Ça y est, c’est fini ! Le 35ème festival de cinéma de Douarnenez a rendu la place de la poste aux voitures et aux goélands, remisé les bancs, les tables, démonté le chapiteau et la déco… Et maintenant, qu’est ce qu’il reste ? Le vertige et un grand vide, comme après le passage d’un tourbillon. Une légère gueule de bois aussi (la faute à l’after à la criée, merci Yuna). Et des images qui s’entrechoquent : Les sexes exhibés de « Too much pussy », les cochons apeurés d’ « Entrée du personnel », les étudiants japonais casqués se ruant sur les flics de « Kashima Paradise »… Mon pauvre cerveau a encore du mal à faire le tri comme après un KO technique ! Va falloir que je laisse décanter tout ça, le meilleur surnagera comme d’habitude…
Analysons les choses froidement : cette édition a été un vrai succès ! Comme je suis un cartésien, voici quelques chiffres à la louche qui disent l’ampleur du tourbillon : pendant 8 jours, le festival a enregistré près de 15000 entrées en salle (autant que d’habitants !) pour 144 films projetés ; il y avait 97 invités, 300 bénévoles et 1000 couverts par jour servis sur la place de la Poste … waouh !
Je me souviens au début de la semaine, pourtant j’avais la patate. J’avais un joli pass pour voir les films, 2 tickets repas, 3 tickets boissons et la revue du festival, privilège d’invité. Au premier abord, le programme m’a paru quand même un peu compliqué, c’est qu’il y a plusieurs sélections qui se côtoient à Douarnenez ! Et cette année le menu était particulièrement corsé, jugez plutôt : Il y avait donc d’abord les films des communautés autonomes d’Espagne ( catalans, basques, galiciens et andalous). Il y avait les films de la « grande tribu », une sélection large des grands films des moments, mais aussi les films des bretons, les films du monde des sourds, invités pour pour la 4ème année consécutive, des films pour les enfants et enfin une nouvelle sélection de films LGBTQI, pour Lesbiennes, Gays, Bisexuelles, Transgenres, Queer et Intersexuées… Je vous avais prévenu : faut être bien réveillé !
Ayaya… me suis-je dit en contemplant mon programme multicolore, comment je vais faire pour choisir dans tout ça ! En fait, passé le premier moment de découragement, il ne faut pas trop s’inquiéter, c’est toujours comme ça le festival de DZ ! Il faut se résoudre à faire le deuil des projections qu’on ratera et puis se laisser porter par la vague ( salée ).
J’ai senti que l’Espagne était riche de cultures écrasées mais qui revivent.
J’ai appris que LGBTQI, ça se prononce très vite ( c’est marrant à faire ), et que les Queer sont avant tout des activistes .
J’ai vu que la langue des signes a l’air plus efficace que nos labiales : on peut se parler à distance sans bordel. Cette année il y avait des interprètes en langues des signes un peu partout et dans les salles aussi pour traduire ! Je ne me lasse pas de les regarder.
J’ai retrouvé le chemin de la plage des Dames, par la rue des baigneurs, pour le bain kamikaze qui fait quand même du bien, passé le premier moment de la mise à l’eau bien sûr… Comme ça, on aperçoit l’ile Tristan en faisant la planche avant de replonger dans les salles obscures.
Et s’il ne devait rester qu’une scène d’un seul film que j’ai vu cette semaine à Douarnenez, ça serait celle-ci. Je me rappelle, c’était au Club, au milieu du film Five Broken Caméras, du palestinien Emad Burnat et de l’israelien Guy Davidi. Emad tient la caméra et sa voix off nous parvient, tranquille : « Je ne sais pas pourquoi je filme, parfois j’ai l’impression que ça me protège … mais c’est faux ». Il filme son frère qui est arrêté par des soldats de Tsahal pour avoir manifesté contre la construction d’un mur entre son village Bil’in et ses oliviers. Ils sont en train de l’embarquer dans une jeep blindée, sa mère est en pleurs et tente de retenir les soldats, son père est juché sur le capot de la jeep et s’accroche au pare-brise grillagé, un soldat le tire par le pantalon, Emad filme tout ça, il filme aussi sa femme et son fils de 4 ans qui assistent à la scène…
Des moments de cinéma intenses, durs, émouvants, qui te font grandir… Une fois de plus il y en avait plein cette semaine à Douarnenez, fallait venir ! Alors merci à tous ceux qui rendent ça possible…. Faut rien lâcher, tout est à faire, à l’année prochaine avec le même soleil ( ça c’était inespéré ! ).
Mathurin Peschet, réalisateur