Embarquement immédiat avec Henri Rannou ! C’est le pari un peu fou de Caroline Rubens, avec une nouvelle série initiée par le magazine Littoral. Une aventure de six mois, qui lui a permis de découvrir deux univers : celui de l’animation, en complicité étroite avec Vivement Lundi, et celui des bretonnants, avec les équipes de Bali Breizh.
Mais qui est donc Henri Rannou ?

On pourrait vous raconter la chose comme à la veillée : il était une fois, ur wech e oa, une réalisatrice pas spécialement férue de maquettes de bateaux, qui s’en vint rencontrer un vieux monsieur, dont c’était justement la passion de mettre les bateaux en bouteille. Non seulement il la conquit, mais en plus il lui colla le nez sur ses fameuses maquettes. Comme elle était un peu fée, elle finit par le faire rentrer lui-même dans une de ses bouteilles, et réussit, de surcroît, à le démultiplier… Echu eo ma istor !

On pourrait aussi commencer le récit de façon plus pragmatique : c’est Aline Mortamet, reponsable de l’émission Littoral (1), qui propose à Caroline Rubens, avec qui elle a déjà travaillé, de portraiturer un maquettiste de bateaux. Quelque peu sceptique, Caroline, avec la complicité de Françoise Foucher, qui fut journaliste au Chasse-Marée, se re-trouve nez à nez, dans la campagne de Quimperlé, avec un personnage haut en couleurs.

C’est Henri Rannou, ex-instituteur, et “navibotelliste” pour le plaisir, qui l’accueille à bras ouverts, et à récits déployés, dans son tout petit salon de Baye. L’homme est malin et capture Caroline dans ses filets dès cette première rencontre. « Il m’a catapultée littéralement dans son univers d’hommes de la mer et de drames, il était totalement habité par ses récits. »

Dès lors, Caroline va multiplier les visites à Henri. Elle l’écoute jouer tous les personnages, se mettre dans tous les états, déballer encore d’autres bouteilles… Il n’est pas rare que soudain, il s’empare de son accordéon, et pousse la chansonnette. Ému jusqu’aux larmes quand il évoque le sort des mousses à Terre-Neuve, joyeux quand des naufragés s’en sortent. Le monde de l’enfance n’est pas loin, à portée de rêves. Ces deux-là deviennent complices, et l’aventure peut continuer.

Caroline sait alors que ce qui l’intéresse, « c‘est de filmer l’imaginaire d’Henri. Faire le pari qu’on l’écoute jusqu’au bout, qu’on se laisse gagner par l’émotion mais aussi par le rire ». Retour vers Aline Mortamet et Sophie Bourhis, qui l’aiguillent vers une série. Elles sont toutes deux prêtes à innover, à se laisser étonner, et Caroline leur en sait gré.

Première étape, en complicité avec la graphiste Agathe Oléron : proposer un teaser pour convaincre les responsables du Pôle Nord-Ouest de France Télévisions (2). Premiers essais : filmer Henri sur écran vert, faire des photos de ses bateaux… Hop, le voilà en bouteille, à faire des cascades sur le Titanic !

Henri RANNOU 1

C’est alors que, dans un souci de mutualiser les énergies, Littoral et les responsables de Bali Breizh se demandent « pourquoi pas aussi une série en breton ? » Et là, c’est encore une autre aventure : Henri parle le breton de Cornouaille, il sera coaché par Ronan Hirrien, réalisateur brittophone du Léon. Seulement voilà, Henri affirme : « Il voulait me faire parler un breton-kig-ha-fars, alors que j’ai un breton-langoustines. Ne oa ket posubl ! »

Sur le plateau de tournage : Henri Rannou en haut à gauche, Ronan Hirrien et Henri Rannou en bas à gauche et Caroline Rubens à droite.

Sous la houlette bienveillante et efficace de Ronan, les choses vont s’arranger, avec aussi un autre bretonnant plus sudiste, Jos Goapper. Henri est rassuré, même s’il avoue à la première projection : « Aujourd’hui j’ai du goût, plijadur ganin, mais au début, j’en menais pas large ! »

Il faut dire que Caroline a pris la décision d’offrir tous les rôles à Henri, comme quand il les joue dans la vraie vie. Il sera capitaine, pilier de bistrot, vigie sur la hunette… Il endosse tour à tour le costume du capitaine Achab dans Moby Dick, de Le Flanchec, maire rouge de Douarnenez, dans un épisode singulier sur le lutte des ouvrières de conserveries en 1924. Ou du matelot Le Gonidec, survivant du naufrage du Pourquoi-Pas.

Henri RANNOU 2

Aurélie Angebault, de Vivement Lundi !, rejoint alors le projet, et la phase animation peut démarrer. Agathe Oléron fournit les illustrations : mers déchaînées à la Jules Verne ; banquise inquiétante ; lune à la Méliès. « J’aime son univers à la fois poétique et ancien, qui allait bien avec les rêves en carton-pâte et bouts-de-ficelle d’Henri », dit d’elle Caroline. « Ce fut un vrai bonheur de travailler à Vivement Lundi avec tous ces jeunes animateurs, ils étaient cinq et avaient une énergie créative incroyable. J’ai appris à découvrir encore un autre langage… Même si toutes les séquences étaient très écrites, ou plutôt établies de façon très mathématique, du fait de la complexité d’avoir entre deux et cinq Henri en simultané dans un plan, et qui conversent ensemble ! Dans tous les plans, on a pu inventer jusqu’au bout, et se faire plaisir » rajoute la réalisatrice. Qui avoue un énorme boulot, un bel exercice de construction de récit. Suivra le montage avec Gaëlle Villeneuve, un travail de son fignolé.

https://vimeo.com/105744318

Pour la version bretonne, Maël Le Guennec, successeur de Bernez Rouz, a accompagné avec bonheur le projet, comme Ronan Hirrien… De cette phase en breton, Caroline retient un bonheur réel de découvrir cette langue, avec ses richesses incroyables. Même satisfaction d’Aurélie Angebault pour ce qui est de la collaboration avec les diffuseurs en langue bretonne, y compris Tébéo, TVR, Télésud. « Cela ouvre le champ des possibles. Nous avons aussi reçu un bel accueil du FALB (3), et assumons tout à fait cet ancrage régional et linguistique. »

Quant au héros de cette histoire, Henri Rannou, il conclut le débat de présentation des films, lors du dernier festival de Douarnenez, en hélant la salle : « Si vous avez des bouteilles vides de 4,5 litres, je prends ! Pleines aussi, d’ailleurs. Gant plijadur ! J’ai encore plein d’histoires à raconter ! »

Caroline Troin

(1) Littoral – Le magazine des gens de la mer. Sur France 3 Bretagne le samedi à 16h15, rediffusé le lundi à 9H45. Littoral : Prix CIRCOM 2014 – Meilleur magazine européen des télévisions régionales.

(2) Jean-Michel le Guennec, directeur de la coordinnation éditoriale du Pôle Nord ouest, et Dominique Delhoume, délégué de l’antenne de Basse Normandie, en charge du suivi éditorial du magazine Littoral.

(3) Fonds d’aide à l’expression audiovisuelle en langues de Bretagne mis en place par le Conseil régional de Bretagne pour le développement de la présence du breton et du gallo dans le paysage audiovisuel breton.

HENRI RANNOU, NAVIGATEUR EN BOUTEILLE
Série écrite et réalisée par Caroline Rubens.
Une coproduction Vivement lundi !, France Télévisions, Tébéo, TVR et TébéSud avec la participation du CNC (COSIP et NTP) et de la Région Bretagne.

Diffusion à partir de samedi 13 septembre sur France 3 Bretagne – magazine Littoral à 16h15 et tous les samedi jusqu’à début novembre.
A partir du 21 septembre à 11h dans l’émission Bali Breizh sur France 3 Bretagne jusqu’au 7 décembre.
A partir du 26 septembre sur TVR, Tébéo et TébéSud, jusqu’au 12 décembre.

Photogrammes de la série © Vivement Lundi !