Le Mois du film documentaire, ce sont des projections, des échanges, des débats, des rencontres sur tout le territoire breton, chaque année, tout au long du mois de novembre.
« Prendre la parole » est la thématique cette année ! Encore de riches échanges en perspective, entre les cinéastes invités et le public fidèle à cet événement itinérant.
QUATRE FILMS EN TOURNEE REGIONALE
Coordonné au niveau national par Images en Bibliothèques, le Mois du Doc est porté en Bretagne par la coordination de Cinécran pour le Morbihan, Comptoir du Doc pour l’Ille-et-Vilaine, Daoulagad Breizh pour le Finistère et Ty Films pour les Côtes d’Armor.
En guise de réjouissance, et avant d’entrer plus dans le détail à l’automne, découvrons les quatre films « coups de coeur » choisis par la coordination pour la tournée régionale…
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Vingt ans sans ferme
de Céline Dréan et Jean-Jacques Rault
80 min • Mille et Une Films / Ana Films, France • 2023
Ma vie d’avant, ma vie de paysan, s’est arrêtée le 6 octobre 2001, le jour où j’ai quitté ma ferme. C’était il y a dix-sept ans et pourtant là-bas, à Scaout Vraz, rien n’a bougé, la maison, le hangar, la salle de traite, la fromagerie sont restés en suspens… Seule la nature reprend ses droits, enfouissant nos souvenirs comme pour les figer. Il me reste des photos, des films et des sons, quatre enfants qui portent en eux cette terre. Il me reste Gisèle, l’amour de ces années-là. Mais ma terre me manque, viscéralement.
« Une mise à nue osée. Un film touchant, à la fois très intime et universel, sur la question de la transmission, au sein du monde paysan et au sein de la famille. » (Daoulagad Breizh – Finistère)
« À la fin, retourner bosser, c’était comme aller chaque jour à son propre enterrement. » La phrase, c’est Jean-Jacques Rault qui la prononce dans le film documentaire, Vingt ans sans ferme, de la réalisatrice Rennaise Céline Dréan et de Jean-Jacques Rault. Le film, très touchant, revient sur l’histoire de Jean-Jacques qui a été pendant dix-sept ans agriculteur en Centre Bretagne, éleveur de chèvres et producteur de fromage, avec son épouse et leurs quatre enfants. Il a dû abandonner sa ferme au début des années 2000, « parce qu’après quinze ans, on ne gagnait pas notre vie. » On le suit, sur le lieu même de ce corps de ferme où la nature a repris ses droits. Il retrace son parcours toujours sur le fil , confie avec sincérité et émotion l’abandon d’une passion, la perte et le manque, toujours présent depuis. […] Le film, dont Jean-Jacques Rault est devenu le personnage central, aborde aussi la question de la lignée, de la filiation, « ce qui m’a frappée, raconte Céline Dréan, c’est que cette fin est vécue comme une histoire d’amour qui prend fin, avec d’abord une grande fusion, puis quand ça ne va plus, on fait semblant, pour tenter de tout sauver, avant de s’éloigner pour se protéger. C’est aussi une histoire qui laisse des traces, et fait partie de Jean-Jacques. » 17 octobre 2022)
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La vie totale
de Samuel Poisson-Quinton
47 minutes • Samfish, France • 2022
Sur l’île de Groix, en Bretagne, vivent une peintre et un écrivain. La peintre peint beaucoup, l’écrivain, lui, est en panne d’inspiration. Tous deux se rencontrent autour d’un jardin. Au fur et à mesure de leurs échanges, une amitié se noue et un film s’invente à partir du journal de vie de la peintre, Francine Guillon, faisant la part belle à son travail artistique.
« Un film choisi pour son geste sincère de filmer l’autre dans sa dimension poétique. Un film qui décrypte à la loupe la vie quotidienne et la passion de Francine Guillon pour la peinture » . (Comptoir du doc, Ille-et-Vilaine)
La vie totale, c’est l’histoire d’une rencontre entre un écrivain qui n’écrit plus et une peintre qui peint beaucoup
, raconte Samuel Poisson-Quinton, créateur de plusieurs courts-métrages dont Le jeune homme et la mort et auteur du roman Un père à la plancha, publié en 2019 chez Gallimard. Pour la sortie de mon livre, j’avais fait un film autour du travail d’écriture de mon roman, comme un journal filmé,
explique l’auteur. Lors de sa projection au cinéma des familles, au Fifig 2019, Francine m’a demandé si je pouvais écrire un livre sur sa vie. Elle m’a montré son journal intime et cela m’a tout de suite intéressé. Je sentais qu’il y avait la matière à réaliser un film, tout en gardant l’idée d’un dialogue entre film et écriture
[…]
Francine Guillon est bien connue à Groix pour ses tableaux et plus particulièrement pour ses portraits, comme on peut le voir dans un des passages du film où plusieurs habitants de l’île, dont le maire et le pharmacien, exhibent les œuvres de l’artiste. Placée très tôt dans une famille d’accueil, Francine Guillon a connu une vie difficile avant de revenir à Groix où l’avait élevée sa nourrice. Mon rêve, c’était de m’installer sur l’île, d’avoir une maison, un jardin et de pouvoir peindre »,
explique-t-elle. Il y a quinze ans, elle l’a donc réalisé et même au-delà, puisqu’au fil de ses expositions, elle a acquis une notoriété certaine. Aujourd’hui, elle vend de nombreux tableaux et travaille aussi sur commande. J’ai même fait le portrait de Woody, le chien de Samuel,
s’exclame-t-elle. Je suis heureuse d’avoir pu expliquer ma vie aux gens à travers ce film.
(Ouest France, le 26 août 2022)
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Río rojo
de Guillermo Quintero
70 minutes • Stank, France et Colombie • 2023
Dans la Serranía de la Macarena, au nord de l’Amazonie colombienne, se trouve Caño Cristales, une rivière mythique qui coule au milieu de la forêt, aussi appelée la rivière des sept couleurs. Oscar, sa grand-mère Doña María et l’indien Sabino vivent paisiblement dans la région, en communion avec la nature. Mais cette zone, un temps préservée par le conflit avec les FARC, est aujourd’hui victime de sa beauté et menacée de disparition par l’arrivée de nouveaux visiteurs…
« Un film qui nous fait découvrir subtilement un territoire et qui donne la parole à ses habitant·es. Le réalisateur nous offre une trace d’un environnement en pleine transition ». (Ty films, Côtes d’Armor)
« Le contexte : La Colombie, après la signature de l’accord de paix mettant fin à la guérilla des Farc, dans une des plus belles régions de l’Amazonie, la Serranía de la Macarena, une région protégée jusque-là. / L’enjeu : L’arrivée des touristes, mais aussi les projets pétroliers et la déforestation (intense) pour ouvrir des terres à l’élevage et à la culture intensive, et c’est toute la région qui est menacée. / Les personnages : Un couple d’autochtones qui ont toujours vécu là, dans cette forêt qui leur offre tout ce qui est nécessaire à leur vie, et un adolescent, qui lui aussi vit en harmonie avec la nature mais qui est attiré par la ville et ses plaisirs. La dernière séquence du film se passe d’ailleurs dans une boite de nuit. / La réalisation : Un film calme, lent même, avec beaucoup d’images de paysages qui recherchent une beauté plastique incontestable. Une dominante : l’eau. La rivière bien sûr, des cascades, des plans d’eau où l’on se baigne. Dans l’incipit une légende de la naissance de cette rivière qualifiée de « plus belle du monde ». / Évaluation : Un film nécessaire. Même s’il ne propose pas de manifestations tonitruantes ni de slogans ou de mots d’ordre révoltés, il s’agit bien d’une protestation, d’une revendication de survie, face aux menaces qui pèsent sur l’avenir de l’Amazonie colombienne et la vie si proche de la nature des Indiens qui ont toujours vécu là. » (Jean-Pierre Carrier, sur dicoblog.com)
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Atlantic bar
de Fanny Molins
77 minutes • Les Alchimistes, France • 2022
À l’Atlantic Bar, à Arles, Nathalie, la patronne, est le centre de l’attention. Ici, on chante, on danse, on se tient les uns aux autres. Après la mise en vente du bar, Nathalie et les habitués se confrontent à la fin de leur monde et d’un lieu à la fois destructeur et vital.
« À des kilomètres de la Croisette où artistes et festivaliers s’adonnent à un alcoolisme cérémonieux, les habitués de l’Atlantic Bar revendiquent un autre art de vivre à la française: l’ivresse de proximité. Un peu désuet, douteux sur le plan médical, salvateur. Dans les ruelles d’Arles comme ailleurs, les bistrots, troquets et autres PMU, ne sont ni plus ni moins qu’un service public au maillage complexe, où de faux solitaires viennent chercher le « verre de contact » (le facétieux Blondin toujours). Pas peu fiers d’avoir installé leur établissement sur l’emplacement exact d’un ancien QG du parti communiste, Nathalie et Jean-Jacques pratiquent d’ailleurs une véritable politique de prix, « sinon, c’est plus un bar» confirme le patron derrière le zinc. Comme pour mieux laisser entrevoir leurs signes de richesse intérieure, Fanny Molins a la bonne idée de laisser la parole à ses personnages lors d’entretiens face caméra qui ponctuent le documentaire : l’ex-braqueur avec un jeu de cartes tatoué sur la main pour rouler ses camarades à la belote, le poète du dimanche qui médite devant son demi, le fils qu’il ne faut pas trop chauffer, Jean-Jacques et son cœur sur la main. Leurs histoires flottent dans la pièce. Mais très vite, c’est le personnage de Nathalie, « femme sous influence à la Cassavetes », qui emporte tout. Sa gouaille, sa beauté étrange, son destin tortueux de patronne de bar en lutte contre son addiction à l’alcool et la possible fermeture de son établissement bouleversent. Atlantic Bar le prouve, les histoires les plus captivantes à raconter se trouvent parfois au coin de la rue. » (Lucas Aubry, So Film – le 25 mai 2022)
