Bon Voyage Trambert !


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Bertrand Soriot

Ce mardi 29 août, nous apprenions avec tristesse le décès du réalisateur Bertrand Soriot. Depuis trois jours, les hommages des gens du cinéma et de la télévision affluent pour celui qu’on surnommait « Trambert », l’homme aux sept vies, comme le désigne son copain réalisateur Larbi Benchiha, à qui nous avons confié la plume, ainsi qu’à Fabrice Richard, qui se souvient…

LB : Ma rencontre avec Bertrand Soriot, que j’ai toujours appelé Trambert, remonte à 1990. À l’époque j’étais en formation aux Gobelins, et la première télé locale de France, TV Rennes, s’était installée dans des locaux jouxtant la galerie marchande Columbia. Je venais donc à TV Rennes pour effectuer un stage de 2 mois, et c’est là que j’ai, pour la première fois, vu Trambert. Il m’a été présenté ainsi : Bertrand Soriot, pigiste caméraman et monteur.

Depuis cette première rencontre, on ne s’est jamais perdus de vue. Nous avons travaillé ensemble plusieurs années à TV Rennes. Nous couvrions les matchs du stade rennais, Trambert et moi aux caméras et notre pote Patrick Vetier à la rédaction. Nous étions juchés sur une plate forme en hauteur. Comme les K7, le pack de bière, était toujours à portée de main …

Peu à peu, Trambert a délaissé la télé pour se mesurer à la réalisation, il n’a pas eu tort. Il s’est engagé d’abord dans la fiction. Il y réalisa l’émouvant court-métrage Sacré Michel, on t’aime. Puis ont suivi deux documentaires, Pénich’tro ou comment rejoindre l’océan sans passer le Razt de Sein et PSA La Janais, la colère et le silence. Lors de la préparation du film sur PSA, on se voyait régulièrement, il me parlait de l’avancement de l’élaboration et me montrait des pages d’écriture en me demandant ce que j’en pensais… Jusqu’au jour où il me téléphone pour m’annoncer qu’il venait d’obtenir l’aide à l’écriture du Conseil Régional de Bretagne. Il était heureux, ça s’entendait dans le ton de sa voix. Comme toujours avec Trambert, générosité oblige, l’aide fut arrosée et ré arrosée…

En 1996, nous nous sommes, de nouveau, retrouvés sur le même tournage, mon ami René Vautier m’avait demandé d’être le chef op sur le tournage de son film Dialogues d’images, Trambert était recruté pour s’occuper du son.

Il nous quitte, et en même temps, il laisse orphelins deux projets de films. Tout récemment, il m’a parlé d’un projet de film sur la pêche, il tournait sur un chalutier de Concarneau, je n’en sais pas pas plus sur ce projet. En revanche, sur l’autre projet de film, nous avions beaucoup échangé. Il tournait sur les manifestations contre la loi travail, qui ont secoué Rennes en 2016. Il était l’un des seuls à pouvoir filmer les AG, notamment lors de l’occupation de la salle de la Cité. Il avait, m’a-t-il dit, conclu un accord avec les groupuscules les plus actifs, l’accord consistait à établir une concertation permanente sur l’utilisation des images et sur la forme qui leur sera données. Je sais qu’il avait recruté un copain cameraman pour effectuer les prises de vues.

Quelque part, Trambert et moi partagions le même univers cinématographique, attirés par la lisière de la chose sociale, soucieux de donner la parole à celles et ceux qui ne l’ont pas. Homme de nuit, Trambert aimait éclairer les zones sombres. C’est comme cela qu’il s’est trouvé à filmer la ZAD de notre dame des Landes. Il y a fait de drôles de rencontres…

On ne le répète jamais assez, Trambert fut un compagnon de Santiago, le fondateur de IEC qui a fait fortune dans l’audiovisuel. Trambert avait beaucoup d’anecdotes à raconter sur l’ascension de son ami Santiago…

Pour moi, Trambert c’est l’homme aux sept vies, il a, à maintes reprises, failli y rester. Je me rappelle que lors d’une fête dans un moulin, voulant grimper sur une échelle, il est tombé en arrière, assommé par la chute. Les gens présents, je n’y étais pas, croyant qu’il était seulement ivre, l’ont mis au lit. Le matin on a découvert qu’il était dans le coma suite à un traumatisme crânien. Depuis cette accident il n’était plus en état de filmer sur un long moment : il éprouvait des vertiges en collant l’œil dans le viseur de la caméra.

L’autre fois où il a failli mourir noyé dans la vilaine, c’est suite à une mauvaise rencontre. Pendant longtemps Trambert a été un oiseau de nuit. À une heure très tardive, il fit la rencontre au niveau de l’écluse St Yves, m’a-t-il dit, d’un groupe de jeunes gens éméchés. Une discussion s’engage, Trambert pensait qu’il s’agissait de fachos… Le ton monte, on arrive aux mains et le voilà empoigné par les malabars qui le balancent dans le canal. Il ne doit son salut qu’à la faveur de quelques passants qui ont alerté les secours.

Homme de rencontre, il l’était ! Il y a des années, il a fait la connaissance d’un homme qui voulait changer de visage, mais il souhaitait que toutes les étapes de sa métamorphose soient filmées. Pour cela, l’homme qui semblait richissime, équipe Trambert d’une unité de tournage Bêta et d’un banc de montage. A ce moment-là, Trambert habitait une maison à Vezin-Le-Coquet. Il nous racontait souvent ses tournage avec l’homme qui voulait changer de visage, le tournage me semblait complètement ouf, mais je n’ai jamais vu les ‘images et personnes ne les verra… Les rushes ont été perdus dans un  incendie, dont j’ignore les cause, incendie dans lequel  Trambert a été gravement brûlé aux pieds. Pour moi, les soucis de santé de Trambert ont commencé avec cet incendie.

Trambert, homme public, l’un des Rennais les plus connus, mais sait-on tout de lui ? Il me semble que non, en effet, peu de gens savent que Trambert était aussi musicien, il jouait de la cornemuse, je le sais parce que j’ai eu l’occasion de l’écouter souffler dans la Guerra…

La dernière image que je garde de Trambert remonte à dimanche dernier. Trambert nous a demandé, à Michel Ogier et à moi, de l’emmener voir les bords de la Vilaine du coté de Saint-Germain-Sur-Ille. Nous y avons piqueniqué. Emmanuelle Saboureau nous a rejoints et nous y avons passé toute l’après midi. Un moment je lui ai demandé « si tu t’en sors, qu’aimerais-tu faire ? ». Il m’a répondu : « j’achèterai une nouvelle caméra et un camping car et j’irai sur les routes, je filmerai les choses qui me plaisent ». Ce jour-là Trambert était très diminué, mais était heureux d’être là, je pense que l’endroit lui rappelait les bons moments du tournage de Penich’tro. Trambert est décédé deux jours après cette escapade.

Larbi Benchiha, auteur réalisateur, Saint Gregoire, le 30 aout 2017

 

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Bertrand Soriot


FR:   Mon cher Trambert…

On t’appelait également parfois Trambouille je me souviens …

Même si je n’ai jamais été un Intime, J’ai tant de souvenirs pourtant …

Je me souviens par exemple de toi et de ta Mercedes 200 D blanche garée en double file devant le bar l’Amaryllis, c’était notre QG, c’était le début des films Amaryllis, c’était la fin des années 80.

T’étais un peu une star pour nous, comme je me souviens très bien le disait mon vieux pote Erwan Brouillard avec qui j’ai débuté dans ce métier.

Toi tu bossais déjà et on était tous un peu admiratifs, nous on débutait, tu étais le gars qui bossait à la télé !

Je me souviens que tu brûlais déjà la vie, sans trop de limites, tu nous racontais tes aventures souvent incroyables, tes amours, tes emmerdes, l’air de rien, tu étais prolixe, même si au fond tu étais un grand timide…

J’ai tant de souvenirs en plus de 30 ans, des souvenirs de vacances à Belle-île avec Dominique, Francois, Jean Francois et les autres, des souvenirs de tes potes que l’on était allés voir qui aménageaient un bateau, c’était sur les bords de Rance, tu avais alors une Simca Horizon .

Je me souviens de ton appart le long de la Vilaine et de ton petit Zodiac que tu sortais pour nous emmener faire une ballade au fil de l’eau …

Je me souviens de ton amie de l’époque, de son visage, de son sourire, mais pas de son prénom, vous étiez bien ensemble.

Tiens j’y pense, Tu sais que j’ai toujours la caméra super 16 de Sacré Michel on t’aime, je la garde bien sûr précieusement, c’est Loic Lostanlen qui faisait l’image, c’était ma Cam, et aujourd’hui cet objet qui a enregistré tes désirs de Cinema résonne en moi, tragiquement.

« Le Cinema substitue à notre regard un monde qui s’accorde à nos désirs » disait André Bazin…

Des désirs toi tu en avais plein la tête encore, et puis voilà… Ce putain de sort qui s’acharne …Ne restera maintenant que les souvenirs…

Je me souviendrais longtemps de ton côté trompe la mort, de cette chute violente d’une échelle lors d’une fameuse fête, de l’incendie de ta maison où tu t’en es tiré de justesse , de ce coup de machette et de ces gens qui t’ont jetés dans la vilaine, de cette dent sur pivot qui t’aura déclenché une septicémie.

Tu t’en es tiré pas mal de fois mon Trambert, des hauts et des bas tu en auras eu…

On s’est jamais vraiment perdus de vue, tu me parlais de tes projets, me demandait des conseils techniques…

J’aimais bien ta voix quand tu me laissais un message sur mon répondeur, cette voix si singulière.

Je me souviens de tant de choses…

Tiens ! Je me souviendrais toujours de ta fameuse réplique sur le film de Pierre Francois Lebrun   » les morts ont des oreilles » ou tu faisais l’acteur, proposant à Emilien Tessier de le ramener en moto ..

« Si tu veux j’ai ma bécane  » disais tu … Ma Bécane …

Ta Bécane, là où tu es maintenant tu n’en auras plus besoin, et ça me fait mal …

Bon voyage quand même mon cher Trambouille.

Fab


Les obsèques de Bertrand seront célébrées ce vendredi premier septembre à Noyal-Châtillon-sur-Seiche.