Sélectionné en compétition internationale au Cinéma du Réel, Nofinofy le documentaire du réalisateur Michael Andrianaly s’est vu récompensé de deux prix. Fruit d’une coproduction franco-malgache – Les Films de la pluie, Imasoa Film et les chaînes locales de Bretagne, ce film tourné à Madagascar et monté en Bretagne résulte d’une belle collaboration par-delà les frontières.
Si on lui avait annoncé que c’est auréolé des prix de l’Institut Français-Louis Marcorelles et du Prix Loridan-Ivens/CNAP, que Michael Andrianaly repartirait du Festival international du film documentaire Cinéma du réel, le jeune réalisateur malgache n’y aurait peut-être pas cru. Le sourire aux lèvres et l’œil amusé, il raconte : «J’étais resté discuter au bar avec quelques personnes et quelqu’un est venu me chercher m’annonçant que j’allais recevoir un prix. Je me suis présenté à la cérémonie, ai récupéré mon trophée, et m’apprêtais à retrouver mes amis lorsque Claire Simon m’a rattrapé : un second prix m’attendait ! » Surprise, Sylvie Plunian, productrice chez Les Films de la pluie, l’était tout autant : « Le film a été sélectionné au Cinéma du Réel, au Millenium Festival ainsi qu’à Vision du réel, trois festivals internationaux, on sent qu’une étape a été franchie. » Enthousiasme partagé par le réalisateur qui ajoute : « D’ailleurs, c’est la première fois qu’un cinéaste malgache est primé au Cinéma du Réel. »
Nofinofy littéralement « rêve » en malgache nous emmène à la rencontre de Roméo, coiffeur de Tamatave, dans son parcours du combattant pour ouvrir un salon en dur. Une trame narrative un peu différente des intentions initiales du réalisateur. « Au début, mon point d’entrée était la question du handicap de Roméo mais je me suis rapidement rendu compte que ce qui m’intéressait chez lui, ça n’était pas son infirmité, c’était son caractère battant. J’y voyais là l’occasion de déconstruire certains aprioris sur les Malgaches ». Imaginé alors comme un huis clos dans le salon de coiffure, le film donnerait à entendre, à travers les discussions politiques des clients, les difficultés économiques et sociales auxquelles sont confrontés les malgaches. « Et puis le réel nous a rattrapé et le salon a été détruit. » Persuadé que cela signe l’arrêt du film, Michael Andrianaly entame une période de questionnements et de doutes. Huit mois s’écoulent avant que le réalisateur ne change son fusil d’épaule et décide de prendre en charge le récit : « Le seul moyen de poursuivre le film c’était de trouver un autre salon pour Roméo, alors je me suis mis en quête. ». Chef opérateur, Michael passe de l’autre côté de la caméra et devient personnage du film. Pour son ami coiffeur, il répertorie les locaux disponibles, cartographie les lieux allant jusqu’à superviser et participer financièrement à la construction d’un nouveau local.
Coproduit par Les Films de la pluie, Les chaînes locales bretonnes Tébéo, Tébésud et TVR, et Imasoa Film, société de production du réalisateur, Nofinofy a été entièrement postproduit en Bretagne. « J’ai rencontré Sylvie alors que je participais à une résidence d’écriture organisée par l’association Docmonde¹, se souvient le réalisateur. Un copain s’était désisté et m’avait demandé de le remplacer. Heureux hasard qui permet à Michael Andrianaly et à Sylvie Plunian, alors directrice de production, de se rencontrer autour d’un court-métrage. Puis la productrice lance sa société, Les Films de la pluie et produit le premier moyen-métrage du cinéaste, Njaka Kely, portrait d’un conducteur de cyclo-pouce. « Ce que j’aime particulièrement dans ses films, c’est le caractère humain qui en émane. À partir d’une personne Michael nous parle de la société malgache. Ses films, ce sont bien plus que des portraits. » S’annonce alors entre la productrice et le réalisateur le début d’une collaboration qui ne semble pas près de s’arrêter et qui mobilise une petite équipe de professionnels bretons tels que Denis Rollier, consultant en écriture, Denis Le Paven, monteur ou encore Vincent Pessogneaux de Nomades Productions pour le mixage.
Un duo monteur-réalisateur qui n’en n’est pas à son coup d’essai. Si Denis Le Paven et Michael Andrianaly s’étaient déjà rencontrés lors du montage de Njaka Kely, celui de Nofinofy représentait un nouveau défi : « D’abord, s’est posé le problème de la langue, il a fallu comprendre la matière, se souvient Denis Le Paven. Je disposais certes de la transcription d’une bonne partie des rushes mais dès que cela devenait plus précis, nous devions en passer par le sous-titrage. Là, nous nous sommes confrontés à un autre problème : la langue malgache est plus allusive. Il y a une barrière culturelle à dépasser. Par exemple, certaines scènes du film donnent à voir des discussions entre clients qui pour un public français paraissent tout à fait anodines mais qui, en réalité, témoignent d’une extrême tension. Mon travail alors consiste à décrypter : le film doit être visible par un Malgache comme par quelqu’un qui ne dispose pas de cette culture. Avec Michaël, on a cherché cet équilibre dans le montage.» À ces paramètres culturels, s’en est ajouté un autre lié au contexte politique de Madagascar : « Au tournage, les gens étaient en confiance et se sentaient libres d’exprimer leurs opinions. Au montage, nous avons été vigilants à ce qu’aucune parole ne puisse mettre en danger celui qui la prononce. » Le binôme semble avoir trouvé une belle complémentarité.
Reparti à Madagascar pour travailler sur son prochain film, Michael Andrianaly est déjà attendu à Logonna-Daoulas dans le Finistère où Sylvie Plunian a installé sa société de production.
« En tant que productrice, c’est très intéressant de développer une relation de travail avec un réalisateur, d’avoir ce temps pour créer des habitudes de travail, des affinités. J’ai l’impression de l’accompagner dans l’écriture de sa filmographie. Toutefois, tempère la productrice qui se prépare à produire le quatrième film de Michael Andrianaly, il est difficile de convaincre des diffuseurs français de s’engager sur des films africains réalisés par des Africains, soulignant l’engagement de Tébéo dès le début du projet. Denis Le Paven se tient prêt également et encourage ces échanges : « C’est difficile de faire un film tout seul qui plus est à Madagascar. Là-bas, il faut se battre pour tout, alors que des locaux puissent produire c’est essentiel ! » En attendant le prochain documentaire de Michael Andrianaly, rendez-vous à partir du 18 avril sur les chaines locales de Bretagne pour voir Nofinofy.
Elodie Gabillard
¹ Docmonde organise des programmes de formation, ateliers d’écriture et des rencontres de coproduction à l’international.