Avec un film en compétition nationale et un autre en projection spéciale, la société rennaise sera particulièrement en vue lors du Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand, du 29 janvier au 6 février.
Depuis « Joe », son premier court métrage réalisé en 1992, Arnaud Ladagnous trace un parcours original dans le paysage audiovisuel breton. Réalisateur, producteur, scénariste, musicien, il aborde la nouvelle année avec une double actualité clermontoise et une série en diffusion sur France 3 Ouest. L’occasion pour filmsenbretagne.com de rencontrer cet énergique touche-à-tout.
L&A est une société discrète dans le paysage audiovisuel breton. Pouvez-vous nous retracer son histoire ?
C’est une émanation de mes aventures sur le film Marcel & Co. Pour produire ce long métrage en 1999, j’ai créé Grisbi, une société en participation (SEP) qui n’a existé que le temps de la production. Cela me semblait être le meilleur moyen pour faire entrer en participation les gens qui travaillaient sur le film.
Patrick Marie était-il déjà votre associé au sein de Grisbi ?
Oui, il a suivi toutes mes velléités d’écriture et de réalisation pendant des années. C’est pour moi, une sorte de mentor bienveillant. Un jour, il m’a dit « explique moi ce qu’il te faut pour produire un long métrage ? » et cela a été le déclencheur pour nous lancer dans le chantier Marcel & Co.
Il a remué ciel et terre pour trouver des partenaires face à chaque ligne du budget du film. Ici, des restaurateurs qui nous offraient les déjeuners, là, des loueurs de véhicules qui payaient le poste transport. Il a appliqué une logique de court métrage au financement d’un long. Une vraie usine à gaz mais c’est cette énergie qui nous a permis de faire le film !
Marcel &Co (à droite, Eddy del Pino) © Arnaud Ladagnous
Dix ans après, comment analysez-vous l’expérience de ce long métrage ?
C’était un mélange de fonctionnement empirique, de plaisir et de risque économique. L’aventure qui aurait pu être difficile financièrement s’est bien terminée quand TPS a acheté le film. Artistiquement, Marcel & Co n’était pas le film de l’année, mais le bilan s’est avéré très positif pour moi. Ce film m’a permis de démystifier le long métrage et de comprendre qu’il était possible d’en produire en région.
Cette expérience m’a aussi permis de prendre conscience que j’avais mis l’attelage avant les bœufs et qu’il ne fallait probablement pas retravailler dans ces conditions. Ne pas chercher à faire entrer les diffuseurs en amont était un trop gros risque pour l’exploitation du film. Ce modèle ne peut pas être reproduit à chaque fois.
Et L&A ? Finalement, quand créez-vous cette SARL ?
En 2003. La SEP Grisbi ayant vécu le temps de Marcel & Co, j’avais besoin d’une sorte de boîte à outils pour travailler sur de nouveaux projets, pour facturer des prestations. Quand nous avons créé L&A, il n’y avait pas de projets précis. Nous n’avons pas eu de bureaux pendant très longtemps ni de ligne éditoriale affirmée.
Nous avons produit Electrocité, un magazine musical de 13 fois 26 mn pour TV Rennes, Juliette au pays des embûches, un institutionnel avec une écriture fictionnelle, des clips…
Comment avez-vous été amené à produire Marteau Ciseaux ?
J’avais initié avec le comédien Eddy del Pino et le chef opérateur Fabrice Richard une forme d’atelier qui avait un concept simple : tourner un film en une journée. Christophe Lemoine n’avait rien réalisé depuis le court métrage La Troisième valise en 1997. Il vivait très bien de son travail de scénariste, notamment pour la bande dessinée, mais nous tenions à ce qu’il remette un jour le « pied à l’étrier » de la fiction. Et il nous envoie, via Eddy, un scénario pour ce qui est devenu maintenant la collection « un film, un jour »… et ledit scénario fait 45 pages. Évidemment trop copieux pour l’atelier ! C’était Marteau Ciseaux.
J’y ai vu un joli film et je me suis demandé comment il serait possible de le produire dans une démarche de camaraderie. Cette fois, Patrick Marie et moi avons produit le film de manière assez académique. Mais le problème principal était la durée envisagée : comment produire un court de 40 à 45 minutes ? Nous n’avons pas réussi à prévendre Marteau ciseaux à des diffuseurs qui ne sont pas à l’aise avec le moyen métrage.
Nous avons obtenu un soutien du fonds d’aide à la création de la Région Bretagne et c’est là que, je trouve, ce fonds prend tout sons sens. Sans ce soutien, le film ne se serait pas fait car c’est la seule aide financière que nous ayons obtenue. Confrontés à une économie serrée, l’expérience de Marcel & Co s’est avérée essentielle.
Marteau ciseau (à droite, Christophe Lemoine) © L&A
Nous avons tourné le film à Perros-Guirrec en janvier 2009 avec une équipe à 99% bretonne. Nous n’avions aucune volonté régionaliste mais, au fil du temps, Christophe et moi avions rencontré en Bretagne toutes les compétences avec lesquelles nous voulions travailler.
Pour Le Fond du trou, vous avez repris votre casquette de réalisateur. Comment avez-vous séduit Canal+ ?
Je travaille régulièrement pour la société de production JPL Films et Jean-Pierre Lemouland me parle de l’appel à scénario pour La Collection produite par les programmes courts de Canal+. Un thème imposé, la crise ; un principe : écrire pour des comédiens choisis par la chaîne ; un calendrier très serré : le scénario doit être livré 15 jours après que j’ai pris connaissance du concours ! Au même moment, un ami m’invite à une partie de golf et c’est le déclencheur de mon écriture.
Chaque comédien a reçu 3 à 4 scénarii sélectionnés par Canal et un matin j’ai reçu un appel de Fabrice Eboué qui m’annonçait qu’il avait retenu mon projet. J’ai eu le feu vert de la chaîne en octobre dernier, j’ai tourné en novembre et le film sera diffusé en février. Une fulgurance que l’on connaît rarement en production. Je suis client de ce type d’énergie, mais cela m’a demandé une concentration et une efficacité particulières.
Marteau Ciseaux et Le Fond du trou seront présentés à Clermont-Ferrand. Comment vivez-vous cette double exposition ?
C’est une première pour moi ! Je vais découvrir ce festival et j’y vais détendu. C’est un vrai bonheur d’avoir l’opportunité d’une telle exposition, d’autant plus qu’elle est internationale. C’est tellement douloureux quand des œuvres ne sont pas diffusées que je me rends à Clermont avec plaisir et je le prends pour une reconnaissance qui pourrait nous permettre d’accélérer nos projets futurs.
Pour le film de Christophe, qui est en compétition nationale, je vais faire mon travail de producteur et assurer la promotion. Pour Le Fond du trou, le travail est « pré mâché » car La Collection pique sa crise est distribuée par Premium. Après la projection organisée par Canal+ à Clermont, les films seront également présentés à Cannes.
Peut-on parler de ces projets futurs ?
Ils passeront nécessairement par des étapes d’écriture. Christophe Lemoine a obtenu une aide à l’écriture de la Région Bretagne pour un projet de long métrage que je suis en développement. De mon côté, j’ai un projet de long et j’ai proposé un concept à Canal+ pour leur Nouvelle Trilogie (produite par Bruno Gaccio – NDLR).
Je suis ouvert à toute forme de collaboration. J’ai beaucoup appris en travaillant avec Jean-Pierre Lemouland et je suis conscient que nous ne savons pas tout faire tout le temps. Aujourd’hui, nous avons un bagage que nous n’avions pas il y a dix ans. Nous pouvons maintenant nous appuyer en Bretagne sur des techniciens et des comédiens qui ont beaucoup progressé ces dernières années. Sur Marteau ciseaux, toute la chaîne de fabrication, à l’exception du laboratoire, s’est appuyée sur des compétences et des prestataires de la région. Et comme il existe maintenant des espaces où nos projets sont lus et peuvent trouver un écho, il faut oublier nos craintes (ou nos complexes) et avancer…
Propos recueillis par Jean-François Le Corre
Photo de Une : Arnaud Ladagnous sur le tournage du Fond du trou © JPL/L&A
> À découvrir sur France 3 Ouest, dans l’émission Mouchig-dall, Yooga une série jeunesse (38 x 3′) écrite et réalisée par Arnaud Ladagnous, coproduite par JPL Films / L&A / France 3 Ouest
> La Collection pique sa crise sur Canal+, le 3 février à 22h15