La série d’initiative régionale Si je veux commence son parcours avec une sélection (en compétition !) au Festival de La Fiction de la Rochelle (du 16 au 21 septembre 2025).
Réalisée par Bénédicte Pagnot, cinéaste phare de notre territoire (notons son premier long métrage, Les Lendemains, sorti en salle en 2012), Si je veux est une mini-série en 3 épisodes. Tournée à Brest et en Guyane, la série propose un portrait contemporain et sensible sur la maternité, à travers trois personnages de trois femmes que l’on suit dans leur quotidien, leurs joies et leurs combats. C’est également la première série produite par Blue Hour Films – société rennaise dont les films font régulièrement le tour des festivals. La série a notamment reçu le soutien de la Région Bretagne / Bretagne Cinéma.
La série sera primo-diffusée en fin d’année sur France 3 Bretagne, avant d’être diffusée sur les chaînes locales et TV5Monde.
À l’occasion de sa sélection à La Rochelle, 4 collaborateurices de l’équipe du film nous ont partagé leurs expériences : Bénédicte Pagnot, réalisatrice, Thomas Guentch, producteur, Gigi Ledron, actrice (qui joue le rôle de Bertille), ainsi que Julien Cadilhac, monteur…
Bénédicte Pagnot, réalisatrice
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Bénédicte Pagnot, réalisatrice
Après un master d’études audiovisuelles à Toulouse, Bénédicte Pagnot s’installe en Bretagne. Depuis son premier court métrage La Petite cérémonie en 2001, elle alterne la réalisation de fictions et de documentaires. En 2013 sort au cinéma son premier long métrage : Les Lendemains, prix du public au festival Premiers Plans d’Angers.
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Photo : Vincent Gouriou
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SON RETOUR D'EXPÉRIENCE :
Je l’avoue : quand Gilles Padovani – producteur de la plupart de mes films dont Les Lendemains – m’a suggéré de transformer mon projet pensé sous la forme d’un long métrage pour le cinéma en série pour la télévision régionale, je n’ai pas été immédiatement réjouie. Deux raisons à cela : en tant que spectatrice, j’aime la salle de cinéma pour son grand écran, pour être coupée du monde, entourée d’inconnus ; en tant que réalisatrice, j’aime les séances de rencontre avec le public parce qu’elles m’apprennent beaucoup sur mon travail.
Je l’avoue aussi : c’est moi qui disais à Gilles depuis plusieurs mois qu’il fallait qu’il trouve une idée, une solution parce que j’étais sûre qu’« on » (le CNC, les diffuseurs nationaux…) ne nous donnerait pas une seconde chance pour faire un long métrage de fiction ensemble (à tort ? à raison ? peu importe) donc je ne pouvais pas lui en vouloir de me faire cette proposition. Après trois secondes de déception (cinq maximum !) j’ai finalement été séduite par l’idée de Gilles : découper l’histoire en épisodes allait probablement permettre à Emmanuelle Mougne – la coscénariste – et moi de régler des problèmes sur lesquels nous butions inlassablement puisque je refusais de n’avoir qu’un seul personnage principal. Et la perspective d’être obligée de travailler autrement m’intéressait : un tournage pour la télévision m’imposerait un rythme différent de celui de Les Lendemains.
Gilles ayant décidé d’arrêter son activité, l’aventure a continué avec Thomas Guentch, producteur de Blue Hour Films. Une très belle première fois.
J’ai un peu déchanté quant à la perspective de travailler autrement lorsque les 30 jours de tournage envisagés sont passés à 28, et encore plus quand ils se sont réduits à 26… Je ne partage pas l’idée que « less is more ». Less is less ! L’ultime ré-écriture a été très douloureuse pour moi malgré l’aide précieuse de Katell Guillou qui nous avait rejointes au scénario. Je me disais : « À force de réduire, ne suis-je pas en train de perdre ce qui me tient profondément à coeur ? Aurai-je suffisamment de temps sur le tournage pour faire exister la complexité de mes personnages, tous mes personnages ? ».
La prépa avait déjà commencé : j’étais entourée par une équipe enthousiaste et généreuse, j’avais trouvé toutes mes formidables comédiennes et comédiens, les repérages des décors étaient en cours. Il fallait que le positif prenne le dessus sur le négatif : j’allais enfin pouvoir réaliser Si je veux. À moi de travailler pour que les spectateurs ressentent ce qui me tenait à coeur et la complexité de mes personnages.
Pendant le pot à la veille du premier jour de tournage, j’ai dit à l’équipe présente quelque chose comme : « je me suis fixée deux objectifs : réussir Si je veux et prendre du plaisir pendant le tournage » (l’inquiétude avait souvent pris le pas sur le plaisir sur mes tournages de fiction précédents). « Réussir » ça voulait dire être contente du résultat sans me focaliser sur ce que j’aurais voulu meilleur, et ne rien regretter, ou presque rien. Mes deux objectifs ont été atteints : les regrets sont petits et les plaisirs ont été grands.

Thomas Guentch, producteur (Blue Hour Films)
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Thomas Guentch, producteur
Thomas Guentch fonde Blue Hour Films avec l’ambition de faire émerger des œuvres libres, exigeantes et singulières, ancrées dans les réalités contemporaines. Depuis 2010, il a produit plus d’une vingtaine d’œuvres sélectionnées et primées dans de nombreux festivals en France et à l’étranger. Après plusieurs courts métrages, il produit des longs métrages en coproduction internationale présentés à la Berlinale ou à Cannes – Un certain regard. Parallèlement, il enseigne la production, le droit et l’économie du cinéma dans plusieurs écoles. Il est membre de l’Académie des César.
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SON RETOUR D'EXPÉRIENCE :
Quand Gilles Padovani m’a confié Si je veux, le projet était déjà imaginé en série TV. Son intuition d’ouvrir cette voie a été décisive, et j’ai eu la chance de reprendre le flambeau d’un travail qu’il avait amorcé avec Bénédicte Pagnot. C’était pour moi l’occasion d’accompagner, pour la toute première fois, une fiction TV.
Passer du cinéma à la série a été une expérience très stimulante, avec la nécessité de repenser l’écriture et la production pour intégrer un autre rythme, d’autres attentes. Si je veux n’est pas une série comme les autres : il s’agissait d’un projet de long-métrage que Bénédicte portait depuis des années. Son choix de raconter l’histoire à travers trois protagonistes a rendu possible cette métamorphose en trois épisodes, avec l’apport précieux des scénaristes Emmanuelle Mougne puis Katell Guillou, que je lui ai présentée. Je me suis investi dans l’accompagnement de la réécriture jusqu’à l’obtention des financements (Bretagne Cinéma, Commission du film Guyane, CNC Fonds de soutien audiovisuel…).
Malgré l’engagement des diffuseurs et des soutiens publics précieux, nous étions dans une économie très fragile face aux standards des séries nationales. Quelques mois avant le tournage, une réécriture s’est imposée pour réduire le nombre de jours de tournage. Le double ancrage territorial, de Brest à Saint-Laurent-du-Maroni, impliquait en effet une production entre deux continents et des équipes mixtes Bretagne-Guyane : un défi logistique et budgétaire majeur. Les repérages en Guyane, avec une équipe bretonne très impliquée (que je remercie ici) et la rencontre avec notre producteur exécutif local, ont été décisifs pour anticiper contraintes et obstacles. Le tournage a été l’occasion d’initier une collaboration nouvelle avec France 3 Bretagne et les équipes techniques de La Fabrique – France Télévisions, qui ont accompagné le projet avec exigence et savoir-faire.
Suite au montage à Douarnenez chez Julien Cadilhac, la post-production a nécessité une coordination étroite avec trois antennes de France Télévisions : Rennes pour le montage son, le mixage et les finitions, Nancy pour les VFX, et Lille pour l’étalonnage, les bruitages et la post-synchro.
À la suite de cette expérience, je suis ravi qu’une série si singulière, qui met notamment en lumière trois personnages de femmes noires originaires des Outre-mer (des profils encore largement sous-représentés dans la fiction française) rayonne à travers la sélection au Festival de la Fiction TV de La Rochelle qui est une magnifique reconnaissance. Elle salue non seulement le travail d’une équipe et la persévérance d’une réalisatrice, mais aussi l’ambition d’une filière régionale qui croit à la force de ses histoires. Voir une série initiée en région se hisser parmi les meilleures productions nationales est un succès collectif très encourageant pour l’avenir de la fiction TV « made in Breizh ».

Gigi Ledron, actrice
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Gigi Ledron, actrice [Rôle : Bertille]
Née à Saint-Denis, en banlieue parisienne, elle se passionne toute jeune pour le chant. Ce sera le Jazz qu’elle interprètera en petite et grande formation, se produisant dans des festivals ou au Petit Journal Montparnasse. Elle se tourne vers la comédie dans les années 2000 et on la verra dans plusieurs longs métrages réalisés par Ivan Calberac ou Christopher Thompson ou encore l’anglais Michael Winterbottom. À la télévision, on la voit dans plusieurs séries comme Engrenages, En Famille ou encore Dix pour Cent. Elle est actuellement sur plusieurs projets de cinéma et un projet de théâtre À la folie autour de la santé mentale, grande cause nationale 2025.
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Photo : Candice Nechitch
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SON RETOUR D'EXPÉRIENCE :
Tout commence par une vraie rencontre, avec Bénédicte Pagnot, la réalisatrice. De véritables échanges. Ce qui est très précieux pour l’actrice que je suis. Des essais nourris. Un coup de cœur pour cette femme passionnée, engagée et profondément humaine. Il paraît que je fais un peu jeune pour le rôle : celui d’une maman de 2 filles et grand-mère. Cela inquiète un peu Bénédicte et elle m’en fait part. De mon côté, j’ai une entière confiance : si ce rôle est fait pour moi, il me reviendra. Qu’à cela ne tienne ! Je reçois un coup de fil fin 2023 aux alentours de Noël. Mes essais ont été très appréciés et Bénédicte veut absolument que j’incarne « sa » Bertille !! La magie du cinéma fera le reste !!
C’est alors un énorme élan de bonheur et de reconnaissance que je ressens. Ce rôle d’une mère aimante, à l’écoute, pas toujours d’accord avec ses filles mais avec ce désir de les comprendre et de les accompagner dans leurs choix. Bertille est très présente pour sa famille. C’est une femme qui sait ce qu’elle veut aussi pour elle-même et ça c’est très important. C’est ce qui va ramener tout ce beau monde en Guyane.
J’ai vraiment adoré tourner dans un premier temps en Bretagne, à Brest, ville que je ne connaissais pas et que j’ai trouvé assez mystérieuse, comme si elle renfermait de nombreux secrets, parfaitement en accord avec cette histoire.
Ensuite mes retrouvailles avec la Guyane où j’avais joué au théâtre il y a 8 ans à Cayenne. Avec la série, cette fois ci, je découvre Saint-Laurent-du-Maroni. L’impression de retrouver d’autres racines. Bertille va d’ailleurs s’y replonger physiquement et mentalement. Cette Guyane forte de sa pluralité de culture : les créoles, les amérindiens. Une partie du tournage s’est fait à bord de pirogues. Je n’y étais pas mais j’ai eu le bonheur d’une belle rencontre joyeuse avec les piroguiers bushiningue : Jyclo, Tino, Loro et Michel que je n’oublierai pas !
J’ai même eu la chance et l’honneur de découvrir et de jouer en créole guyanais, cousin du créole martiniquais que je parle déjà de part mes origines.
Et puis il y a eu aussi le camp de la transportation (tous les condamnés au bagne passaient par là avant d’être répartis dans différents pénitenciers du territoire) : un lieu de mémoire incroyable devenu lieu culturel, lieu de HMC ! Beaucoup d’émotions intenses à fouler ce sol !!
Des souvenirs impérissables grâce à ce tournage et à ce rôle fort en émotions. Série forte également en terme de représentativité : les 3 rôles principaux étant interprétés par trois femmes noires, ce qui reste rare dans le paysage audiovisuel. Les thématiques lui donnent une dimension universelle qui parle à tout le monde.
L’occasion de remercier mes partenaires de jeu : mes filles interprétées par Chloé Lecerf et Océane Caraity, Marc Brunet, qui joue Loulou mon compagnon aimant et protecteur, sans oublier le personnage de mon petit fils, Jahmy, interprété avec brio par Ilyas Madi Pelleau.
Merci à Thomas, Mélissa de Blue Hour !
Merci à l’ensemble de l’équipe technique, d’un engagement sans faille.
Et surtout merci à Bénédicte Pagnot grâce à qui Bertille restera dans mon cœur à jamais !

Julien Cadilhac, monteur
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Julien Cadilhac, monteur
Julien débarque en Bretagne en 2001 et construit pas à pas un réseau avec les sociétés de productions de la région et les réalisateur·ices d’abord de documentaires puis alternant avec la fiction à partir de 2007. Par ailleurs réalisateur de films musicaux, Julien a co-fondé le Pôl.e audiovisuel Douarnenez-Cornouaille en 2017.
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SON RETOUR D'EXPÉRIENCE :
Si je veux est pour moi une première expérience en série. J’avais monté quelques longs et moyens métrages auparavant (Nomades, d’Olivier Coussemacq ; Libre Garance et Eva voudrait, de Lisa Diaz…) mais appréhender une histoire à l’échelle de plusieurs épisodes était une nouveauté. En parallèle, c’était notre première expérience commune avec Bénédicte Pagnot. La proposition de cette collaboration est arrivée par l’intermédiaire du producteur de Blue Hour Films, Thomas Guentch, avec qui j’avais déjà travaillé en documentaire dans les années 2015 (Quatre saisons, de Pauline Burguin).
Le travail sur Si je veux a été spécifique puisque j’ai démarré le montage en cours de tournage, ce qui n’est plus si fréquent et ne m’était encore jamais arrivé. L’œuvre était produite pour la télévision, avec ce que ça comportait d’exigences en terme de temps de montage assez serré et du planning de post-production déjà calé dans un avenir proche. La construction du scénario était de sorte que chacun des trois épisodes se focalisait sur chacune des trois personnages principales (Bertille, la grand-mère guyanaise, Amélie et Flora, ses deux filles). Les deux premiers épisodes se déroulaient à Brest et le dernier en Guyane. Une fois le tournage brestois achevé et avant que Bénédicte ne s’envole pour la Guyane (soit à peine quelques jours !), nous avons dérushé les tournages brestois en 72h (quasi non stop !) dans l’objectif que je puisse démarrer le montage durant en l’absence de Bénédicte.
Ensuite, cela s’est déroulé comme j’aime bien proposer de le faire avec les réalisateur·ices avec qui je travaille, à savoir faire un premier montage seul en version zéro fidèle au scénario et aux choix de prises qu’on l’on a pu faire en dérushage. Bénédicte est donc rentrée de Guyane avec deux épisodes à découvrir et un à démarrer. La phase de montage à deux a été assez classique, déterminant ce qui fonctionne directement ou ce qui nécessite de s’écarter du scénario d’origine. Nous alternions des phases où je réclamais d’être seul pour faire des propositions larges et les moments en commun pour affiner, douter, remettre en cause, expérimenter… puis avoir les retours d’abord de la production puis de spectateurs-test. La spécificité des trois épisodes concernait l’équilibre entre les trois, les interactions entre chacun. Le scénario était assez clair sur la séparation entre épisodes et il n’était pas question de glisser des séquences de l’un dans un autre. En revanche, certaines séquences s’avéraient dispensables à l’échelle de toute l’histoire, d’autres pouvait changer de place et s’alléger, ou à l’inverse se renforcer.
J’ai apprécié de pouvoir assister en post-production aux finitions du mixage à France 3 à Rennes et de pouvoir rappeler certaines intentions de montage qui avaient pu s’amenuiser au fil du montage son et du mixage. Je n’ai pas pu assister à l’étalonnage mais ai découvert lors de l’avant-première un beau film qui assure aussi en salle de cinéma !
LA SÉRIE

Si je veux de Bénédicte Pagnot
3 x 40′ • France • Sortie fin 2025
Amélie aime tellement donner la vie qu’elle veut porter l’enfant d’un couple qui ne peut pas en avoir. Sa sœur Flora a un fils de 6 ans à qui elle dit à peine bonjour. La mère des deux sœurs, Bertille, pilier de cette famille bresto-guyanaise, tombe malade.