Brigitte Chevet vient d’entrer au Conseil d’administration de la Scam. C’est la première fois qu’un professionnel issu des régions fait partie de cette instance. L’auteure-réalisatrice n’y est pas une inconnue, car elle y a déjà œuvré pour la reconnaissance des auteurs qui vivent et travaillent au-delà du périphérique.
– Le CA de la Scam a été renouvelé en juin dernier. Pourquoi n’y entrez-vous que maintenant ?
Brigitte Chevet : La nouvelle équipe a en effet été constituée en juin dernier. Anne Georget a alors été élue présidente de la Scam, succédant à Julie Bertuccelli. Il se trouve que, cet été, Daniel Costelle, qui était membre du CA, en a démissionné. J’étais en fait la première sur la liste d’attente. Lors des élections de juin, j’avais raté le fauteuil à très peu de voix près et comme les statuts le prévoient, le nouveau CA a voté ma nomination lors de sa première réunion mardi dernier. J’ai donc été cooptée par ses 22 membres. Celui que je remplace était à mi-mandat, je suis donc élue pour deux ans, au lieu de quatre, mais c’est mieux que rien ! Je remercie tous ceux qui ont voté pour moi. Beaucoup m’avaient fait part de leur déception, surtout que cela s’est joué à peu de chose. Rappelons que voter c’est important ! Nous n’avons que 10% de votants à la Scam, on peut mieux faire …
– Qu’est ce qui vous a donné l’envie de vous présenter à l’élection de juin ?
Cela fait suite à mon engagement au sein de la Commission Télévision depuis quatre ans. Au travail effectué avec, entre autres, mon collègue alsacien Robin Hunzinger, qui s’était présenté aux élections d’il y a deux ans : je lui avais promis de prendre la relève, et de tenter ma chance à mon tour ! Parce que nous avions envie de donner plus de force à toutes nos actions, la commission n’ayant qu’un avis consultatif. Nous avons, par exemple, créé au sein de la Scam le groupe ‘’Auteurs en région’’ qui permet de réunir régulièrement des représentants des régions les plus actives dans l’audiovisuel. C’est un lieu de concertation important pour réfléchir aux problématiques spécifiques des auteurs qui vivent en dehors de Paris. Ce groupe travaille en harmonie avec l’Interrézo des associations régionales. Dans le contexte actuel de réforme du Cosip, de conflit entre les chaînes locales et le CNC, et de fragilisation plus globale de la profession, il est impératif de poursuivre cette réflexion.
C’est ce cercle d’auteurs qui a organisé la rencontre autour du thème ‘’Territoires et création’’, sous l’impulsion de Rémi Lainé et de Julie Bertucelli. Une grande première à la Scam, qui a rassemblé en juin dernier des auteurs, des producteurs, des diffuseurs et le CNC. Nous avons aussi réussi, à deux reprises, à réunir l’ensemble des responsables des pôles régionaux de France 3 pour échanger avec eux sur les productions documentaires décentralisées, et leur faire part de quelques doléances. Nous avons lancé une pétition pour demander le maintien de la Case de l’Oncle Doc qui était menacée à terme de disparition. Nous avons fait un sondage et un travail statistique pour mieux connaître la situation des auteurs en régions. Les salariés de la Scam nous ont bien aidés dans ces intitatives.
Et comme membre du jury de pré-sélection des Etoiles, j’ai pu observer la montée en puissance de la production régionale et locale, de tous ces films fabriqués le plus souvent avec de petits moyens, mais qui se distinguent aussi parfois par leur originalité. Dans ma région, la Bretagne, des auteurs sont primés quasiment chaque année, comme Marion Gervais et Serge Steyer en 2015. Malgré cela, cette production est encore dans un angle mort pour les Parisiens, et donc pas assez visible pour les décideurs ni assez reconnue. Nous avons aussi des problèmes de financement des films et de diffusion première ou secondaire sur internet. C’est un très gros chantier !
– Votre élection au CA va vous permettre de continuer à porter cette réflexion en ayant cette fois un pouvoir décisionnaire ?
Oui, je veux vraiment défendre la prise en compte du fait régional dans tous les débats en cours sur l’audiovisuel. C’est cette argumentation que j’ai mise en avant dans ma profession de foi. Je souhaite faire reconnaître encore davantage la qualité des productions en région, les initiatives des territoires, les expériences positives. Nous allons bien sûr continuer à structurer notre groupe de travail. J’aimerais aussi réfléchir à une meilleure utilisation de la Maison des auteurs. On peut venir y travailler, y donner des rendez-vous, rencontrer une assitante sociale, recevoir des conseils juridiques gratuits, suivre des ateliers… Il faut faire connaître cet outil pour que les auteurs s’en emparent, qu’il devienne un vrai lieu de convivialité, et ne pas se laisser impressionner par l’architecture un peu écrasante du bâtiment. Je voudrais de manière générale resserrer les liens de la Scam avec les membres qui en sont loin. C’est d’autant plus important d’améliorer ces relations quand ceux-ci sont éloignés géographiquement, moins installés et plus fragiles dans leur métier.
– Vous êtes le premier membre du CA de la Scam non issu de Paris. Est-ce le signe d’une évolution des mentalités ?
Cela paraît incroyable qu’il n’y en ait pas eu, depuis 30 ans que la Scam existe ! Il y a bien eu des tentatives, dont beaucoup de bretonnes, mais jusqu’à présent aucun auteur venant des régions n’était entré au CA. Ce qui reflète la centralisation excessive de nos métiers. C’est en train d’évoluer. Lentement, mais sûrement. On voit bien qu’il y a de plus en plus de productions décentralisées, de plus en plus d’auteurs qui s’installent en région… La réflexion sur les territoires ne fait que commencer. Au sein de la Scam, le nouveau CA est sensible à ces questions. J’ai vu le fait régional prendre sa place et monter en puissance dans les esprits et dans les débats ces dernières années. Bientôt, on pourra même parler de l’Outre-mer !
– Votre habitude de la vie associative est un atout dans cette nouvelle mission…
Oui, nos métiers ont besoin de liens, de solidarité. Je l’ai expérimenté dans ma région à travers l’Arbre, l’association ders réalisateurs en Bretagne dont j’ai été la présidente et dont je fais toujours partie, et Films en Bretagne. A la Scam, je ne représenterai pas que moi-même. Je ne serai pas non plus la Bretonne de service. J’aimerais parler au nom de tous les auteurs en régions. Je ne m’interdis pas non plus de m’intéresser à d’autres sujets ! Je ne suis pas quelqu’un qui aime se mettre en avant ou faire de grands discours : je préfère être derrière la caméra que devant. Mais le fait d’avoir l’habitude du travail collectif donne une certaine force. La discussion, la construction en commun me sont devenues assez naturelles.
Propos recueillis par Camille Jourdan
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