Films en Bretagne : Peux-tu nous parler de ton parcours et nous expliquer ce qui t’a amenée vers l’écriture et plus particulièrement pour des projets d’animation ?
Sandrine Joly : J’ai commencé le théâtre à 9 ans au sein de la Compagnie Gazibul de Saint-Brieuc, qui existe toujours. Puis, j’ai pris l’option théâtre. Mon lycée à Rennes était en partenariat avec le TNB, j’y ai fait des rencontres passionnantes. C’est pendant cette période que j’ai découvert Stanislavski et son approche psychologique du personnage, qui a été pour moi déterminante. J’écrivais déjà un peu : poèmes, petits scénarios. Je suis ensuite partie à Paris pour intégrer une école de cinéma et poursuivre des études en Arts du Spectacle à Paris 8.
Après l’obtention de mon Master, quelques pièces de théâtre et une douzaine de courts-métrages en tant que comédienne, ainsi que deux en tant que réalisatrice, j’ai décidé de me concentrer sur l’écriture. J’ai suivi une formation complémentaire au CEEA et des Masterclasses avec Truby. Et en 2010, j’ai développé un projet de série d’animation de 26×22, une sitcom fantastique, qui a été sélectionnée aux pitchs du Mifa du Festival d’Annecy. C’est comme çà que j’ai mis les deux pieds dans le joyeux monde de l’animation française !
Films en Bretagne : Tu exerces différentes fonction selon les projets : directrice de collection, développement de projets, etc. Peux-tu nous en dire plus et nous expliquer plus précisément en quoi cela consiste ? Quel rôle préfères-tu endosser ?
Sandrine Joly : En tant que scénariste on est amené à travailler sur différentes series, ce qui veut dire s’adapter à des genres, des univers, des modes narratifs et des publics différents. Ma pratique de comédienne m’a énormément aidée. J’ai développé une facilité à me projeter dans des univers et des personnages. Cela fait gagner beaucoup de temps pour les dialogues. Une fois les personnages bien en place, ça devient presque instinctif.
En tant que directrice de collection ou d’écriture, mon rôle est d’encadrer l’équipe d’auteurices et de garantir la cohérence artistique et narrative de la série. C’est de la gestion de projet et d’équipe. On doit tenir des délais et parfois travailler à flux très tendu. C’est particulièrement le cas lorsque je travaille pour TF1 Productions.
Le développement de projets, quant à lui, implique de donner vie à de nouvelles idées, de l’ébauche initiale à la création d’un concept solide et présentable. Cela inclut le développement des personnages, des arcs narratifs et la rédaction de la bible littéraire.
Sans hésitation ce qui m’anime le plus c’est le développement de projets. C’est le coeur de mon métier. Il y a quelque chose de profondément excitant à partir d’une simple idée et à la transformer en un projet concret et viable. J’aime particulièrement l’étape de la recherche et du brainstorming, où tout est encore possible et où l’imagination peut se déployer sans contraintes.
C’est un processus créatif intense qui permet de poser les bases d’une oeuvre qui, avec un peu de chance, verra le jour. Ce qui est loin d’être évident. En France, il est beaucoup plus facile de vendre une série policière qu’un projet de niche ou fantastique.
En dehors du projet de série d’animation sélectionné aux Pitchs Mifa, deux de mes projets de séries fictions ont été sélectionnés lors d’appels à projets internationaux prestigieux : le Torino SeriesLab et le WritersCampus de Series Mania. L’un d’entre eux a été optionné par MakingProd chez Mediawan.
Un scénariste qui développe des projets le fait souvent à fonds perdus, et cela peut demander des mois de travail. Si on a des droits d’auteurs qui tombent tous les mois tout va bien, mais il faut pouvoir regénérer régulièrement ces droits… Donc il faut alterner entre les différentes fonctions, ce qui est aussi intéressant et permet d’enrichir les compétences.
Films en Bretagne : Tu as travaillé dernièrement sur Compostman & Moi, une coproduction Vivement Lundi et SuperProd pour France TV, ainsi que sur The Doomies – une création originale Disney+/Xilam qui va être lancée à Annecy…peux-tu nous parler de ces expériences ?
Sandrine Joly : Depuis le début de ma carrière, j’ai beaucoup travailler sur des licences : des adaptations de BD ou de livres comme La Bande des Minijusticiers ou Geronimo Stilton, Les Nouvelles Aventures de Lassie, de jeu vidéo comme Sonic Boom mais aussi de nouvelles versions de dessins animés tels Maya l’Abeille, Robin des Bois ou Les Nouvelles Enquêtes de Oui-Oui… Alors travailler sur des créations originales était plutôt enthousiasmant, surtout lorsqu’il s’agit de diffuseurs prestigieux comme France TV ou Disney+.
J’étais particulièrement heureuse de travailler sur Compostman & Moi car c’est un projet qui a du sens. La série aborde des thèmes liés à la nature et sensibilise les enfants à l’écologie, sans être dans une approche éducative ou moralisatrice.
Pour The Doomies, comme cela m’arrive régulièrement, j’ai travaillé directement en anglais. Le ton de la série, plutôt orienté humour anglo-saxon n’était pas toujours simple à trouver, d’autant que j’écrivais l’épisode 2 et que seul le pilote était écrit à ce stade. Il n’y avait pas d’animatique, peu de visuels, tout était encore en développement en quelque sorte. Mais l’univers et les personnages me plaisaient beaucoup. Le côté Stranger Things, et le fait que ça se passe en Bretagne, à « Ouimper », avec une histoire de menhir hanté était très excitant !
Propos recueillis par Lubna Beautemps pour Films en Bretagne, mai 2024