Ils s’appellent les Garrdiennes et les Garrdiens. Ils existent depuis septembre 2019 et sont désormais au nombre de 360. Ils sont auteurs et réalisateurs « du réel », réunis dans un nouveau syndicat : la Guilde des Auteurs-Réalisateurs de Reportages et de Documentaires.
Mars 2019, au Cinéma du Réel, se tient une assemblée du Syndicat Français des Réalisateurs-CGT qui aborde la question de la convention collective des réalisateurs et la négociation d’un salaire minimum – 120€ brut jour, proposés à ce moment-là par les syndicats de producteurs. De nombreux réalisateurs réagissent et créent un groupe Facebook – Real de Docu – que rejoignent rapidement plus de mille personnes ! Rendez-vous est donné en avril au Point éphémère à Paris, avec plusieurs centaines de réalisateurs présents. Une question se pose : faut-il créer un syndicat ? Le vote a lieu le mois suivant, le statut de syndicat est choisi à plus de 98% des votants (425 pour, 7 préférant l’association).
Un comité provisoire de 17 personnes se constitue. Parallèlement, un financement participatif réunit 25 000 € – avec plus de 600 contributeurs – permettant notamment d’engager un avocat. L’Été est consacré à la rédaction des statuts de cette future Guilde. Certains se rendent également au Sunny Side of the Doc à La Rochelle, aux États généraux du film documentaire de Lussas, ou encore au Festival de Cinéma de Douarnenez, pour expliquer la démarche et fédérer les réalisateurs. Le 3 septembre dernier, une assemblée générale vote la création officielle du syndicat. Robin Huzinger, vice-président dans ce premier conseil d’administration qui sera renouvelé pour moitié le 24 février prochain lors de la nouvelle assemblée générale, précise :
« Il existait déjà des syndicats en effet, mais surtout pour les techniciens ; pour les réalisateurs il y a principalement le SFR-CGT, créé en 1968, avec lequel nous étions en désaccord notamment sur la question du salaire minimum, leur demande étant un salaire minimum fort pour tous avec le risque de faire disparaître les films fragiles… Nous défendons un salaire minimum, au-dessus de celui des techniciens, mais aussi la nécessité d’un système dérogatoire dans le cas des petits budgets (cf. annexe III de la Convention Collective du cinéma) et la possibilité d’entrer en participation pour les réalisateurs. »
Mais alors, à qui s’adresse la GARRD ?
« La GARRD est un syndicat professionnel, il représente une corporation qui défend les auteurs de documentaires et grands reportages qu’ils soient réalisateurs, journalistes ou auteurs… On défend tout le monde ! Représenter toute la profession permet d’être écouté », répond Robin Huzinger, faisant allusion aux différents syndicats de producteurs existants qui reflètent des manières diverses de travailler. « La GARRD compte actuellement plus de 360 membres, venant de partout. Il y a des gens qui ont eu le prix Albert Londres (Grand reporter), d’autres qui ont été primés au Cinéma du Réel ou au FID-Marseille, c’est à dire plutôt axés sur le documentaire de création voire de recherche, tandis que certains travaillent pour des chaînes régionales. Et puis il y a aussi une nouvelle génération de réalisateurs qui démarrent via la Télévision Numérique Terrestre…»
Quels sont les axes de travail ?
Robin Huzinger insiste : « Notre objectif principal est de replacer l’auteur au centre de l’économie de ses films afin qu’il redevienne le premier interlocuteur, aussi bien sur le plan artistique qu’éditorial ». Avec sa devise « informer, défendre, influencer » et l’appel de sa présidente, Elisabeth Drévillon, pour « travailler à rendre notre univers meilleur et solidaire », la GAARD s’attaque a de nombreux chantiers que ce soit dans les négociations avec les producteurs, les diffuseurs ou avec les partenaires sociaux. À leur agenda politique : l’accès des auteurs-réalisateurs aux budgets de leurs films ; le travail sur la convention collective avec cette question du salaire minimum et du système dérogatoire pour les films « fragiles » (avec comme corollaire une étude juridique d’envergure, en cours, sur la grille des salaires effectifs dans l’idée de faire avancer les choses vers le haut) ; la question de la rémunération en salaire et non en droits d’auteurs ; la charte tripartite auteur-producteur-diffuseur pour une augmentation des cases et du financement pour les documentaires de création sur les chaînes publiques, mais aussi la revalorisation du financement des reportages et films d’investigation ; les conditions d’attribution de la carte de presse ; la représentativité dans les organes de décision ; les retraites…
Sur ce dernier point, un décret gouvernemental vient d’être annoncé pour la prise en charge par les producteurs de 25% des cotisations part salarié au RAAP – régime d’assurance vieillesse complémentaires dont dépendent les réalisateurs de documentaires. « On a enfin obtenu les mêmes droits que les auteurs de fiction ! », s’enthousiasme le vice-président de la GARRD. Outre les rendez-vous mensuels instaurés avec la Société civile des auteurs multimedia (Scam), la GARRD a déjà rencontré le Ministère de la Culture, le CNC, Arte, France TV – avec qui le travail porte sur une charte des bonnes pratiques – et des rendez-vous sont pris avec TF1, M6, Public Sénat… Par ailleurs les Garrdiennes et Garrdiens ont été auditionnés en janvier, à l’Assemblée Nationale, dans le cadre du projet de loi sur l’audiovisuel. « Si on nous regardait au début avec une certaine défiance, nous sommes rapidement devenus un interlocuteur important… On occupe le terrain ! », se réjouit Robin Huzinger.
N’ont-ils pas l’impression de faire de l’ombre aux organisations préexistantes qui travaillent depuis des années sur ces mêmes questions ?
« La GARRD travaille en concertation avec la Scam qui fait un boulot magnifique et fort sur le statut des auteurs. Nous, nous travaillons sur le statut du réalisateur, pour la part salariale ». Quant aux associations régionales ou nationales, telles que celles réunies par la Boucle documentaire, dont la GARRD soutient la mobilisation, « elles défendent un genre tel que le documentaire de création, nous défendons un métier, celui des auteurs-réalisateurs. On est un syndicat unitaire, c’est très différent, nous n’avons pas le même rôle. Mais on peut travailler ensemble et on va le faire ! » Une rencontre a d’ailleurs eu lieu le vendredi 31 janvier entre la GARRD et la Boucle documentaire.
Avec ces nombreuses adhésions, la GARRD a constitué un budget assez important pour recruter, dans les semaines à venir, son·sa délégué·e général·e. Cette personne, au profil de juriste, pourra conseiller les auteurs, avec le cabinet d’avocats qui travaille pour la GARRD. Dans les mois qui viennent, la guilde a pour principal objectif d’obtenir le statut de Syndicat représentatif, afin de pouvoir accéder à toutes les discussions paritaires. Au-delà du caractère légal, cette représentativité dépendra aussi, bien sûr, de la diversité des adhérents qui la composent et de leur capacité à se faire entendre.
Pour cela, un rendez-vous à ne pas manquer : l’assemblée générale du lundi 24 février !
Célia Penfornis