« LA NUIT DES MORVES VIVANTES » : Le mystère de la création (par Stewen Corvez)

Réalisateur touche-à-tout s’étant illustré dans le clip musical, la fiction courte, l’expérimental et le documentaire, Damien Stein réalise, en 2024, La Nuit des Morves vivantes. On y découvre une jeune adolescente qui cherche à remédier à sa solitude en tentant de donner vie – sur sa table d’opération improvisée dans sa chambre – à une créature…

Le film fait par ailleurs partie d’une collection de 4 courts métrages – L’Omnimeute – produit par le Collectif Faire Meute sur un même thème : « le monstre ». Les films ont été présentés en avant-première dans le cadre de l’édition 2024 du Festival Court Métrange à Rennes.

Retour d’écran : Le mystère de la création (par Stewen Corvez)

Dans La Nuit des morves vivantes, la filiation Mary Shelley / George A. Romero apparaît sans aucune confusion possible. Le titre, puis quelques arcs électriques et des bouts de chairs informes nous plongent au cœur de la création, dans tous les sens du terme. La première question que l’on se pose dès les premières secondes n’est donc pas « si », mais « comment » l’adolescente que l’on accompagne pendant une dizaine de minutes parviendra à créer.

Le titre ne ment pas et le processus est immonde. On ne crée pas la vie sans donner une part de soi-même. Pour donner la vie un être, à une œuvre, assembler de la matière ne suffit pas. Il faut une impulsion, un catalyseur, un déclencheur pour initier le mouvement, faire battre le cœur, donner sens à l’œuvre.

On nous montre d’abord le laboratoire et l’expérimentatrice, de dos. Elle est plongée dans une demi-obscurité, seule la table où elle travaille est éclairée. Ce qu’elle manipule est enfoui dans les mystères de l’inavouable : bocaux d’organes plongés dans le formol, schémas obscurs et un fantôme qui observe. L’odeur du film nous parvient du XIXème siècle, mais les images sont celles d’une terrifiante familiarité.

La Nuit des morves vivantes nous renvoie tout à la fois au besoin de s’approprier le monde, de le maîtriser qu’au démonique auquel tout créateur peut, parfois, se laisser tenter.

Comment créer le beau, le vivant, à partir de l’immonde ? Est-ce même possible ? L’acte de cette adolescente est faustien : elle semble se sentir seule. Pour sortir de cet isolement, elle pactise avec le diable et se veut démiurge. On n’entend d’ailleurs jamais le son de sa voix : sa création est le discours qu’elle tente de formuler pour entrer en communication avec le monde. Elle ne parle pas, elle engendre. La parole est sacrifiée, au même titre que la voix de la Petite Sirène dans le conte d’Andersen.

Avec le silence vient la froideur extrême de la jeune fille dont la vulnérabilité n’est visible que lorsqu’elle est en contact avec ses pairs. Ses actes paraissent mesurés, calculés, tournés vers un seul but. Elle est sûre d’elle.

Sans rien révéler, on peut quand même parler de la conclusion de l’histoire. Elle nous sort de l’ambiance mythologique. Nous quittons le monstre de Frankenstein et les morts-vivants pour l’espèce la plus fourbe et la plus terrible. Pour nous rappeler que le mal et l’horreur peuvent se cacher dans le quotidien le plus banal et le plus immédiat.

L’immonde engendre l’immonde, on ne se refait pas. La vie elle-même n’est pas forcément belle et tout acte de création n’a pas pour objectif de créer du beau. La poésie se cache malgré tout dans la déformation même de l’image. On perçoit du repoussant une image déformée, qui refuse d’être vue, maltraitée par l’objectif, une profondeur de champ qui marque le chirurgical.

La Nuit des morves vivantes est donc une nouvelle variation d’un thème largement déchiré dans tous les sens, mais qui fait un pas de côté profondément ancré dans les mythes du XXIème siècle.

Stewen Corvez, janvier 2025.

SUR LE RÉALISATEUR : DAMIEN STEIN

Après avoir travaillé à différents postes du cinéma (de la technique à la production, de la série au long métrage), Damien Stein s’est confronté à la mise en scène en commençant par le clip (major, label indé, indé tout court), pour finalement sortir son premier court métrage en 2013 (Une balade à la mer, une centaine de sélections en festivals et une dizaine de prix). Il réalise un premier doc TV en 2018 (Ce qui se joue la nuit, Chuck production) puis de nombreux courts portraits docu pour la TV.

SUR LE FILM

La Nuit des morves vivantes de Damien Stein

10 minutes | France | 2024

Toutes les nuits, la jeune Maud cherche à remédier à sa solitude. Dans sa chambre, sur sa table d’opération improvisée, elle tente de donner vie à une créature.

Avec Romane Pasquereau, Kenzo Ly et les élèves de la classe de 4ème F du Collège Évariste Galois (Montauban-de-Bretagne)

Réalisateur : Damien Stein

Assistant réalisateur : Léo Dazin

Cheffe opératrice image : Pearl Hort

Assistant image : Théo Caillon

Chef électricien : Marin Nupied

Électricien : Grégoire Grasset

Chef machiniste : Bertrand Salliou

Chef opérateur son : Quentin Lamouroux

Assistant son : Bastien Cornet

Cheffe décoratrice : Pauline Le Goff

Décoratrice : Jeanne-Lore Garcia

Animatronicien·nes : Morgan Azaroff, Lucile Marsaux et Camille Le Pennec

Cheffe maquilleuse et coiffeuse : Marina Gris

Régisseur général : Owen Morandeau

Régisseur adjointe : Mathilde Moutardier

Chef cuisinier (catering) : Renan Poisson / Ouèchfood

Chef monteur image : Tanguy Daujon

FX : Nicolas Roussin

Étalonneur : Youen Marivain

Monteurs son : Tanguy Daujon et Damien Stein

Mixeur : Quentin Lamouroux

Compositeur : Nicolas Séguy et Damien Stein

Producteurs : Antoine Lareyre, Léo Dazin et Owen Morandeau

Directeur de production : Antoine Lareyre

Chargée de production : Marion Prat

Assistant de production : Massilio Fortis

Une production Faire Meute

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