Le dernier festival Travelling mettait à l’honneur les associations rennaises de jeunes cinéastes amateurs. L’occasion pour elles de présenter quelques films et de faire connaître leurs projets de diffusion : un festival déjà sur les rails, Courts en Betton, un autre qui préparait sa première édition : Bretagne tout court. L’occasion aussi de se découvrir entre elles et d’envisager dès lors leur développement à l’aune du collectif. Nous les retrouvons quelques mois plus tard pour un premier point d’étape.
Nous sommes samedi 7 juillet à la Coopérative, route de la Robiquette, à la sortie de Rennes en direction de St Malo. Le mercure est enfin dans le rouge. Ils n’auraient qu’à filer vers les plages les plus proches mais ils sont une petite dizaine réunis sur la terrasse de cette vaste bâtisse que la Ville de Rennes met à la disposition de l’association Oniric Vision et de quelques autres. Ils sont là pour faire le bilan du festival Bretagne tout court, initié par Oniric Vision et dont la première édition s’est tenue un mois plus tôt à la MJC du Grand Cordel à Rennes. Intervenue sur le festival pour expliquer le fonctionnement de la fédération des professionnels, Films en Bretagne est invitée au debrieffing. L’occasion de les connaître un peu mieux.
Ils ont en commun d’être jeunes, étudiants ou tout juste sortis de la fac et de faire vivre leurs structures sans beaucoup de moyens mais avec une impérieuse envie de faire.
Elles sont assez nombreuses ces associations rennaises. Toutes ne sont pas représentées aujourd’hui – certains ont bel et bien dû céder à l’appel du sable chaud (ndlr) – et pourtant cette réunion est stratégique. Il s’agit de jeter les bases d’une fédération qui les lierait toutes pour leur donner plus de poids et leur ouvrir de nouvelles perspectives.
Marianna Didiergeorges de l’association Manual Focus est à l’initiative du rendez-vous. Elle passe quelques coups de fil pour relancer les absents, au cas où, sans beaucoup de résultats. On commence donc un tour de table.
Léo Dazin, Dylan Cozian et Armel Gourmelen représentent l’association Equinok qui compte une quinzaine d’adhérents. Pas de subvention de fonctionnement, « mais des aides ponctuelles de l’Université Rennes 2 sur des actions précises. Il y aussi un bureau au CRIJ (Centre Régional Information Jeunesse, ndlr), au besoin, mais il est partagé par une quinzaine d’associations donc pas vraiment disponible ». Les salles du 4 bis sont en revanche mise à disposition gracieusement par la ville, ce qui aide bien.
Armel tempère, qu’on ne s’y trompe pas, ces tout petits moyens ne sont pas rédhibitoires en soi. « Il n’y a pas forcément la nécessité d’aller chercher une aide. Certains films peuvent se faire avec peu de moyens. Aller chercher des aides, c’est souvent trop long, trop compliqué. On veut faire le film rapidement, dès qu’on a l’idée. »
Alors on se débrouille, « on intervient dans des centres de loisirs sur des prestations d’éducations à l’image ». C’est ce que font Marianna Didiergeorges et Simon Amand de Manual Focus qui bénéficie d’un local de la Ville de Rennes pour un loyer annuel de 135 euros et peut compter sur les aides du FRIJ (Fonds Régional d’Initiative Jeunes, ndlr) et de Rennes 2 pour les films. Prestations et location de petit matériel aident aussi à financer le loyer de la Coopérative chez Oniric Vision.
Bien sûr c’est compliqué, « les projets sont contraints par le calendrier scolaire ou la nécessité de travailler à côté ». Chez Manual Focus toujours, « beaucoup sont auto-entrepreneurs et privilégient évidemment leur activité rémunérée. » Que font-ils ? « Des clips institutionnels. On fait tout, clé en main. Ça reste à petite échelle, donc c’est simple. »
Pour Courts en Betton, le manque de moyens se fait sentir davantage. « Après quatre ans, on a envie d’agrandir, de développer vraiment, affirme Antoine Lareyre qui reste confiant, on n’a pas obtenu d’aide cette année, il faut encore se développer avant, mais on a une réelle attention de la part de la Région ». Il note cependant que c’est toujours le service jeunesse de Rennes Métropole qui soutient le festival mais pas le service culture.
Aussi tous ont le même sentiment, celui d’être encouragés et perçus positivement mais de devoir encore faire leurs preuves et gagner en crédit pour être soutenus davantage par les collectivités.
Pour l’heure, Courts en Betton doit boucler son festival avec un budget total de 2500 euros. Alors « tous les prix sont tirés vers le bas. On demande un maximum de devis et pour y arriver on fait même imprimer nos flyers jusqu’en Allemagne », confie encore Antoine. « On y arrive mais tout repose sur le bénévolat. Ça prend énormément de temps. »
L’expérience de Bretagne Côté court, l’autre festival dédié au court métrage amateur qui fait donc le bilan de sa première édition, est similaire. Beaucoup de travail avec finalement « peu de bénévoles réellement investis ». Jean-Guillaume Bouëxière, qui a porté le projet, fait la part des choses, entre une date choisie par défaut, « trop tardive pour toucher le public étudiant », une affluence finalement décevante et l’attention flatteuse des professionnels. Simon confirme « là où on est vraiment contents, c’est que les pros sont venus et ont été surpris par la qualité de nos films ». Preuve s’il en fallait que « ce qu’on fait c’est du bénévolat mais pas de l’amateurisme ! »
Si le public n’a pas vraiment suivi cette année, Simon fait remarquer que ses collègues étudiants sont souvent difficiles à mobiliser. « Ils ne sont pas venus mais quand je leur parle du festival, ils me disent : ah oui, j’ai vu l’affiche. » Et il faut reconnaître que, côté communication, les choses ont été bien prises en main. Difficile d’ignorer le visuel à base de bobines de films et de crêpes, créé par Simon et largement exposé via le réseau d’affichage de la ville de Rennes. Mais ça ne suffit pas à déplacer les foules et, Antoine le sait, même si son festival est plus installé, « c’est difficile d’avoir l’attention de la presse. Les radios, pas de souci, mais avec les télés c’est plus dur ». Même si TV Rennes 35 est partenaire et diffuse le Prix du festival. Restent les réseaux sociaux, bien utilisés par ces associations.
Les difficultés ne semblent cependant avoir découragé personne. Au contraire. On s’organise. Et il semble que la solution soit dans le collectif et la mutualisation des – faibles – moyens dont chacune des associations dispose. Pourquoi deux festivals avec des lignes éditoriales si proches (les deux s’attachent au cinéma amateur, sans s’y cantonner) ? Se rapprocher apparaît à chacun autour de la table comme la bonne marche à suivre. Le plus jeune des deux événements serait alors sans doute appelé à s’effacer.
Au-delà de la fusion des festivals, le collectif permettrait de se constituer un parc matériel à partager pour produire et post-produire les films. Les financements publics, les locaux, les équipes seraient mutualisés. Chaque association garderait cependant son identité, en apportant à l’édifice commun ce qu’elle sait faire le mieux. « Faisons quelque chose de grand ! », s’enthousiasme Antoine.
L’envie est assurément là. Les idées fusent. Simon voudrait attirer l’attention sur les films associatifs et fidéliser le public du festival en organisant des soirées dans les bars, « techniquement légères à organiser et qui ne mobilisent pas trop les bénévoles qui s’en chargent. S’il y a plus de diffusion, ça peut être un moteur pour la création », ajoute-t-il.
Du côté de Courts en Betton, on n’est pas tout à fait séduits. « Nous on veut les fauteuils rouges, notre exigence c’est la qualité technique. C’est ce qui met en valeur les films. »
Une petite divergence de point de vue qui ne devrait pas entamer la belle résolution à avancer ensemble. Histoire à suivre…
Charlotte Avignon
Photo en Une © Films en Bretagne. Avec de gauche à droite : Bertrand Soriot (L’Arbre), Marianna Didiergeorges (Manual Focus), Armel Gourmelen (Equinok Films), Simon Amand (Manual Focus), Dylan Cozian (Equinok Films), Jean-Guillaume Bouëxière (Oniric Vision), Léo Dazin (Equinok Films), Antoine Lareyre (Courts en Betton).