Lancé en janvier dernier, ce système d’abonnement à une sélection de courts-métrages produits ou tournés en Bretagne permet le retour des films courts en avant-séance dans les salles. Décryptage avec Rosemonde Roussey, coordinatrice du dispositif pour Zoom Bretagne.
Traditionnellement, c’est un plaisir de voir revenir dans nos assiettes ce petit légume blanc à tête rouge. Cette année, c’est au cinéma qu’on y goûtera sous une autre forme ! Car ce Réseau Alternatif de Diffusion est aussi un outil bien connu des producteurs de courts-métrages et des salles de cinéma qui affectionnent ce genre. Orchestré au niveau national, depuis vingt ans, par l’Agence du court-métrage, il propose aux exploitants un catalogue de films courts à un tarif négocié.
En Bretagne, la mise en place d’un RADi « décentralisé » est une suite logique de la mission Zoom Bretagne confiée à Cinéphare pour la diffusion des films produits et tournés dans la région. Au cœur d’un réseau dense de diffuseurs – le parc de salles en Bretagne compte plus de 200 écrans – et d’un dynamique tissu de créateurs, Rosemonde Roussey ne doutait pas de l’intérêt des exploitants pour le format court. « Et nous bénéficiions de l’ancienneté du dispositif national, bien identifié par les exploitants. Sur la trentaine de salles qui ont adhéré à notre dispositif, vingt étaient déjà adhérentes au RADi national, c’est un signe fort. Ces cinémas ont souhaité aller plus loin et proposer à leur public des œuvres qui s’inscrivent dans une proximité. »
La campagne de sensibilisation a démarré au dernier trimestre 2014. « Nous cherchions à atteindre le plus de salles possible. Elles ont reçu un catalogue dès novembre, avec des liens privés de visionnage pour découvrir les films… Il s’agissait à la fois de les « appâter » et de leur laisser le temps de construire leur programmation ». Première satisfaction de ce lancement : dix nouveaux venus entrent dans la danse dès janvier.
Quels films ?
En concertation avec l’équipe de Côte Ouest, des bénévoles qui participent à la sélection des films pour le Festival du Film Européen de Brest, et Cécile Éveno, en charge du court-métrage au FACCA (fonds d’aide de la Région Bretagne, ndlr), Rosemonde Roussey a sélectionné les films du catalogue 2015. La recherche a porté sur des films de moins de vingt minutes et plutôt vers ceux qui n’étaient pas déjà sélectionnés par le RADi National, afin de diversifier l’offre. « Nous ne nous sommes pas fixés sur des thématiques, notre premier objectif était que les salles adhérent et programment. Elles sont demandeuses de films de moins de douze minutes puisqu’ils sont essentiellement voués à être projetés en avant-séance. Elles ont aussi avancé un autre critère, plus commercial, cette fois : des films pas trop « difficiles » ! Deux tiers ont été produits en Bretagne, le reste provient de structures parisiennes mais ont été tournés ici. La plupart ont été soutenus par la Région. »
La politique d’aide de la Région Bretagne profite également directement au RADi avec le nouveau volet diffusion ajouté à la convention CNC-Région (1). « Ce soutien a été déterminant en nous permettant d’acquérir les droits de trente films (cf lien) dès la première année. Et notre offre est moins chère qu’au national. C’est évidemment plus attractif pour les salles ! Nous proposons des fictions et films d’animation avec une facilité d’utilisation. C’est sans doute les raisons qui ont motivé les salles inaugurant la programmation de courts avec le RADi Bretagne. »
Une mise en œuvre collégiale
En concertation avec les producteurs et les exploitants volontaires, Zoom Bretagne a souhaité ajuster sa politique entre « un juste prix de location pour les uns et un coût d’abonnement attractif pour les autres ». L’expertise de l’Agence du court-métrage, partenaire du projet breton, a été essentielle pour ces étapes. « Dans le cas où les salles sont déjà adhérentes au RADi National, l’accès au catalogue breton est gratuit. Sinon, l’adhésion annuelle est de 300 euros net pour trente films. Quant aux producteurs, nous leur proposons 300 euros par an et par film avec un engagement sur trois ans. Si un film est inscrit aux deux dispositifs, national et régional, il y a bien deux locations », précise la coordinatrice du dispositif.
Le rôle de l’Agence du court-métrage aux côtés du jeune RADi va au delà du conseil : elle contractualise avec les producteurs, prélevant une commission de 10 % sur la location, et assure également la fabrication des copies numériques pour le compte de Zoom Bretagne. « Certains films n’étaient pas encore disponibles en DCP (2). Comme nous proposons au producteur une location sur trois ans, certains ont franchi le pas. C’était un de nos objectifs car on sait combien un tel outil facilite la diffusion des œuvres. »
Exit la régie des copies !
Comme évoqué par Rosemonde Roussey, la réflexion a porté sur une simplicité d’utilisation pour plus d’autonomie des exploitants. Tous les films du catalogue sont regroupés sur un seul DCP, chaque salle adhérente a le sien. « Ils sont arrivés à bon port en janvier. Les premières projections peuvent démarrer très vite ! » Et c’est bien le cas avec une centaine de séances prévues dans une dizaine de ville, « certaines ont déjà eu lieu et pour l’année 2015, vingt-deux films sont programmés en avant-programme. Le Club 6 à Saint-Brieuc proposera même un programme composé exclusivement de courts-métrages. »
Les films en avant-séances en mars : Reflux de Pauline Goasmat au cinéma La Bobine à Quimperlé / Citrouille et vieilles dentelles de Juliette Loubières au cinéma L’Etoile à Carentec / Le cadavre qui ne voulait pas qu’on l’enterre de Pierre-Yves et Jean-Christophe Lebert au cinéma Cinéf’îles à Groix / La place du Maure de Lisa Diaz au cinéma La Couronne à La Roche Bernard / Quidam de Gaël Naizet au cinéma Le Dauphin à Pougonvelin.
Ce début d’année déjà prometteur vient d’être exposé en conférence de presse, ce matin à Brest. L’occasion de déployer les objectifs à atteindre : « Nous souhaitons proposer un catalogue de cinquante films avec un renouvellement de dix films par an. Ce sera le cas dès 2017, en ajoutant d’ici là dix nouvelles œuvres chaque année. On ne peut guère aller plus vite du fait de la contrainte de durée et du lien au territoire. En 2016, nous savons que nombre de films produits excèdent les vingt minutes, nous n’excluons pas de ré-exposer des films plus anciens. »
En attendant, d’autres régions se dotent de dispositifs similaires pour améliorer la diffusion du court-métrage en dehors des temps forts que sont les festivals : un RADi Rhône Alpes vient de se monter, ainsi qu’en Nord-Pas-de-Calais mais cette fois sans l’expertise de l’Agence du court-métrage. En région Centre, la réflexion est en cours.
Autant d’occasions pour les réseaux professionnels et le public de se rencontrer autour des œuvres cinématographiques.
Elodie Sonnefraud
(1) Convention pluriannuelle de développement cinématographique et audiovisuel conclue entre le CNC, les Régions et les directions régionales des affaires culturelles – DRAC.
(2) Digital Cinéma Pack, disque dur à partir desquels les salles projettent les films.
Le RADi Bretagne est piloté par Zoom Bretagne en partenariat avec l’Agence du Court-métrage et soutenu par la Région Bretagne et le CNC.