires ; étudiant en filière STS métiers de l’audiovisuel à Rouen, il sera de retour à la maison. Films en Bretagne ? Oui il connait et me dit, avec l’air de s’excuser, qu’il a bien pensé prendre contact mais n’a pas eu vraiment le temps… Je le rassure, je ne viens pas lui demander des comptes ou l’incorporer d’autorité à la fédération, je suis simplement curieuse de connaître ce nouveau festival et d’en faire part dans nos pages.

Le jour J, arrive un jeune homme souriant, avenant, disponible. S’il a peut-être encore le sentiment de passer un test en légitimité, ses réponses sont directes, claires, enthousiastes. Sur le choix du court métrage tout d’abord. « C’est un genre qui apporte une lumière vraie sur la société actuelle. Il n’y a pas d’indulgence, pas de douceur. C’est une arme. Les artistes se rendent toujours mieux compte que les politique». «C’est aussi la meilleure école pour des artistes en devenir« , ajoute-t-il. Aspirant lui-même, il sait de quoi il parle «Le cinéma c’est une passion depuis tout petit. J’ai tourné depuis l’âge de onze, douze ans, j’ai un agent. J’ai aussi réalisé un court-métrage, à seize ans, La Falaise, avec du financement participatif. » Aussi, le festival qu’a lancé l’étudiant en 2017, c’est du sérieux. Il l’annonce : « Même si je n’ai que dix-huit ans, je n’ai pas l’intention de faire un petit festival, je veux qu’il prenne de l’ampleur, avec des répercussions nationales ou internationales».

Pour développer ce festival qu’il porte, Philippe Gautier est certain d’être au bon endroit, chez lui. « La ville peut-être une vitrine, une ville de cinéma. J’étais étonné qu’il n’y ait pas de festival à Dinan, il fallait juste y penser ». En effet, sur place, l’accueil est excellent. « Le cinéma (Emeraude, exploité par Laurent Lagrée, ndlr) est très à l’écoute de ceux qui démarrent, comme nous, ils nous aident sur tout, ils veulent vraiment que le festival soit pérenne. » La première édition était un test : le temps d’une soirée. Résultat : « la plus grande salle, 260 places était pleine. Après cela, la municipalité a décidé de nous apporter son soutien ». Conforté par ce premier succès, Philippe Gautier, avec deux comparses, crée l’association Festival des Films Courts Dinan, la structure qui supporte désormais le festival. A la manoeuvre, au côté du président-délégué général, tous bénévoles pour l’heure, un coordinateur général Matthieu Drouin, par ailleurs adjoint de direction sur la sélection Un certain regard à Cannes et Jules Varlot, étudiant à Sciences po Paris.

C’est entre les mains de ce trio, « et avec l’aide de beaucoup de bénévoles », qu’a pris forme la deuxième édition du festival, cette fois sur deux jours entiers, les 16 et 17 novembre 2018. Les organisateurs ont imaginé deux compétitions : la première, « officielle » fait l’objet d’un partenariat avec l’ARDA, l’Association des Responsables de Distribution Artistique. La seconde est dédiée aux jeunes talents, avec des films autoproduits. Cette année, le jury, auquel participaient deux membres de l’ARDA, a récompensé Michael Assié, un comédien apparu dans la compétition jeune talents,  » c’est encourageant», rapporte l’organisateur, se réjouissant de fournir une telle passerelle. La programmation du festival comptait trente films. Un comité ad hoc, issu du réseau professionnel déjà bien développé de l’association, s’est mobilisé pour extraire cette short list des quelque cinq cents références reçues suite à l’appel à films qu’avait diffusé, notamment, la maison du Film court. Pour guider le choix : « nous avons une préférence pour les films traitant de sujets d’actualité ou de faits divers. Si lors de la prochaine sélection, se présente un film sur les gilets jaunes, on est quasiment sûrs de le prendre », confie le délégué général.

La ligne éditoriale du FFC de Dinan, c’est aussi sa programmation tout public – un critère qui pourrait sembler rédhibitoire compte tenu du genre mais qui ne semble pas poser problème. « Les films sont sélectionnés pour être vus par tous ». Et les films bretons, ont-ils une place particulière ? « La principale critique que l’on nous a faite en année une, c’est qu’il n’y avait pas de films bretons. Ce n’était pas volontaire, ça s’est trouvé comme ça. Nous n’avons pas forcément reçu beaucoup de films bretons. Quand on peut les voir et qu’ils nous plaisent, on les prend ». C’est le cas de Danse Poussin cette année, de Clémence Dirmeikis (Respiro Productions). Mais ce que le jeune programmateur pressent avant tout comme une ouverture ou un courant porteur pour son festival, c’est la francophonie « le Grand prix est d’ailleurs allé à un film québécois cette année ».

Impliqué, tout jeune, dans la fabrication du cinéma, cultivant aussi, sans doute, son réseau, Philippe Gautier tient à donner aux professionnels une part de la lumière. « Pour chaque film, un membre de l’équipe est présent. Un ingénieur du son, un chef opérateur, tout le monde doit être valorisé. Jusqu’ici on invitait plutôt les réalisateurs, c’est idiot. Un film c’est toute une équipe. Si l’on pouvait, on ferait venir toutes les équipes ». Ayant ouvert son jury à l’ARDA, il poursuit : « les responsables de castings sont un peu ignorés, c’est dommage, ils ont le potentiel pour juger un film ». Et pour tous ceux-là, l’équipe est aux petits soins. « On veut soigner l’accueil, c’est très important pour nous. »

Pour y arriver, alors que les soutiens publics sont encore très minces, on mise beaucoup sur la coopération avec les acteurs de l’économie locale. Une démarche vitale pour l’événement et qui pour l’instant lui réussit. «Les fonds privés, c’est avec ce type de soutien que j’ai pu faire les choses. En 2018, pendant l’été, j’ai relancé un financement participatif pour boucler notre budget. Pas de vacances, pas de plage, mais les Dinannais ont suivi, ça a marché, je sais maintenant qu’ils le veulent ce festival. Pour la prochaine édition, courant septembre ou octobre 2019, on va tenter d’obtenir des soutiens institutionnels : la Région, le CNC, la DRAC… Quand je vois l’investissement autour de moi, j’aimerais bien rémunérer les gens. »

Professionnaliser l’événement c’est voir assez loin. De la production à laquelle il se forme, à la direction d’un festival, en passant par la réalisation, le jeu… quel horizon aimantera le plus fort le jeune homme ? « C’est stimulant d’être toujours dans l’action pour la création et d’entretenir la coopération avec nos partenaires. Si le public répond présent, qu’on est suivi, il n’y a pas de raison que le festival s’arrête. » Dans ce cas, pas de choix à faire, juste à poursuivre l’effort, à se donner les moyens de voir plus grand. Avec l’envie de faire de Dinan une ville d’art, d’histoire et de cinéma.

Marie Esnault