Les arbitrages budgétaires viennent de faire une victime en Franche-Comté : le fonds d’aide au cinéma et à l’audiovisuel a été « suspendu » pour 2013. Mauvaise nouvelle dans la région qui a vu naître les Frères Lumière…
Depuis quelques jours, voici le message qui s’affiche sur la page internet dédiée au cinéma et à l’audiovisuel : « La Région Franche-Comté suspendra en 2013 sa politique en faveur de l’aide à la production cinématographique et audiovisuelle, mais restera particulièrement attentive au développement d’une politique de diffusion diversifiée et équilibrée sur le territoire régional, notamment grâce aux festivals. L’effort en matière d’équipement numérique des salles de cinéma indépendantes et de proximité sera également poursuivi ».
Les difficultés budgétaires auxquelles sont confrontées les collectivités territoriales ont conduit la Franche-Comté à opérer cette coupe radicale en supprimant pour l’année prochaine les aides qui étaient allouées jusqu’à présent à la production cinématographique et audiovisuelle. « Nos priorités vont à la formation et aux transports. Et depuis quelques années, nous nous interrogeons sur l’impact de ces aides, sur les retombées en termes d’économie et d’image. Nous faisons le constat que cette politique reste marginale. Ces soutiens étaient surtout destinés à accueillir des longs métrages de fiction, mais il n’y en a pas eu tant que ça. Dans le domaine culturel, nos efforts sont concentrés sur la Cité des Arts qui va réunir début 2013 le Conservatoire régional de musique et le Fonds régional d’art contemporain », souligne Jean Auvillain, le directeur de cabinet de la présidente de Région, Marie-Guite Dufay.
Créé en 1992, ce fonds – un des premiers en France – était en forte diminution depuis 2010. Selon le guide publié par Ciclic, 18 projets avaient été soutenus en 2011 pour un montant global de 424 500 euros. En 2012, ce sont 13 projets qui ont été aidés, pour un montant de 335000 euros, soit une baisse de 22% : 1 long métrage à hauteur de 30 000 euros, 7 documentaires pour une aide moyenne de 22 000 euros et 5 courts métrages à raison de 30 000 euros par film. Cette année, à l’exception des courts métrages et d’un documentaire, les aides ont été attribuées à des sociétés implantées en Franche-Comté, soit 165 000 euros de crédits et 49% du fonds d’aide, bénéficiant aux producteurs établis sur le territoire.
Fragilisation de la filière
Cette décision a placé les professionnels de l’audiovisuel et du cinéma de Franche-Comté devant le fait accompli. Dans un texte, ils dénoncent une absence totale de concertation. Bien conscients de la gravité de la situation économique, ils auraient « souhaité travailler main dans la main avec la Région afin de trouver une issue politique satisfaisante et des alternatives innovantes et courageuses, chose envisageable dans notre secteur ».
Et de citer l’exemple du téléfilm Le repaire de la Vouivre, diffusé sur France 2 : les 100000 euros d’aides allouées ont généré 528 000 euros de dépenses locales. Et de rappeler la qualité des œuvres produites : « Prix Louis-Delluc pour Louise Wimmer de Cyril Mennegun, trois courts métrages sélectionnés pour le prochain Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand, un premier webdocumentaire, Défense d’afficher, produit par les Franc-Comtois de La Maison du Directeur et primé au festival Visa pour l’image de Perpignan et la sortie nationale en janvier prochain de Comme un lion du réalisateur franc-comtois Samuel Collardey, aidé à hauteur de 140 000 € en 2010 ».
Les professionnels de la filière viennent de lancer une pétition qui dénonce « l’impact catastrophique » de cette décision « pour la création cinématographique et audiovisuelle de la région : raréfaction des tournages et donc de l’activité économique générée par ces derniers (embauche de techniciens en région, retombées économiques sur les lieux de restauration et d’hébergement), diminution drastique des projets en lien avec la région faute de financement, exil ou reconversion des techniciens, auteurs et producteurs de Franche-Comté. »
Dans cette région où France 3 est ultra-dominante dans le paysage audiovisuel, la solution palliative ne viendra pas de la chaîne régionale. Sophie Guillin, la déléguée régionale des programmes de France 3 Franche Comté, affirme qu’elle continuera à coproduire de 7 à 9 documentaires par an, mais qu’au vu des difficultés budgétaires de la chaîne, « elle ne pourra en aucun cas compenser le désengagement de la Région ».
Même si les choix seront moins radicaux dans d’autres régions, – espérons-le en tout cas -, on s’attend à des baisses des budgets culturels. Dans le Nord-Pas-de-Calais, par exemple, une diminution de 10% est annoncée. Dans ce contexte, la Bretagne pourrait faire figure d’exception. L’augmentation du budget de la culture en 2013 va se traduire, entre autres, par celle du fonds d’aides. Le FACCA passera de 2,16 M€ en 2010 à un peu plus de 3 M€ en 2013, soit 39,5% supplémentaires en trois exercices.
Nathalie Marcault avec Colette Quesson