Le compositeur de musique à l‘image Erwan Coïc a installé son Planétarium Studio dans le Finistère. Le nom de son camp de base est à l’image de son parcours professionnel qui l’amène à travailler aussi bien pour des productions françaises qu’internationales. Thomas Mauceri a rencontré le musicien dans son refuge high tech du bout du monde.
Ce petit coin de Finistère doit être un des seuls à ne pas avoir de crêperie ouverte un vendredi midi. Quand je m’arrête demander à une des rares personnes que je croise où en trouver une, la réponse est claire : « Ici ? Une crêperie ? C’est mort ! ». Je continue donc ma route traversant de petits bourgs déserts. Et je me dis qu’on est à mille lieues du Festival de Cannes auquel Erwan Coïc participera dans quelques jours. C’est dans ce bout du monde que le compositeur a implanté son Planétarium Studio, spécialisé dans la composition de musiques de films au service de productions françaises et internationales.
L’endroit est impressionnant. Aussi rempli de claviers, de guitares et de connexions électroniques complexes que le coin est vide de crêperies. Erwan a tout conçu seul. Pendant quatre ans. Ce studio parfaitement ergonomique est à l’image de son créateur : simple en apparence, complexe à l’intérieur et démesurément efficace. En face de la console, quatre écrans affichent les images du film en cours de composition ainsi qu’une batterie de logiciels nécessaires à la construction du futur « score », terme anglo-saxon qui désigne la bande originale.
Erwan me montre la scène principale d’un film sur lequel il a travaillé en début d’année. « Il s’agit d’une scène particulièrement technique en termes de composition ». Je lui demande ce qu’il entend par technique. « Je vais te montrer ». En à peine cinq minutes, j’en apprends plus sur la musique au cinéma qu’en plusieurs années d’études de cinéma. L’utilisation de chaque rythme, de chaque son ou instrument, de chaque raccord est justifiée par un mouvement de caméra, par un mouvement de corps, ou par un changement de tension dramatique. On dit souvent que le son est le parent pauvre du cinéma. Pas chez Erwan Coïc, qui met en son, comme un réalisateur met en scène.
Depuis quelques années, Erwan Coïc a son pied à terre en Bretagne, et se rend régulièrement aux Etats-Unis. Rien d’étonnant au regard de son parcours. Dès l’âge de huit ans, il sait qu’un jour il sera compositeur de musiques de films. Il a son premier synthétiseur à douze ans. Il apprend à en jouer tout seul. C’est un multi-instrumentiste parfaitement autodidacte. A partir de seize ans, il commence à composer de la musique pour des films commerciaux ou des projets d’étudiants d’écoles du type Infocom. A vingt-quatre ans, il part pour s’installer aux Etats-Unis avec une actrice américaine rencontrée en France et qui travaille sur la série à succès Dawson. Elle lui permet de fréquenter le plateau et de découvrir tous les rouages de la production à l’Américaine. Erwan y noue les premiers contacts de son futur réseau professionnel, tout en y faisant aussi ses premières armes.
En 2013, il monte son propre studio de composition de musique à l’image, et commence par composer pour des courts métrages. L’année suivante, il crée la musique du long métrage Hostile réalisé par le jeune cinéaste français Nathan Ambrosioni qui fera le tour du monde en festivals et sera plusieurs fois primé. Depuis les projets se succèdent pour Erwan. « Pour cette année 2016, je suis engagé sur la composition de plusieurs films, dont 5 longs métrages français et internationaux avec des acteurs aussi divers que William Baldwin, Caterina Murino, Julien Boisselier, Ariane Ascaride… ainsi que sur deux webséries. »
« Ce qui est important pour moi, c’est de me mettre au service du projet du réalisateur. Il m’explique son envie musicale en me donnant des exemples et je suis là pour servir son film qu’il me confie comme un objet précieux ! Par ailleurs, je suis très attentif à ne pas m’enclaver dans un style musical particulier, mais plutôt à diversifier mes projets, à m’ouvrir à tous les styles de musiques possibles, passant du piano intimiste à l’orchestre symphonique, de la guitare folk/classique à la musique électro ou pop, du sound design à la bossa nova, etc. Je n’ai pas de genre musical précis ni de limites car je ne m’en mets tout simplement pas ! Je m’efforce de travailler sur les films les plus divers possible qui stimulent ma créativité. »
En plus de l’aspect artistique de son travail de compositeur, Erwan est aussi le producteur exécutif des bandes originales des films sur lesquels il s’engage. Ce qui implique qu’il doit aussi répondre à des contingences plus pragmatiques. « En tant que producteur exécutif de mes musiques, je fais aussi le choix de faire un maximum de choses en France. Ca me coûterait bien moins cher dans les pays de l’Est c’est sûr… Mais je suis 100% solidaire du tissu professionnel dans lequel j’évolue car derrière tous ces films il y a des talents, des vies, et des familles et cela me fait du bien de savoir que ma musique donne du boulot à des personnes ici. » Et en ces temps d’économie à tout crin, cette exigence est particulièrement rafraichissante.
Un dernier extrait de film avant de partir. Erwan me montre une séquence d’un nouveau long métrage qui lui a été confié. Sans musique puis avec. Le résultat est bluffant. La musique apporte un souffle qui n’existait pas avant. L’écrin sonore construit par Erwan Coïc fait basculer les films dans une autre dimension. Là réside la magie de son travail. Rien d’étonnant à ce qu’il soit de plus en plus réclamé des deux côtés de l’Atlantique.
Thomas Mauceri
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