»Oh Willy… » est en passe de devenir un film-phénomène tant il est primé. »Tempête dans une chambre à coucher » se taille de jolis succès dans les festivals…hors animation. Ces deux courts métrages seront montrés au festival national du film d’animation qui aura lieu du 12 au 18 décembre, à Bruz (Ille-et-Vilaine). Autre point commun : être pré-sélectionnés pour les nominations aux César.
« Je n’ai jamais vu ça ! Il ne se passe pas un week-end sans que Oh Willy… ne glane deux ou trois prix », s’enthousiasme Jean-François Le Corre, de la société Vivement Lundi !, co-productrice du film. « Nous avons obtenu 50 prix à ce jour ! C’est bizarre… Ce succès qui nous rend heureux nous a surpris », s’étonne Emma de Swaef qui a réalisé Oh Willy avec Marc James Roels.
Ce court métrage, qui raconte les aventures textiles et naturistes de Willy, a démarré par un coup d’éclat : une double sélection en compétition nationale et en compétition internationale à Clermont-Ferrand. Cette visibilité a entraîné des sélections en cascade et les premiers prix sont venus de l’Europe de l’Est, belle terre d’animation. « Ce qui est surprenant, c’est que le film marche partout, aussi bien aux Etats-Unis qu’au Japon », souligne Emma de Swaef.
Oh Willy… décroche des prix dans les festivals du monde entier : Cinanima Espinho au Portugal, le Festival international du film de Chicago, l’American Film Institut Festival de Los Angeles, Animafest à Zaghreb, le Bradford Animation Film Festival ou encore l’Open Cinema Festival de Saint-Pétersbourg, et dernier en date à l’heure où nous mettons en ligne, le Sundance Film Festival. « A Chicago, c’est Holly Motors de Leos Carax qui a obtenu le Grand Prix. Et à Los Angeles, Steven Spielberg faisait la clôture avec son dernier film. On côtoie la crème de la crème. La carrière du film ne se limite pas à des festivals de courts métrages ou d’animation. Il est également remarqué dans des grands événements cinématographiques généralistes », se réjouit Jean-François Le Corre.
Last but not least : Oh Willy… a aussi reçu le Cartoon d’Or qui récompense le meilleur court métrage européen de l’année. Un prix qui amplifié la carrière internationale de ce film également primé au Brésil, en Argentine et au Canada. Ce palmarès mondial a contraint les auteurs à enregistrer une vidéo de remerciements, à défaut de pouvoir se déplacer à chaque fois ! Ce beau succès tient sans aucun doute à la grande cinématographie du film et à l’universalité des thématiques qui le traversent : le deuil, l’enfance, le retour à la nature, l’animalité.
La course aux points
Il est fréquent que les films d’animation ‘’cartonnent’’ dans les festivals. De quoi faire pâlir d’envie les réalisateurs de fictions et de documentaires. C’est qu’ils peuvent à la fois concourir dans les festivals d’animation et dans ceux dédiés aux courts métrages. Ce qui élargit leur champ de promotion. « L’universalité du film d’animation lui permet d’entrer dans beaucoup de catégories. Le Petit Dragon de Bruno Collet ou Cul de bouteille de Jean-Claude Rozec ont été sélectionnés aussi bien dans des festivals de films pour enfants que dans des festivals de films fantastiques », explique Jean-François Le Corre.
Les sélections et les prix sont loin d’être neutres pour les producteurs. Car, au delà de la satisfaction et de la notoriété qu’elles procurent, ces distinctions ont une incidence directe sur l’économie de leurs sociétés. Pour prétendre à l’aide au programme d’entreprise de production de courts métrages du CNC, il faut atteindre un total de 45 points. On l’obtient grâce aux sélections, aux prix, aux diffusions commerciales ou non, aux ventes télé, etc. Tous critères qui obligent les producteurs à se lancer dans une chasse aux points et à tenir une rigoureuse comptabilité de leurs trophées. Et tout ne se vaut pas dans le monde des festivals. « C’est comme pour le football. Il y a la première division, la deuxième, la division d’honneur. Il ne suffit pas d’être sélectionné dans 150 festivals. Encore faut-il jouer dans la première catégorie car c’est celle qui rapporte le plus de points », précise le producteur de Vivement Lundi !
Les récompenses procurent aux auteurs un complément de rémunération appréciable. Oh Willy… est riche de 30 000 euros de prix. « Nous partageons cette somme avec les producteurs. Cela nous donne la liberté de ne pas accepter n’importe quel boulot et de rester concentrés sur notre prochain film », souligne Emma de Swaef. Cerise sur le gâteau : le succès de Oh Willy… va emmener ses auteurs en résidence à Tokyo pendant deux mois. Ils travailleront sur leur prochain court métrage d’animation The magnificent cake qui sera également coproduit par Vivement Lundi ! Les réalisateurs retrouveront l’équipe des décorateurs et marionnettistes bretons de Oh Willy… « gens de talent et d’expérience qui ont très bien accompagné le film ». D’ici là, la réalisatrice les aura revus au festival de Bruz.
Animation pour adultes
Comme pour Oh Willy…, les décors et les marionnettes de Tempête dans une chambre à coucher de Laurence Arcadias et Juliette Marchand ont pris forme en Bretagne, cette fois, dans les locaux de JPL Films. « En 2011, c’est bien simple, je n’ai produit que des films réalisés par des femmes », s’amuse le producteur Jean-Pierre Lemouland. « Ce projet-là, un peu provocateur, me faisait rire ». Ce court métrage décoiffant renoue avec le genre du cinéma d’animation érotique et pornographique dont le collecteur historique est Bruno Edera. « Cet ancien producteur de la Télévision Suisse Romande, aujourd’hui retraité, a créé des programmes de films érotiques pour les festivals, et écrit en 2002 un ouvrage unique : »Erotisme et sexualité dans le film d’animation ». Au Japon, ce genre est toujours une industrie. En Europe, c’est un peu plus coquin », précise le producteur de JPL Films.
Le court métrage met en scène Suzan et Duayne Cleveland. Ils ont tout pour être heureux. Tout… sauf une vie sexuelle épanouie. En désespoir de cause, ils décident de partir dans le désert pour un voyage initiatique sensé raviver leur flamme. Pendant leur absence, leurs deux employés chargés de s’occuper de la maison vont connaître une passion torride dans leur chambre à coucher… d’où la tempête. Le sujet du film lui a fermé la porte de certains festivals. Mais il possède tout de même à ce jour un beau palmarès de 35 sélections dont 15 en France et 20 à l’étranger.
« Curieusement, le film est peu sélectionné dans les festivals d’animation. Il l’est davantage dans les festivals de prises de vue réelles », fait remarquer Juliette Marchand. La raison ? « On ne voulait pas faire un film poético-intello. On voulait de la drôlerie, de la légèreté, avec un contenu bien sûr, mais pas de lourdeur de sens. Ce qui fait que certains jugent le film un peu primaire. Et puis, ce n’est pas un film jeune public et l’animation pour adulte n’est pas un genre très répandu ». Du coup, au début, le film a surtout été vu dans les festivals thématiques, comme le festival du film de femmes de Créteil ou des festivals gays et lesbiens, avant que sa sélection à Clermont-Ferrand ne lui ouvre d’autres portes. « Ce qui me plait, c’est qu’il touche des gens qui ne sont pas des spécialistes de l‘animation », ajoute la réalisatrice.
Tempête dans une chambre à coucher fait également carrière aux Etats-Unis où il a puisé son inspiration. Juliette Marchand était en résidence à Baltimore quand elle a rencontré Laurence Arcadias qui y vit. Les personnages sont nés de l’observation de la réalité dans cette ville afro-américaine. « Aux USA, il y a beaucoup de festivals à thèmes, davantage de circuits alternatifs qu’en France et aussi plein de petits festivals un peu partout dans les villes », précise Juliette Marchand. Mais, pour l’heure, inutile de traverser l’Atlantique car c’est à Bruz que soufflera bientôt cette revigorante tempête !
Nathalie Marcault
Photo de Oh Willy… Copyright Beast Animation/Polaris/II Luster/Vivement Lundi !
Oh Willy… » d’Emma de Swaef et Marc Roels
. Une coproduction Vivement Lundi !/Beast Animation/ Polaris/ Il Luster. 2012. 17’
Tempête dans une chambre à coucher de Laurence Arcadias et Juliette Marchand. Une coproduction Amorce Films/JPL Films. 2012. 11′
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Anim’en Bretagne
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