Demain, et tous les jours d’après…

« Notre monde, demain, sera ce que nous voudrons qu’il soit. Mais il faut le vouloir durement et longtemps. Il faut savoir que les luttes de la Libération ne sont qu’un prélude de celles qui nous attendent. » Albert Camus, in Éditorial à la revue « Combat », 14 décembre 1944

Chères Adhérentes, Chers Adhérents,
Chères Amies et chers amis de Films en Bretagne,

La période de crise sanitaire que nous traversons est inédite.

Toutes et tous, autant que nous sommes, faisons face à des difficultés, des craintes, des questionnements et de nouveaux défis. Toutes et tous, autant que nous sommes, faisons ce qui est à notre portée pour lutter contre la propagation de la pandémie, à savoir rester chez nous, veiller à notre santé et celle de nos proches, et tenter de préserver notre activité professionnelle.

Après ces premières semaines de confinement, nous déplorons malheureusement, une fois de plus, la propension des périodes troubles à se faire le terreau des instincts et des réflexes les moins constructifs, les moins valorisants, les moins humains aussi : défiance sécuritaire, sémantique martiale, fantasme du repli sur soi, affects identitaires.

Parallèlement, il y a aussi la tentation des préceptes miroitants de « l’happycratie » dont nous abreuvent les réseaux sociaux depuis longtemps, mais ici poussés à leur paroxysme, à coups d’injonctions positives autour du bonheur familial retrouvé, des douces retrouvailles avec les « choses importantes de la vie » et de la chance que pourrait constituer cette crise pour renaître à nous-mêmes. Chimère. Destinés arbitraires.

Il se trouve que le Covid-19 est un virus, aujourd’hui une pandémie, et en tous cas un mal NON nécessaire.

Il révèle néanmoins, dans l’adversité brutale et la sidération, la fragilité de l’édifice et l’inanité des certitudes, l’évidence de devoir travailler nos corpus de valeurs. Nos valeurs ont des conditions d’application, des présupposés, des convictions… Ces choses sur lesquelles il convient plus que jamais de ne pas transiger, au-delà des postures, au delà des mantras, au delà des promesses.

Parce que l’enjeu est bien là : « Où atterrir ? » (pour reprendre un mot de Bruno Latour, toujours de bon conseil en pareils circonstances).

La temporalité nouvelle (tiraillée entre l’urgence et l’entrave), l’isolement, une forme d’impuissance, les solidarités qui naissent ou s’évanouissent (par omission), les désirs et les espoirs, les malheurs personnels qui sourdent dans la rumeur terrible tout autour… Ce sont là autant d’instant à vivre, éprouver et documenter. Parce que parler, écrire et s’exprimer, est salutaire en telles circonstances.

S’extraire de l’imprécation et de la vindicte.

La culture et la création sont des réponses aux peurs et aux espoirs qui nous traversent, nous, comme de nombreux européens. Elle demeure un outil et un espace de réinvention, d’imagination, de construction politique. Elle est la possibilité d’établir des connexions avec un « après » que nous nous jurons de vouloir « meilleur ».

C’est dans cet esprit qu’à l’initiative des représentants du collectif Films en Bretagne, nous ouvrons ici un espace de publication. Nous vous invitons toutes et tous à nous adresser vos contributions (écrits, vidéos, photos, images) pour documenter cette période difficile et imaginer les contours de « celle d’après ».

Visons à ré-inventer nos pratiques et nos métiers. Pour demain, et tous les jours d’après.

Franck VIALLE
Directeur de Films en Bretagne