CÉLINE DRÉAN : positive, comme un voeu de bonheur…


Céline Dréan ose tout ! Directrice de production, puis réalisatrice de films documentaires, de webdocumentaires, et maintenant scénariste de fiction…rien ne l’arrête, nous donnant l’impression qu’elle aime se tester, expérimenter, se lancer dans des nouvelles aventures… avec la réussite au bout du chemin. 

Vingt ans sans ferme co-réalisé avec Jean-Jacques Rault, son 7ème documentaire de création, est l’un des 4 coups de cœur régionaux du Mois du film documentaire cette année. Le film va entamer une tournée à travers toute la Bretagne au mois de novembre avec pas moins 35 projections.

Nous l’avons rencontrée à cette occasion pour qu’elle nous parle de son dernier documentaire et plus globalement de cet événement un peu spécial dont elle est une habituée, puisque trois de ses précédents films, Le Veilleur (2011), Pascaline et Klara (2012) et Tous nos voeux de bonheur (2021) ont été programmés dans ce cadre. 


Films en Bretagne : Ton 7ème film « Vingt ans sans ferme » co-réalisé avec Jean-Jacques Rault est sélectionné au Mois du doc. Peux-tu nous parler de la naissance de ce film ? 

Céline Dréan : C’est un projet sur lequel Jean-Jacques m’a demandé de l’accompagner à l’écriture, fin 2017. À l’époque, il voulait travailler sur les faillites paysannes, en cherchant des personnes concernées. La première fois que nous nous sommes vus pour en parler, il m’a raconté l’histoire de Scaout. Je me suis dit que l’histoire qu’il avait à raconter était celle-là, et je pensais attendre un peu, pour ne pas le brusquer, avant de lui suggérer l’idée. Mais il a lu dans mes pensées ! Très vite, il m’a demandé de passer de l’accompagnement à la co-écriture, car il ne voulait pas être seul sur un projet aussi intime. Nous nous sommes engagés ensemble dans l’élaboration du film et quand Jean-Jaques a évoqué l’idée d’aller jusqu’à la co-réalisation, je n’ai pas hésité très longtemps. La confiance, la fluidité de nos échanges et la clarté de nos places (malgré la singularité du dispositif), nous semblaient encourageantes. Nous n’avons jamais regretté, et malgré ses aspects sombres et douloureux, nous avons fait ce film ensemble, et joyeusement !

 

 

Films en Bretagne : Ce film est sélectionné au Mois du film documentaire, et c’est loin d’être le premier  ! Être sélectionné au MDD, signifie que tu vas accompagner ton film dans plusieurs séances pour aller à la rencontre des habitants, dans des lieux très différents (médiathèques, salle des fêtes, cafés associatifs).
Comment vis-tu ces moments d’échanges avec les spectateur·ices ? Est-ce que les séances du Mois du doc sont différentes des séances en festivals ou dans un cinéma ? 

Céline Dréan : Être sélectionnée au Mois du film documentaire est toujours réjouissant. Rencontrer des publics qui ne sont pas obligatoirement familiers du cinéma documentaire, c’est complètement différent des séances en festivals. Les réactions sont peut-être plus directes, on cherche moins l’analyse de manière consciente, et pourtant, il y souvent des  interventions qui sont à la hauteur des plus fins commentateurs du cinéma. Je crois que c’est ce pourquoi on fait des films, partager des expériences avec des inconnus et créer du sens, du lien, du commun. Quelle que soit la taille de la salle, les échanges sont toujours intéressants, parfois émouvants. Pour moi, c’est presque la dernière étape d’élaboration d’un film, parce que généralement, dans les premières discussions, je me rends compte que les questions m’amènent à porter un regard sur le travail terminé, et donc à en comprendre certains rouages, parfois certaines intentions souterraines. Que les avis soient unanimes ou qu’il y ait des critiques moins enthousiastes, c’est donc aussi très stimulant intellectuellement.

 

Films en Bretagne : As-tu une anecdote en tête qui t’aurais marquée – lors d’une projection, d’une discussion – et que tu aurais envie de raconter ? 

Céline Dréan : Pendant la tournée de mon précédent film Tous nos vœux de bonheur, une dame est venue me voir après la projection. Dans ce film, j’ai proposé à mes parents de lire, séparément, des extraits de leur correspondance d’il y a 50 ans, quand ils se sont rencontrés. Au cours de la discussion qui avait suivi la projection, nous avions évoqué ce dispositif et la manière dont ces séquences avaient trouvé leur place dans l’élaboration du film. Cette femme, qui avait peut-être 70 ans, en avait été très émue. Elle me disait qu’elle avait dans un tiroir, chez elle, toute une correspondance de ses parents décédés, qu’elle n’avait jamais ouverte par crainte d’être trop bouleversée. Ce soir-là, pendant la discussion après le film, elle avait décidé qu’elle inviterait ses filles à venir chez elle pour s’y plonger ensemble. Elle avait été remuée par un morceau du film qui n’était pas lié au sujet (avec lequel elle n’avait aucun lien direct). J’ai trouvé ça très beau.

Propos recueillis par Lubna Beautemps pour Films en Bretagne, octobre 2023