Alors que la 43e édition du Festival International du Film d’animation d’Annecy vient de s’achever sous le feu à répétition des succès bretons [1], une délégation éclectique – bretonne justement – et coutumière de l’évènement, a vu cette année grossir ses rangs d’une bonne partie des stagiaires à la formation Start Motion qui se déroule depuis janvier dans les locaux de l’EESAB de Lorient. Parmi eux, la jeune Camille Scudier, que nous avons rencontrée juste avant son départ pour le très grand bain de l’animation. Parcours et retour sur un essai d’ores et déjà marqué.
Quand nous rencontrons Camille Scudier, elle vient tout juste de rentrer de Bristol, Angleterre. Bristol, oui, là où sont implantés les célèbres Studios Aardman, où Camille vient de passer trois semaines de stage intensif, occupées, notamment, à prêter main forte à la confection de marionnettes sur la saison 6 de Shaun le mouton et aussi à parfaire son anglais professionnel.
Ce stage aux Studios Aardman est le second qu’elle effectue dans le cadre de la formation Start Motion, dédiée au volume animé, dans la foulée d’un premier stage de 7 semaines au Danemark, chez Wiredfly, où elle a travaillé sur un jeu vidéo en stop motion. Des stages qui répondent à l’objectif de la formation de favoriser les collaborations internationales. Et pour Camille, deux expériences très différentes en termes de fabrication, d’organisation du travail, mais également en termes de structure, d’envergure, et de moyens. Deux univers qui enrichissent encore un peu celui d’une jeune femme dont le parcours, libre, et l’ambition, tranquille, dessinent une ligne claire.
Ce parcours commence véritablement au lycée de communication St Géraud, à Aurillac, quand Camille met fin à une scolarité d’enseignement général qui la dépasse, les cours d’arts plastiques mis à part : « je ne comprenais pas l’intérêt de ce qu’on nous demandait dans les matières principales. C’est au lycée professionnel que j’ai enfin trouvé un sens aux études. Nos professeurs de graphisme étaient passionnés par l’image et dès la première année, nous avons réalisé des projets concrets, comme des clips ou des affiches pour des groupes de musiciens professionnels. J’y ai découvert Michel Gondry, et l’animation, qui continuent de faire partie de ma vie aujourd’hui. »
À la fin d’un cursus de quatre années dans ce lycée, Camille envoie son dossier dans des écoles de cinéma d’animation et à l’école Boulle, à Paris, où elle obtient son DMA (Diplôme des Métiers d’Arts) section « Décors et Traitements de surfaces ». Là elle explore le monde des textures, des couleurs et des motifs, appliqué au design et au mobilier : un monde de volumes traités à plat, donc. Mais qu’elle choisit d’adapter en trois dimensions dès son projet de diplôme pour lequel elle réalise un luminaire modulable, et en volume. Le volume encore, qu’elle travaille toujours à l’école Boulle, dans le cadre d’une formation complémentaire d’apprentissage de la sculpture sur bois et sur matériaux de synthèse. « Toutes ces compétences m’ont servi et me servent encore en animation, pour la fabrication de décors, d’accessoires et de marionnettes. Il s’agit des mêmes techniques de base de travail sur le volume, la forme, les finitions, mais dont il faut adapter l’échelle. », précise-t-elle.
Les trois années qui suivent cette formation, Camille les passe à travailler dans un atelier de peinture en tant que peintre-coloriste. Ayant toujours au bout des doigts le désir de travailler dans l’animation en volume, elle s’inscrit à des cours du soir à Paris, où elle découvre l’histoire de ce cinéma-là, et les bases techniques. « Je savais que c’était un peu amateur, mais j’avais besoin de commencer à faire quelque chose tout de suite dans ce domaine ». Commencer, et poursuivre, seule, chez elle, dans un atelier sommaire et avec le minimum de matériel, profitant de ce temps suspendu, sans obligation professionnelle, ouvert à tous les possibles : elle fabrique des éléments de décor, des marionnettes, cherche à comprendre « comment ça marche » . Grâce à un aller-retour à Rennes au Festival d’Animation en 2017, puis à un rendez-vous avec Emmanuelle Gorgiard et Jean-Marc Ogier dans le cadre des Rencontres de Films en Bretagne à Saint Quay Portrieux en octobre la même année, Camille obtient un stage d’un mois à Vivement lundi ! : « je désirais surtout travailler dans une équipe. À force d’apprendre seule chez moi, j’avais le sentiment de tourner en rond. Dorothy la vagabonde allait démarrer, Emmanuelle m’a proposé de les rejoindre. Je suis passée un peu partout, et j’ai pu apprendre à faire des soudures pour les armatures. » Un nouveau savoir-faire que Camille s’attache à entretenir dans sa chambre-atelier, en travaillant de nouveau seule sur une armature à rotules, avant de partir faire une formation dédiée à la fabrication de marionnettes pour stop-motion chez JPL Films, à Rennes. La Bretagne encore, avant un nouvel appel du pied… (où, soit dit en passant, elle souhaiterait désormais vivre et travailler…)
C’est dans un moment de creux, occupé à des projets personnels encore vagues et dans l’attente que d’aussi vagues propositions finissent par se concrétiser, que l’impensable devient réalisable. « J’avais eu vent de la formation Start Motion, dont le programme m’intéressait énormément. Mais j’avais fait une croix dessus, car je ne pouvais pas répondre aux critères demandés. Mais ces critères ont changé. J’ai donc pu postuler, et pour ma plus grande joie, j’ai été acceptée. »
Pour Camille, cette formation est l’opportunité de faire valoir des compétences qu’elle participe à rendre objectives (en décors, accessoires, et marionnettes), puisqu’elle n’a pas de diplôme en cinéma d’animation. C’est aussi l’occasion de confronter ce qu’elle a appris seule avec des pratiques professionnelles, et de défricher des zones qu’elle n’a pas encore pu explorer, comme la lumière par exemple. Si ses attentes restaient liées à la fabrication – son dada ! – elle a aussi pu découvrir que l’animation l’intéressait beaucoup plus qu’elle ne s’y attendait : « nous avons à notre disposition des outils et des professionnels nous accompagnent étape par étape. C’est bien moins décourageant ! Start motion permet en outre d’avoir des notions sur toute la chaîne de fabrication d’un film d’animation, de l’écriture de scénario à la production en passant par l’animatique. Qui plus est, les intervenants nous permettent d’ancrer ces notions dans la réalité du métier. Par exemple, on nous a montré comment étaient organisés les dossiers dans un ordinateur pour fabriquer un film, quand on sait à quel point la communication est essentielle entre chaque étape ! ».
Outre une formation faite en particulier d’ateliers pratiques visant à former des techniciens pour l’animation en volume, Start Motion est aussi l’occasion pour les stagiaires de développer leur réseau professionnel : les dix stagiaires qui composent cette première promotion ont des profils très différents et ils seront peut-être amenés à travailler ensemble à l’avenir, continuant ainsi d’enrichir de futurs projets avec leurs sensibilités singulières. Le carnet d’adresses mis à leur disposition par Frédérique Calvez, responsable de la formation à l’EESAAB, leur a également permis de trouver des stages qui leur serviront aussi de cartes de visite.
Mais pour Camille maintenant, c’est la fête de l’animation qui l’attend ! Et pour la première fois dans une optique résolument professionnelle : cocktail, rencontres, photo officielle…avant la reprise de Start Motion pour un dernier round de trois mois, le 1er juillet prochain.
Gaell B. Lerays
[1] Mémorable, de Bruno Collet, produit par Vivement lundi!, a été trois fois récompensé : Cristal du court-métrage, Prix du public et Prix du jury Junior pour un court-métrage ; Têtard de Jean-Claude Rozec, produit par À Perte de Vue, a reçu quant à lui le Prix FIPRESCI.
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Projet école Boulle Camille Scudier