Retours d'expériences : formation "Devenir référent·e harcèlement et discrimination"


Depuis Juin 2024, Films en Bretagne accueille la formation « Devenir référent·es harcèlement et discrimination dans le cinéma et l’audiovisuel » délivrée par l’Atelier Marcelle. 4 cessions de deux journées ont eu lieu avec 34 personnes formées (d’autres sont à venir), de tous métiers : régisseur·seuses, comédien·nes, réalisateur·ices, chargé·es de production de diffusion, etc…

Autant de personnes qui ont appris à prévenir, détecter et agir contre toutes formes de violence au travail. La formation est portée par l’Atelier Marcelle, dont les 2 fondatrices et formatrices sont anciennement régisseuses sur les plateaux de cinéma. 

Manon Le Gourrierec, Vincent Burlot, Manon Renault, Nathalie Coulon et Fannie Campagna ont suivi la formation et nous font part de leur expérience, et de ce qu’il et elles en ont retiré…


Retour d'expérience de Manon Le Gourrierec

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Intermittente de la production cinéma et audiovisuelle, je me positionne au poste d’assistante/secrétaire de production sur les tournages. La direction de production de courts métrages et la régie font également partie de mes activités. Je suis installée à Douarnenez, dans le Finistère.


En 2021, le CNC annonçait que l’attribution des aides serait conditionnée à la validation par le producteur d’un module de prévention aux harcèlements moraux, sexistes et sexuels. À cette époque, j’effectuais un remplacement dans la société Tita B Productions. Le producteur, conquis par la formation qu’il venait de recevoir, m’avait encouragé à la suivre si l’opportunité se présentait.

L’idée s’est ancrée à ce moment-là. Bien que je n’ai pas longtemps connu l’environnement du cinéma avant #MeToo, j’ai, comme beaucoup de monde, observé et vécu des comportements dérangeants notamment sur les débuts de carrières. Les stagiaires, les premières prises de postes et les jeunes technicien·ne·s et artistes qui cherchent à établir leur réseau sont autant de profils particulièrement exposés. Du fait de l’emprise de la hiérarchie et du manque de connaissances des usages et du cadre.

Plus tard, mes expériences en direction de production courts métrages m’ont questionné à ce sujet. Quand on sait que 14 % des couples se rencontrent sur leur lieu de travail, difficile d’empêcher les gens de flirter… Pourtant, la notion intime du consentement est déterminante dans l’appréhension d’un comportement approprié ou inapproprié. Hors il semblerait qu’il existe encore beaucoup de définitions personnelles de cette notion.

La nécessité plus urgente d’une formation est apparue à cette période [plus tard, au cours de mes expériences en direction de production courts métrages]. Notamment à l’idée qu’une situation pourrait probablement échapper à mon observation. Et si cela arrivait, est-ce que le cadre de la production serait suffisamment sécurisant pour qu’on se sente libre de venir m’en parler ? Et bien sûr, le cas échéant, aurais-je la réaction appropriée ? « La réaction appropriée » peut sembler naturelle et évidente d’un point de vue extérieur, pourtant rien ne l’est moins. La surprise et l’urgence, combiné au cadre professionnel, en particulier dans notre secteur, produit des situations complexes dont les répercussions doivent également être maitrisées.

Je pense qu’il est d’autant plus nécessaire de se former quand on mesure l’étendue du monde qui sépare l’hypothèse de sa soudaine réalité. Dans tous les cas, une agression sur un tournage est un coup de massue. L’enjeu n’est pas tant d’y faire face que d’éviter qu’elle se produise.

Pour les éviter et pour les prendre en charge, faut-il encore avoir fait le diagnostic de cet espace. La formation que j’ai suivi avec L’Atelier Marcelle en septembre 2024 m’a permis d’aborder la mission de référence, mais aussi et surtout les plans de prévention, obligations légales, et le cheminement du protocole de signalement à la procédure d’investigation, puis le cas échéant, de sanctions.

Il ne s’agit pas de se charger la mule de lourdeurs administratives, mais simplement de se donner les moyens d’installer un climat de travail sain et fonctionnel. Rien de plus cohérent avec les objectifs de notre mission et l’intérêt de tous, notamment des valeurs d’équilibre, de constance de justice et de cadre des producteur·ices avec qui nous aimons travailler.

À mon sens, cette formation s’adresse à quiconque en fait la démarche, mais tout particulièrement aux chefs d’équipe. On ne peut déléguer à une seule personne le soin d’être attentive aux agissements sur les plateaux. Les chefs, y compris ceux qui s’estiment déjà sensibilisés, ont la responsabilité d’accompagner leur assistant·e·s. Il y a une oreille à prêter et un œil à jeter à l’intérieur de son département, ainsi qu’un devoir d’exemplarité. Rien ne m’agace plus que de voir deux techniciens confirmés s’épancher de commentaires graveleux devant leur stagiaire. Ok, il ne faut pas faire feu de tout bois mais n’oublions pas que nous installons des climats à l’intérieur duquel des gens se forment…

Le cinéma a été ciblé comme secteur à risques. Quiconque ayant déjà travaillé sur un tournage a éprouvé la force d’inertie et les rouages de cette grosse machine qui une fois lancée, avance inéluctablement jusqu’à son terme. La rapidité, la fatigue, la pression, la vie d’équipe, l’éloignement sont autant de facteurs de risques qui peuvent favoriser l’émergence de violences qu’elles soient d’ordre morales, sexistes ou sexuelles. Si on ne peut certes pas encadrer tous les champs d’interactions humains, on ne peut pas non plus se cacher derrière son petit doigt. En bref, c’est chaud, ça brûle, et ce n’est pas un exercice !


Retour d'expérience de Vincent Burlot

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Après des études classiques au Conservatoire de Rennes et en faculté de musicologie, je démarre une carrière de concertiste au sein de plusieurs formations musicales dont « La Belle Société » chez Boucherie Productions. Parallèlement, je compose des musiques pour le théâtre et la danse. C’est à partir de 2013 que je commence à écrire pour le cinéma, en documentaire, fiction et animation.


Nous étions 7 autour de Mathilda, la super, géniale… formatrice de l’atelier Marcelle. 

Au cours de ces 2 journées, j’ai pu mesurer combien le retard sur ces questions de VMSS est grand dans notre secteur et à quel point l’omerta et les souffrances invisibles sont encore très présentes. J’ai aussi constaté que bien peu d’hommes semblent s’intéresser au sujet: selon les derniers chiffres de l’atelier Marcelle, on ne compte que 22% d’hommes sur ces formations. Également adhérent à l’association HF+ j’y regrette le même manque d’investissement de la gente masculine. Pourtant je me dis que c’est là que tout se joue, que c’est à nous en interne de donner l’impulsion, de faire bouger les lignes, d’échanger, de refuser, d’égaliser. 

Au cours de ces 2 journées, j’ai beaucoup appris sur les actions très simples à mettre en place pour éviter et lutter contre les VMSS. J’ai approfondi mes connaissances sur les obligations légales des employeurs.ses ainsi que sur les différentes étapes et procédures à mettre en place en cas d’agression dans le cadre d’un tournage. Depuis le mouvement Metoo, des mesures concrètes sont prises à tous les échelons. Ainsi, par exemple, dès 2025, le CNC conditionnera l’accès aux aides financières des films de fiction au fait que les équipes de tournage suivent une formation à la prévention des VHSS. Des signaux encourageants, donc. 

Bref, je ne saurais trop vous recommander de participer à ces journées ; ça fait du bien de se sentir acteurs.ices de la transformation de notre petit monde.

Retour d'expérience de Manon Renault

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Je suis coach enfant sur les plateaux, sinon je suis scénariste pour des émissions jeunesse, et animatrice d’ateliers cinéma pour les scolaires. Ce qui réunit toutes mes activités, c’est le mélange du travail avec et pour les enfants, et le cinéma.


J’ai voulu me former à ce sujet en premier lieu parce que j’ai moi-même été victime de VHSS, sur des tournages et à d’autres endroits dans ma vie, et que j’ai entendu beaucoup de personnes, en particulier des femmes, raconter en avoir subi aussi. Je pense que cet état de fait contribue à décourager les femmes à se lancer dans des carrières dans ces domaines, en particulier dans les filières les plus techniques. Ces comportements, parfois difficiles à repérer, participe au malaise que peuvent ressentir les personnes minorisées (femmes, personnes racisée…) au travail, et rend les dénonciations pénibles voire impossibles. Ça pourra être minimisé, nié, moqué, etc. Avec cette formation, on apprend à nommer précisément les différents comportements violents, à connaître les législations, et à comprendre les différentes responsabilités, en particulier celle de l’employeur·euse. Cette formation permet d’accompagner les employeur·euse·s volontaires dans leurs responsabilités de prévention, et éventuellement dans les différentes démarches que doit susciter un signalement. Les VHSS sont l’affaire de toutes et tous, il n’y a que dans un effort collectif que nous pourrons faire des tournages des lieux de travail sécurisants et même épanouissant pour toutes les personnes, quels que soient leur genre, leur orientation sexuelle, leur couleur de peau. Pour ça, il est aussi absolument essentiel que des hommes participent à cette formation, on n’y arrivera pas sans vous !


Retour d'expérience de Nathalie Coulon

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Nathalie Coulon est comédienne et auteure-réalisatrice de documentaire, elle vit à Rennes depuis une dizaine d’années.


J’ai eu la chance de pouvoir suivre cette formation de prévention des violences morales, sexistes et sexuelles par l’Atelier Marcelle et c’est une formation indispensable pour développer la culture du respect. Avec une méthodologie participative et bienveillante, elle définit des contours précis sur les agissements sexistes, discriminatoires, le harcèlement moral et sexuel, de manière concrète, adaptée au monde du travail et à nos métiers particuliers où la grande proximité dans laquelle nous travaillons peut parfois brouiller les pistes.

Un cadre très clair existe qui exclut les préjugés, les approximations, les complaisances et le flou, c’est le cadre de la loi, tout simplement.

Il y a quelques années, j’avais déjà suivi des formations sur ces questions et la législation a depuis évolué, cela a été une véritable réactualisation pour moi et  j’ai beaucoup appris. Ces deux jours de formation ont été très enrichissants et très forts en partage, il en ressort également que nous sommes tous·tes concerné·es, il s’agit de santé au travail et d’améliorer la vie au travail avec des outils qui sont existants, à notre disposition, plus nous serons nombreux·euses à développer nos connaissances, mieux nous nous porterons.


Retour d'expérience de Fannie Campagna

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Fannie Campagna est coordinatrice de la mission Zoom Bretagne au sein du réseau de salles de cinéma breton Cinéphare.


J’ai participé à la formation en juin 2024 avec Mathilda comme formatrice. Nous avions un groupe mixte et de professions diverses, ce qui a apporté, en plus des contenus pertinents pour nos métiers, de précieux retours d’expérience et des réflexions intéressantes. Mathilda a su nous laisser l’espace de nous exprimer et a compris nos besoins, en fonction de là où nous en étions dans la filière et de notre contexte de travail.

Je pense que tout le monde peut y trouver des informations tant légales sur les obligations d’un employeur, que des repères pour la définition, la mise en place de la prévention, et des clés pour bien réagir et agir face à des situations de VMSS. On repart avec tout en main !


QUELQUES RESSOURCES

Politique de prévention des VHSS mise en place par le CNC :

Comme dans tous les secteurs d’activité, les entreprises de la filière cinéma/audiovisuel sont tenues par le code du travail de prévenir ou de mettre fin aux VHSS : « L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner » (article L. 1153-5).

Depuis le 1er janvier 2021, l’accès à toutes les aides du CNC a été conditionné au respect par les entreprises de production* de cette obligation de prévenir, mettre fin et sanctionner les violences sexistes et sexuelles. Cette condition a été étendue en janvier 2022 aux exploitants de salles de cinéma et au 1er janvier 2025, à l’équipe de tournage dans son ensemble, c’est-à-dire le réalisateur, les chefs de postes de l’équipe technique, les comédiens. 


Le KIT de prévention Violence harcèlement sexuel sexisme :


Cellule d'écoute psychologique et juridique de lutte contre les violences sexuelles et sexistes pour les professionnel·les de la culture

En 2019, le ministère de la Culture a annoncé son plan de lutte contre le harcèlement et les violences sexistes et sexuelles à l’occasion des Assises de la parité, de l’égalité et de la diversité dans le cinéma, qui se sont tenues en novembre 2019 au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).

Parallèlement, les partenaires sociaux ont souhaité créer une cellule d’écoute gratuite et anonyme à destination des victimes et des témoins de violences sexuelles et sexistes dans le secteur du spectacle vivant et enregistré, qui a vu le jour en mai 2020.

Opéré par Audiens, le dispositif est porté par la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l’audiovisuel et du cinéma (Fesac) et des fédérations syndicales – CGT Spectacle, CFE-CGC, CFTC, FASAP FO, CFDT Communication Conseil, Culture, avec le soutien du ministère de la culture, du CNC, du CNM, du CND, du CNL, ainsi que du SNJV, de la SACEM, de la SACD, de la SCAM, du SNE et du SNELAC.